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Henry (EM:§8) – fenomenologia

quinta-feira 23 de novembro de 2023

tradução parcial

A fenomenologia é a ciência dos fenómenos. Isto significa que é uma descrição, anterior a qualquer teoria e independente de qualquer pressuposto, de tudo o que se nos apresenta como existente, em qualquer ordem ou domínio. Entendida como uma descrição, a fenomenologia implica a rejeição de qualquer hipótese, de qualquer princípio com um valor unificador real ou suposto em relação a um conjunto de conhecimentos e, em última análise, de um sector da realidade que encontraria nela uma regra de inteligibilidade, ou mesmo uma condição necessária da sua existência. É verdade que a ciência se preocupa em ir além dos factos e coordená-los em sistemas de explicação. Mas, em todos os casos, o elemento científico e o conjunto em que se insere remetem necessariamente para um dado fenomenológico, sem o qual não teriam qualquer sentido. Além disso, estes elementos e sistemas só existem para nós como dados. Eles são justapostos no meio fenomenológico com a própria realidade que pretendem explicar. Consequentemente, esta realidade não pode ser totalmente reduzida, tal como a própria realidade científica, em todas as suas formas, não pode ser reduzida. Uma vez que o seu valor explicativo tenha sido colocado entre parêntesis (mas permaneça como tal), as teorias entram no nosso ambiente como dados. Como tal, também elas requerem a atenção do fenomenólogo que é capaz de descrever as estruturas das suas próprias configurações. A desconfiança da fenomenologia em relação às concepções filosóficas ou científicas deve-se unicamente ao facto de elas nos ocultarem, na maior parte das vezes, uma realidade cujas características e significado próprio esquecem ou distorcem na sua tentativa de a explicar. Mas se olharmos com atenção, esta desconfiança não é discernível da consideração, é um indício de um trabalho positivo. O que é mais frequentemente alterado pelas teorias é o próprio sentido do trabalho teórico e dos seus produtos. É em relação ao sentido dos conjuntos constituídos como princípios explicativos que a fenomenologia realiza, em primeiro lugar, o seu trabalho de preservação; é o ser dos objectos científicos e dos conjuntos que eles constituem que ela restitui na sua integridade, conferindo-lhe um estatuto. É a fenomenologia que defende a ciência contra a tentação de se tornar uma nova metafísica, impedindo-a de se constituir como uma realidade absoluta e, pelo contrário, inserindo edifícios e princípios abstractos no contexto da experiência humana. Se o objeto científico é o mesmo que o objeto desta experiência, não é apenas porque se refere necessariamente a um objeto da experiência (sensível ou não), mas também porque é ele próprio um objeto da experiência.

Original

La phénoménologie est la science des phénomènes. Cela signifie qu’elle est une description, antérieure à toute théorie et indépendante de toute présupposition, de tout ce qui se propose à nous, en qualité d’existant, dans quelque ordre ou quelque domaine que ce soit. Comprise comme une description, la phénoménologie implique le rejet de toute hypothèse, de tout principe ayant une valeur unificatrice réelle ou supposée à l’égard d’un groupe de connaissances et, finalement, d’un secteur de la réalité qui trouverait en lui une règle d’intelligibilité, voire une condition nécessaire de son existence. La science, il est vrai, se préoccupe d’aller au-delà des faits et de les coordonner dans des systèmes d’explication. Mais, dans tous les cas, l’élément scientifique et l’ensemble où il entre renvoient nécessairement à un donné phénoménologique sans lequel ils n’auraient à la rigueur aucun sens. Bien plus, ces éléments et ces systèmes n’existent eux-mêmes pour nous qu’à titre de donnés. Ils se juxtaposent dans le milieu   phénoménologique à la réalité même qu’ils prétendent expliquer. Celle-ci, par suite, ne saurait être totalement réduite, pas plus, d’ailleurs, que ne saurait être réduite la réalité scientifique elle-même, sous toutes ses formes. Leur valeur explicative une fois mise entre parenthèses (mais subsistant à ce titre), les théories pénètrent dans notre environnement à titre de données. Comme telles, elles requièrent, elles aussi, l’attention du phénoménologue qui est capable de décrire les structures de leurs configurations propres. La méfiance dont fait preuve la phénoménologie à l’égard des conceptions philosophiques ou scientifiques, tient seulement au fait que celles-ci nous masquent le plus souvent une réalité dont elles oublient ou travestissent les caractères et le sens propre en pensant l’expliquer. Mais, à y regarder de près, cette méfiance n’est pas discernable d’une prise en considération, elle est l’indice d’un travail positif. Ce qui se trouve, en premier lieu et le plus souvent, altéré par les théories, c’est le sens même du travail théorique et de ses produits. C’est à l’égard de la signification des ensembles constitués à titre de principes explicatifs que la phénoménologie accomplit d’abord son œuvre de préservation, c’est l’être des objets scientifiques et des groupes qu’ils constituent qu’elle restitue dans son intégrité en lui conférant un statut. C’est la phénoménologie qui défend la science contre la tentation d’être une nouvelle métaphysique en lui interdisant de se constituer comme une réalité absolue et en opérant au contraire l’insertion des édifices et des principes abstraits dans le contexte de l’expérience humaine. Si l’objet scientifique est le même que l’objet de cette expérience, ce n’est pas seulement parce qu’il renvoie nécessairement à un objet d’expérience (sensible ou non), mais c’est aussi parce qu’il est lui-même un objet d’expérience.

