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Merleau-Ponty (1966/1996:94-96) – emoções não são interiores

quarta-feira 21 de fevereiro de 2024, por Cardoso de Castro

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Temos de rejeitar o preconceito de que o amor, o ódio ou a raiva são "realidades interiores" acessíveis apenas a uma testemunha, a pessoa que os experimenta. A raiva, a vergonha, o ódio e o amor não são fatos psíquicos escondidos nas profundezas da consciência de outra pessoa; são tipos de comportamento ou estilos de conduta visíveis do exterior. Estão naquele rosto ou naqueles gestos, não estão escondidos atrás deles. A psicologia só começou a desenvolver-se quando abandonou a distinção entre corpo e mente, quando abandonou os dois métodos correlativos da observação interior e da psicologia fisiológica. Não aprendemos nada sobre a emoção enquanto nos limitámos a medir a velocidade da respiração ou a velocidade do batimento cardíaco na raiva — e também não aprendemos nada sobre a raiva quando tentámos captar a nuance qualitativa e indizível da raiva vivida. Estudar a psicologia da cólera é tentar determinar o significado da cólera, perguntar qual é a sua função na vida humana e qual é o seu objetivo. Assim, descobrimos que a emoção é, como diz Janet, uma reação de desorganização que ocorre quando chegamos a um impasse, — mais profundamente, descobrimos, como mostrou Sartre  , que a raiva é um comportamento mágico pelo qual, renunciando a uma ação efetiva no mundo, nos damos uma satisfação simbólica no imaginário, como aquele que, não podendo convencer o seu interlocutor numa conversa, recorre a insultos que nada provam, ou como aquele que, não ousando bater no seu inimigo, se contenta em mostrar-lhe o seu punho à distância. Uma vez que a emoção não é um fato psíquico e interno, mas uma variação na nossa relação com os outros e com o mundo, que se lê na nossa atitude corporal, não devemos dizer que apenas os sinais de cólera ou de amor são dados ao espectador estrangeiro e que os outros são apreendidos indiretamente e através de uma interpretação desses sinais; devemos dizer que os outros me são dados obviamente como comportamento. A nossa ciência do comportamento vai muito mais longe do que pensamos.

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Enfin la nouvelle psychologie   apporte aussi une conception neuve de la perception d’autrui. La psychologie classique acceptait sans discussion la distinction de l’observation intérieure ou introspection et de l’observation extérieure. Les « faits psychiques », — la colère, la peur par exemple, — ne pouvaient être directement connus que du dedans et par celui qui les éprouvait. On tenait pour évident que je ne puis, du dehors, saisir que les signes corporels de la colère ou de la peur, et que, pour interpréter ces signes, je dois recourir à la connaissance que j’ai de la colère ou de la peur en moi-même et par introspection. Les psychologues d’aujourd’hui font remarquer que l’introspection, en réalité, ne me donne presque rien. Si j’essaye d’étudier l’amour ou la haine par la pure observation intérieure, je ne trouve que peu de choses à décrire : quelques angoisses, quelques palpitations de cœur, en somme des troubles banaux qui ne me révèlent pas l’essence de l’amour ni de la haine. Chaque fois que j’arrive à des remarques intéressantes, c’est que je ne me suis pas contenté de coïncider avec mon sentiment, c’est que j’ai réussi à l’étudier comme un comportement, comme une modification de mes rapports avec autrui et avec le monde, c’est que je suis parvenu à le penser comme je pense le comportement [94] d’une autre personne dont je me trouve être témoin. En fait les jeunes enfants comprennent les gestes et les expressions de physionomie bien avant d’être capables de les reproduire pour leur compte, il faut donc que le sens de ces conduites leur soit pour ainsi dire adhérent. Il nous faut rejeter ici ce préjugé qui fait de l’amour, de la haine ou de la colère des « réalités intérieures » accessibles à un seul témoin, celui qui les éprouve. Colère, honte, haine, amour ne sont pas des faits psychiques cachés au plus profond de la conscience d’autrui, ce sont des types de comportement ou des styles de conduite visibles du dehors. Ils sont sur ce visage ou dans ces gestes et non pas cachés derrière eux. La psychologie n’a commencé de se développer que le jour où elle a renoncé à distinguer le corps et l’esprit, où elle a abandonné les deux méthodes corrélatives de l’observation intérieure et de la psychologie physiologique. On ne nous apprenait rien sur l’émotion tant qu’on se bornait à mesurer la vitesse de la respiration ou celle des battements du cœur dans la colère, — et on ne nous apprenait rien non plus sur la colère quand on essayait de rendre la nuance qualitative et indicible de la colère vécue. Faire la psychologie de la colère, c’est chercher à fixer le sens de la colère, c’est se demander quelle en est la fonction dans une vie humaine et en quelque sorte à quoi elle sert. On trouve ainsi que l’émotion est, comme dit Janet, une réaction de désorganisation qui intervient lorsque nous sommes engagés dans une impasse, — plus profondément, on trouve, comme l’a montré Sartre, que la colère est une conduite magique par laquelle, renonçant à l’action efficace dans [95] le monde, nous nous donnons dans l’imaginaire une satisfaction toute symbolique, comme celui qui, dans une conversation, ne pouvant convaincre son interlocuteur, en vient aux injures qui ne prouvent rien, ou comme celui qui, n’osant pas frapper son ennemi, se contente de lui montrer le poing de loin. Puisque l’émotion n’est pas un fait psychique et interne, mais une variation de nos rapports avec autrui et avec le monde lisible dans notre attitude corporelle, il ne faut pas dire que seuls les signes de la colère ou de l’amour sont donnés au spectateur étranger et qu’autrui est saisi indirectement et par une interprétation de ces signes, il faut dire qu’autrui m’est donné avec évidence comme comportement. Notre science du comportement va beaucoup plus loin que nous le croyons. Si l’on présente à des sujets non prévenus la photographie de plusieurs visages, de plusieurs silhouettes, la reproduction de plusieurs écritures et l’enregistrement de plusieurs voix, et si on leur demande d’assembler un visage, une silhouette, une voix, une écriture, on constate que, d’une manière générale, l’assemblage est fait correctement ou qu’en tout cas le nombre des assortiments corrects l’emporte de beaucoup sur celui des assortiments erronés. L’écriture de Michel-Ange est attribuée à Raphaël dans 36 cas, mais elle est correctement identifiée dans 221 cas. C’est donc que nous reconnaissons une certaine structure commune à la voix, à la physionomie, aux gestes et à l’allure de chaque personne, chaque personne n’est rien d’autre pour nous que cette structure ou cette manière d’être au monde. On entrevoit comment ces remarques pourraient être appliquées à la psychologie du langage : de [96] même que le corps et l’ « âme » d’un homme ne sont que deux aspects de sa manière d’être au monde, de même le mot et la pensée qu’il désigne ne doivent pas être considérés comme deux termes extérieurs et le mot porte sa signification comme le corps est l’incarnation d’un comportement.


Ver online : Maurice Merleau-Ponty


MERLEAU-PONTY, Maurice. Sens et non-sens. Paris: Gallimard, 1996