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Fink (1966b:9-12) – objetos dignos da filosofia

quarta-feira 29 de novembro de 2023, por Cardoso de Castro

destaque traduzido

[…] Mas quando o pensamento filosófico desperta, não assume, como algo indiscutível, a hierarquia da interpretação mítica do universo. Os deuses, a terra e o mar, os homens, os animais, as plantas e os objectos artificiais fabricados pelo homem, tudo isso se confunde; cada uma dessas coisas é um ente. Todas as diferenças de poder têm em comum este traço fundamental que se encontra por toda parte. O deus radiante que, como Phoebus Apollo, ilumina o universo e o preenche com o brilho fulgurante do sol, é um ente — mas a minhoca na escuridão da terra é também um ente. Não será, pois, necessário compreender este elemento comum a todas as coisas antes de estabelecer diferenças de hierarquia? E, com efeito, a investigação que se dá por objeto o ente na medida em que é ente, o ente enquanto tal, o on he on, torna-se a tarefa decisiva da filosofia. Ao colocarmos esta questão do ente enquanto tal, estamos ao mesmo tempo a orientar a investigação para todo o ente, uma vez que o ser do ente pertence muito simplesmente a tudo o que se produz na unidade do universo. Uma vez colocada esta questão fundamental da "metafísica" sobre o ente enquanto tal e em geral, parece que qualquer diferenciação das coisas segundo uma hierarquia e qualquer avaliação das mesmas segundo o critério do "digno" e do "indigno" é descartada. […]