Si le concept de phénoménologie est facile à saisir dans sa signification négative, en tant qu’il implique la mise entre parenthèses de toutes les interprétations et constructions que la pensée théorique superpose au réel au point de prendre ses propres produits pour la réalité et de les hypostasier sous une forme absolue, sa détermination positive  , précisément parce qu’elle vise à nous introduire dans le royaume de la positivité, réclame une analyse. Celle-ci doit être centrée sur l’idée de phénomène, puisque, comme science des phénomènes, la phénoménologie prétend s’en tenir exclusivement à ce qui se manifeste, tel précisément qu’il se manifeste. C’est nous, disait Husserl  , qui sommes les vrais positivistes. Il s’agit assurément ici de récuser l’empirisme et de reconnaître, comme source de droit pour la connaissance, « non pas uniquement la vision empirique, mais la vision en général, en tant que conscience donatrice originaire sous toutes ses formes » [Ideen I, 66] . C’est lorsque l’élément proprement théorique de la connaissance se borne à exprimer le donné intuitif dans des significations qui lui correspondent rigoureusement qu’il peut servir, à titre de fondement, pour le développement ultérieur de la connaissance et être ainsi ce que Husserl appelle un « commencement absolu », ou encore un « principe ». Parce qu’il repose exactement sur ce qui se montre en soi-même tel qu’il est, l’énoncé phénoménologique prétend avoir une valeur absolue. Absolue est en effet l’apparence à laquelle il renvoie, en tant justement qu’elle est une apparence. Ce qui apparaît est ce qu’on ne peut récuser, ce qui échappe à la réduction. Une science véritablement positive est alors possible, en tant qu’elle se réfère constamment à une telle apparence. Parce qu’elle veut se fier à celle-ci et lui restituer toutes ses dimensions, la phénoménologie libère le fondement sur lequel pourront être rétablis « dans leur ancien droit la métaphysique et, en même temps, l’être et la vie, comme donnés absolus » [Idole, 8] . Et ailleurs, Scheler   ajoute : « Une philosophie   fondée sur l’intuition phénoménologique de l’essence doit affirmer que l’être absolu est connaissable, d’une façon évidente et adéquate, dans chaque sphère du monde extérieur et intérieur [Ibid] . »

Une philosophie qui s’appuie sur le donné n’élude pas pour autant, il est vrai, le problème de la non-vérité. Mais elle a le moyen de substituer à la problématique traditionnelle de l’erreur, celle, plus radicale, de l’illusion  , qui justifie en fait l’apparence, dont le « contenu » est toujours « vrai », l’illusion résultant du transport inadéquat d’un Sachverhalt dans une autre couche d’être que la sienne. Quant à l’erreur qui n’est, somme toute, qu’un cas particulier de l’illusion, elle consiste dans l’établissement d’un rapport inadéquat entre un Sachverhalt pensé dans le jugement et le Sachverhalt correspondant présent dans l’intuition [Cf. Idole, 25] . Mais le phénomène de la connaissance renvoie toujours et dans tous les cas à un donné, à une apparence qui joue le rôle d’ultime fondement et qu’il s’agit seulement de comprendre dans son sens propre et de situer sur le plan d’être qui est le sien. Pour cela il suffit de laisser apparaître l’apparence telle qu’elle apparaît et de lire simplement en elle ce qui est indiqué.


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