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Fink (1966b:20-22) – Édipo

quarta-feira 29 de novembro de 2023

destaque traduzido

O destino de Édipo traça o destino da paixão do homem pela verdade, em monumental grandeza e simplicidade. O filho da terra viola a sua mãe quando se levanta contra ela e tenta subjugá-la com a sua astúcia, quando constrói casas e cidades, faz ferramentas e máquinas e celebra os triunfos do seu trabalho e da sua inteligência. Será que esse conhecimento é suficiente? Não poderá ser ultrapassado por um conhecimento mais assustador, pelo qual saberíamos que a mãe natureza é inesgotável a um ponto que o homem é incapaz de imaginar? O saber prático e técnico na esfera do ser não se desmorona subitamente, quando a questão do que é realmente o ser desperta e se impõe? O não-saber a que somos precipitados por uma reflexão que se inicia não é um "estado" em que possamos habitar, mas antes um estado determinado por uma tensão insuportável; a negatividade do não-saber torna-se a ansiedade de uma peregrinação, de uma odisseia espiritual em que nunca temos a certeza de chegar a uma Colona. Se a tragédia de Édipo é uma metáfora simbólica do desejo humano de verdade, e portanto de filosofia, então a filosofia é aqui representada como um jogo. É um jogo que pode, numa medida essencial, dar-nos uma interpretação da filosofia.

Hildenbrand & Lindeberg

Si la réflexion de la pensée s’empare de nous, nous déchoyons de notre certitude de naguère, et nous ne savons plus qui nous sommes, ce qu’est l’homme, ce que sont coutume et droit, ce que sont chose et monde. Sans doute n’y a-t-il pas de meilleure métaphore pour cette transformation de l’humanité que la destinée du malheureux fils de Laïos. Œdipe, le maître de la ville, vit dans la splendeur et dans la gloire; il a conquis Thèbes et la main de la reine en sachant résoudre l’énigme du sphinx et répondre à la question posée par celui-ci : c’est cela l’homme. Œdipe sait ce qu’est l’homme et ce savoir lui a ouvert la voie de la royauté. Il voit mieux, il est plus clairvoyant que les autres; il est celui qui comprend le plus de choses pour autant que la compréhension dérive du bon sens humain. Il tient ce savoir pour assuré; son bonheur, pour durable et solide. Et ce qu’il y a d’inquiétant dans sa situation   vient du fait que sa certitude se donne pour celte assurance que chacun éprouve dans son chez-soi. Œdipe vit plein de confiance en lui-même : son pouvoir tient, fils et filles lui sont gage que sa race se perpétuera; ses concitoyens se fient à son savoir qui les guide. Et voici que la peste ravage la ville, signe de la colère des dieux; épouvantés, les citoyens et Œdipe lui-même pressentent que, du point de vue du savoir supérieur de dieu, les choses ne sont pas pour le mieux, contrairement aux illusions que les hommes se font. Ce pressentiment les [21] incitent à entreprendre une recherche radicale de la vérité. Et peu à peu les voiles tombent dans l’inquiétude grandissante; le roi force le divin, porte-parole des dieux, à livrer, morceau par morceau, l’horrible vérité. Œdipe cherche d’abord au dehors l’assassin du roi pour le trouver à l’intérieur, dans sa propre personne et se découvre comme profanateur de sa mère Et le fait est hautement symbolique, qu’il s’arrache les yeux pour extirper la vérité des sens qui l’avait tenu prisonnier. C’est seulement lorsqu’il ne voit plus avec ses yeux de chair et que la lumière du jour s’éteint pour lui, c’est seulement alors qu’il voit, essentiellement, véritablement, ce qui est. Devenu aveugle, bouleversé par la mort de son épouse-mère, abandonné par ses fils, délivré du pouvoir et chassé de la ville, il suit l’amère et longue route qui le conduit à Colonne pour que là-bas, après avoir expié, il soit enlevé par les dieux.

La destinée d’Œdipe trace la destinée de la passion que l’homme nourrit pour la vérité, dans une grandeur et une simplicité monumentales. Le fils de la terre violente sa mère lorsqu’il s’insurge contre elle et s’efforce de l’assujettir par l’habileté de sa ruse, lorsqu’il bâtit des maisons et des villes, qu’il fabrique des outils et des machines et célèbre les triomphes de son labeur et de son intelligence. Un tel savoir sait-il suffisamment de choses? Ne peut-il pas être surpassé par un savoir plus effrayant, par lequel on saurait que la nature-mère est inépuisable à un point que l’homme est incapable de se représenter. Est-ce que le savoir-faire pratique et technique dans la sphère de l’étant ne s’effondre pas subitement, une fois que la question s’éveille véritablement et se maintient, la question de savoir ce qu’est l’étant? Le non-savoir où nous précipite une réflexion qui commence, n’est pas un « état » où nous puissions séjourner, mais plutôt un état déterminé par une tension insupportable; la négativité du non-savoir devient l’inquiétude d’une pérégrination, d’une odyssée spirituelle où nous ne sommes jamais certains d’atteindre une Colonne. La tragédie d’Œdipe est-elle une métaphore symbolique de la volonté humaine de vérité, et partant, de la philosophie  , la philosophie est alors représentée ici par un jeu. C’est un jeu qui peut, dans une mesure essentielle, nous donner une interprétation de la philosophie. Nous avons là un singulier renversement. Au lieu que ce soit la philosophie qui dise ce qu’est le jeu, c’est dans le jeu d’une tragédie antique qu’il nous est dit ce qu’est la philosophie elle-même. Voilà des relations curieuses qui posent [22] bien des questions et qu’il n’est pas facile de percer à jour. Mais d’abord il s’agit de médiatiser une pré-compréhension de la problématique. Bien entendu on pourrait aussi concevoir une méthode consistant à commencer par une analyse du phénomène du jeu, à séparer et rendre claires, trait par trait, les structures de ce phénomène qui nous est connu, pour ensuite passer à la tâche de poser et d’élaborer les questions fondamentales. Nous choisissons un autre chemin. Nous tentons de jeter préalablement un regard sur la dimension fondamentale du problème philosophique du jeu. Le jeu — comme cela résulte de notre discussion — est un objet possible et valable de la philosophie. Il en est un thème possible parce que la pensée questionnante veut comprendre tout particulièrement quelque chose qui en soi ne comporte pas de question; il en est un thème valable parce que, dans le jeu, la relation entre l’homme et le monde éclôt d’une manière singulière. Le jeu humain a une signification mondaine, une transparence cosmique. C’est une des figures cosmiques les plus claires de notre existence finie. En jouant, l’homme ne demeure pas en lui-même, dans le secteur fermé de son intériorité ; plutôt il sort extatiquement hors de lui-même dans un geste cosmique et donne une interprétation riche de sens du tout du monde.


Ver online : Eugen Fink


[FINK, Eugen. Le jeu comme symbole du monde. Tr. Hans Hildenbrand & Alex Lindenberg. Paris: Minuit, 1966, p. 20-22]