Hildenbrand & Lindeberg

En général, quels sont les objets dignes de la philosophie  ? Les stoïciens ont systématisé le questionnement philosophique en divisant la philosophie en « logique », « physique » et « éthique ». Les objets importants et dignes de la pensée étaient la pensée elle-même, notamment dans la mesure où la pensée humaine s’accorde avec le logos   régnant sur le monde, ensuite la nature comme totalité des choses étant d’elles-mêmes, et en définitive l’être humain [10] comme être libre se déterminant lui-même dans la communication sociale Mais dans la mesure où le stoïcisme concevait le logos universel comme étant le « divin », la division stoïcienne de la philosophie indiquait une voie qui a largement déterminé la tradition   occidentale et se reflète encore dans la manière dont Kant   systématise la philosophie. Chez lui aussi, Dieu, la nature et la liberté humaine sont proposés comme des objets importants et dignes de lu philosophie. Ces trois thèmes délimitent des domaines remarquables de l’étant. De tout ce qui est, Dieu, la nature et la liberté humaine sont les choses les plus dignes de la méditation. La dignité de ces grands objets ressort manifestement par contraste avec l’indignité générale du grand nombre des choses futiles et sans importance aucune. Sur quoi—c’est la question que nous pouvons dès lors poser — se fonde la différence du digne et de l’indigne? Est-ce que la philosophie dispose par avance d’un critère d’évaluation de l’étant intra-mondain, en fonction duquel elle puisse accorder ses faveurs et son intérêt? Dans la vie pré-philosophique, l’ensemble de la réalité est déjà divisé non seulement en champs et en dimensions spécifiques, mais nous disposons aussi d’une hiérarchie d’après laquelle nous évaluons l’étant dans sa multiplicité. La plupart du temps, ce sont des interprétations mythiques de l’univers. L’homme interprète sa position dans l’univers. Il se découvre par exemple, selon le sentiment de l’antiquité, à la surface de la terre qui porte tout, sous le ciel ouvert ; autour de lui s’étendent la campagne et la mer, vivent plantes et animaux; et dans les étoiles du firmament l’homme pressent l’existence des dieux. Les régions mondaines des hauteurs du ciel et des abîmes de la terre, où les mortels ne peuvent établir leurs demeures, passent pour les nobles domaines des dieux. Le pays des hommes s’étend entre les régions divines et il est lui-même visité par les épiphanies des êtres célestes. Dans la fécondité des champs, dans la bénédiction des températures, dans la fuite et le retour de Perséphone se manifeste la puissance du gouvernement divin. L’être humain sait qu’il est dépendant, que ses efforts et ses projets sont vains, il connaît la surpuissance des dieux. A partir de son attitude mythico-religieuse, il élabore une évaluation des choses terrestres dans leur ensemble. L’échelon de toutes les choses se mesure en fonction de la puissance divine. Le plus puissant est le plus digne d’être adoré. Mais lorsque la pensée philosophique s’éveille, elle ne reprend pas à son compte, comme quelque chose d’incontestable, la hiérarchie de l’interprétation mythique de [11] l’univers. Dieux, terre et mer, hommes, animaux, plantes et objets artificiels fabriqués par l’homme, tout cela se confond, chacune de ces choses est un étant. Toutes les différences de puissance ont en commun ce trait fondamental qui se retrouve partout. Le dieu rayonnant qui comme Phébée Apollon illumine l’univers et le remplit de l’éclat brillant du soleil, est un étant — mais le ver de terre dans l’obscurité de la terre est aussi un étant. Ne faut-il pas dès lors comprendre cet élément commun à toutes les choses avant de fixer des différences de hiérarchie? Et en effet la recherche se donnant pour objet l’étant dans la mesure où il est étant, l’étant en tant que tel, le on he on, devient la tâche décisive de la philosophie. En posant cette question de l’étant comme tel, on dirige en même temps la recherche vers tout étant, puisque l’être de l’étant appartient tout simplement à tout ce qui se produit dans l’unité de l’univers. Une fois posée cette question fondamentale de la « métaphysique » sur l’étant comme tel et en général, il semble que soient écartées toute différenciation des choses selon une hiérarchie et toute appréciation de celles-ci selon le critère du « digne » et de l’« indigne ». Et pourtant ce n’est pas du tout le cas. Sans doute ne se sert-on plus de manière non-critique de la hiérarchie mythique, mais la philosophie qui s’élabore comme questionnement sur l’être, tente par un effort de pensée de déterminer l’être de l’étant des choses selon des degrés propres : on comprend l’être en somme par opposition au rien, non pas sur le mode d’une délimitation simple et rigoureuse, mais plutôt de telle sorte que l’on conçoit les choses comme des alliances mystérieuses d’être et de néant, comme un mélange de ces oppositions originelles. Les choses finies sont considérées comme imprégnées de néant dans leur être, elles ont, dit-on alors, un être fait de néant, elles ont un moindre degré d’être; elles ne sont pas, comme le dit Platon  , « des étants sur le monde de l’étant », ne sont pas ontos on. On le voit plus nettement si on considère les choses du point de vue de leur caractère temporel, si on interprète leur « être » à partir de leur temporalité. Alors passe pour l’être le plus fort celui qui est toujours et se comporte toujours de la même manière, qui n’est pas né et ne périt pas, qui ne change pas, qui est immuable, immobile et constant. D’un degré inférieur d’ètre est celui qui bien qu’étant actuellement n’a pas été naguère et ne sera plus un jour, qui est sans cesse soumis à des changements et épuise dans le temps sa force d’être. Permanence ou non-permanence dans le flux du temps fournissent ainsi un fondement pour [12] évaluer « l’échelon ontologique » de l’étant. Dans la hiérarchie qu’élabore la pensée philosophique, ce n’est plus le degré d’une « puissance » mythiquement comprise, mais le degré de la « force d’être », interprétée dans l’optique de la « constance », qui décide de l’échelon de toutes les choses de l’univers. D’autre part, comme la philosophie ne questionne pas seulement les choses mais qu’elle se questionne aussi elle-même, il est de sa nature de ne pas disposer à l’avance d’un critère indiscutable pour l’appréciation des choses, mais de tenter plutôt de toujours remettre en question le critère qui la guide. Le plus problématique de tous les problèmes philosophiques est celui du préprojet conducteur concernant la nature de l’être. L’activité philosophique ne peut commencer sans un tel pré-projet, et il ne peut davantage s’en tenir à lui, s’installer dans ce pré-projet pour ainsi dire comme chez soi. Cela signifie qu’il faut que la philosophie pose une hiérarchie des choses du monde pour toujours la détruire à nouveau. Il faut qu’elle cherche de son regard scrutateur l’étant suprême et de suprême valeur et, à la fois, qu’elle mette radicalement en doute le critère préalable en fonction duquel elle mesure le degré suprême de l’être. Elle ne parvient pas à un savoir définitif; l’œuvre de la sagesse humaine ressemble au travail de Sisyphe.


Ver online : Eugen Fink


[FINK, Eugen. Le jeu comme symbole du monde. Tr. Hans Hildenbrand & Alex Lindenberg. Paris: Minuit, 1966, p. 9-12]