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Maldiney (Aîtres:5-7) – Existence et temporalité – présence et souci

Pulsions destinales et temps de la présence

terça-feira 21 de novembro de 2023, por Cardoso de Castro

Existence et temporalité d’une part, présence et souci d’autre part forment deux structures affines qui communiquent entre elles et se rejoignent dans cet existential équivoque qu’est le destin.

La tension diachronique sous-jacente à la constitution du schème temporel est celle d’une présence (humaine) qui s’anticipe soi-même en s’ouvrant son propre champ. La temporalité est la dimension d’être d’un être en souci. Il ne s’agit pas là d’une simple constatation empirique (encore que celle-ci soit loin d’être in-signifiante). [5] L’indissoluble lien du souci et du temps est une donnée originaire de la compréhension existentiale de l’homme, à laquelle le nom de Heidegger reste attaché. Existence et temporalité d’une part, présence et souci d’autre part forment deux structures affines qui communiquent entre elles et se rejoignent dans cet existential équivoque qu’est le destin. La présence (Dasein  ) est, dit Heidegger, « l’étant dont l’être est l’enjeu mis en jeu dans cet être même ». Elle est donc pré-occupation de ce que pourtant elle a à être; et elle a à être ce à quoi sa préoccupation déjà l’expose. Elle est fondamentalement souci (Sorge  , cura). Le souci dont l’horizon   est toujours déjà là est « l’être de la présence… » dont le sens est d’« être en avant de soi dans l’être-déjà-au-monde ». Être-là c’est ex-ister en tant que présence qui (c’est le sens strict de prae-esse) elle-même se rend imminente l’instance qui toujours déjà la préoccupe. Or « le fondement ontologique originaire de l’existentialité de la présence est la temporalité ». Aussi « le souci doit-il avoir besoin de temps et compter avec le temps ».

Souci et temps sont liés par le nœud même de l’être de la présence où s’accroche son destin.

« Le destin qui est la super-puissance impuissante d’un Soi qui décide de soi en se faisant le projet — tacite et prêt à l’angoisse — de sa propre dette, exige comme condition ontologique de sa possibilité la constitution d’être qui est celle du souci : la temporalité. » [1]

Le temps est le milieu   destinal de l’homme. L’homme en passion sous le temps subit son destin. L’homme en action sur le temps décide de sa destinée. La chronogenèse est contrainte et libre.

Le temps est le milieu de toute échéance où l’homme est échu à son là dans un échouage. Mais là n’est pas seulement ici. Être là c’est être à… Le temps n’est un champ d’existence que pour celui qui est sa propre posibilité. Or il ne l’est — au sens plein, sui-transitif du verbe être — que s’il n’a pas à être un possible déjà possible, que si l’anticipation de soi-même ouvre le champ du trans-possible. Mais cette ouverture — comme en général l’Ouvert — est le plus difficile à entendre. La difficulté est la même qu’à entendre l’abîme entre l’être et l’étant que Heidegger a tenté de dire sous le double aspect de la différence ontologique et du néant. « Le néant est le Non de l’étant et par là l’être appris dans l’épreuve de son expulsion hors de l’étant. La différence ontologique est le Non entre l’étant et l’être. » [2] [6]

Entre la facticité de la présence et le soulèvement de son projet, l’abîme est le même, l’ouverture est sans cadrage et s’ouvre par ces deux Non.

Heiddeger a condensé métaphoriquement la différence ontologique et le Rien de l’Être dans l’image du pli, par exemple d’une feuille de papier : l’étant et l’être s’articulent comme les deux demi-plans de la feuille. Ni voilé. Ni dévoilé. Entre clair et obscur. Il n’y a rien à prendre. Rabattus l’un sur l’autre, pour donner consistance au pli, les deux demi-plans se confondent — et comme eux l’être et l’étant. Dépliée, la feuille est aplatie, il n’y a qu’un plan : l’être et l’étant sont indiscernables. Il en est de même de l’être jeté et de l’être en projet — de la Ge-worfen-heit et de l’Ent-wurf. Ou bien l’anticipation de la présence la destine à un destin dans lequel elle se trouve anticipée. Ou bien déliée de toute facticité opaque, le projet n’a rien à transcender et n’est plus qu’un choix dans l’idéel.


Ver online : Henri Maldiney


[1M. Heidegger, Sein und Zeit, p. 385.

[2Heidegger, Vom Wesen des Grundes, Vorwort zur dritten Auflage, Frankfurt, 1949.