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Sein und Zeit

Être et temps : § 61. Pré-esquisse du pas méthodique conduisant de la délimitation de l’être-tout authentique propre au Dasein à la libération phénoménale de la temporalité.

Ser e Tempo

quinta-feira 17 de julho de 2014, por Cardoso de Castro

Vérsions hors-commerce:

MARTIN HEIDEGGER, Être et temps, traduction par Emmanuel Martineau  . ÉDITION NUMÉRIQUE HORS-COMMERCE

HEIDEGGER, Martin. L’Être et le temps. Tr. Jacques Auxenfants  . (ebook-pdf)

Un pouvoir-être-tout authentique du Dasein   a été existentialement projeté. L’explicitation [302] du phénomène a dévoilé l’être authentique pour la mort comme devancement [1]. Dans son attestation existentielle, le pouvoir-être authentique du Dasein a été mis au jour comme résolution et en même temps interprété existentialement. Comment l’un et l’autre phénomènes doivent-ils être rapprochés ? Le projet ontologique du pouvoir-être-tout authentique n’a-t-il pas conduit dans une dimension du Dasein qui est fort éloignée du phénomène de la résolution ? Qu’est-ce que la mort doit avoir de commun avec la « situation   concrète » de l’agir ? La tentative d’accoupler à toute force la résolution et le devancement ne nous égare-t-elle pas dans une construction insoutenable, absolument non-phénoménologique, qui ne peut même plus revendiquer le caractère d’un projet ontologique phénoménalement fondé ?

Une mise en relation extérieure des deux phénomènes s’interdit assurément d’elle-même. Méthodiquement, il ne s’ouvre qu’un seul chemin possible : partir du phénomène de la résolution tel qu’attesté en sa possibilité existentielle, et demander : est-ce que la résolution, en sa tendance d’être existentielle la plus propre, renvoie elle-même à la résolution devançante comme à sa possibilité authentique la plus propre ? Qu’en serait-il si la résolution, suivant son sens propre, ne s’était portée à son authenticité que dès l’instant qu’elle se projette non pas vers des possibilités quelconques et simplement prochaines, mais vers cette possibilité extrême qui est antécédente à tout pouvoir-être factice du Dasein et qui s’engage comme telle, de manière plus ou moins dégagée, dans tout pouvoir-être facticement saisi du Dasein ? Si la résolution comme vérité authentique du Dasein n’atteignait que dans le devancement vers la mort la certitude authentique qui lui appartient ? Si c’était seulement dans le devancement vers la mort qu’était authentiquement comprise, c’est-à-dire existentiellement rejointe, toute « pré-cursivité » factice du décider ?

Tant que l’interprétation existentiale n’oublie pas que l’étant thématique qui lui est prédonné a le mode d’être du DASEIN et ne saurait se laisser reconstruire comme totalité sous-la-main à partir de fragments sous-la-main, ses démarches doivent nécessairement se laisser globalement guider par l’idée d’existence. Ce qui ne signifie rien de moins, pour la question de la connexion possible entre devancement et résolution, que l’exigence de projeter [303] ces phénomènes existentiaux vers les possibilités existentielles prédessinées en eux, et de « penser en dernière instance » celles-ci existentialement. Par là, l’élaboration de la résolution devançante comme pouvoir-être-tout authentique existentiellement possible perd le caractère d’une construction arbitraire. Elle devient la libération interprétative du Dasein pour sa possibilité extrême d’existence.

Avec ce pas, l’interprétation existentiale atteste en même temps son caractère méthodique le plus propre. Jusqu’à maintenant, abstraction faite de remarques rendues nécessaires par les circonstances, nous avions retenu toute élucidation méthodique expresse. Ce qui importait, c’était de « percer » tout d’abord jusqu’aux phénomènes. [Maintenant en revanche], avant la libération du sens d’être de l’étant dévoilé en sa réalité phénoménale fondamentale, la démarche de la recherche a besoin d’un temps d’arrêt, non point pour nous « reposer », mais pour procurer à la recherche une motivation plus aiguë.

Toute méthode véritable se fonde dans un regard-préalable adéquat sur la constitution fondamentale de l’« objet », ou du domaine d’objets à ouvrir. Par suite ; toute méditation méthodique véritable - qu’il convient de bien distinguer de vides explications techniques - apporte en même temps une révélation sur le mode d’être de l’étant thématique. La clarification des possibilités, des requêtes et des limites méthodiques de l’analytique existentiale en général peut seule assurer à son étape fondative - le dévoilement du sens d’être du souci - la transparence qui lui est nécessaire. L’interprétation du sens ontologique du souci doit nécessairement s’accomplir sur la base de la pleine et constante re-présentation phénoménologique de la constitution existentiale du Dasein telle qu’elle a été jusqu’ici dégagée.

Ontologiquement, le Dasein est fondamentalement différent de tout étant sous-la-main ou réel. Sa « réalité » ne se fonde pas dans la substantialité d’une substance, mais dans l’« autonomie   » du Soi-même existant, dont l’être a été conçu comme souci. Le phénomène du Soi-même, conjointement inclus dans le souci, a besoin d’une délimitation existentiale originaire et authentique par rapport à la mise en lumière préparatoire du On-même inauthentique. Ce qui implique en même temps une fixation des questions ontologiques possibles qui doivent en général être posées au « Soi-même », si celui-ci n’est ni substance ni sujet.

Le phénomène du souci ainsi clarifié pour la première fois de manière satisfaisante, c’est lui que nous questionnerons ensuite quant à son sens ontologique. La détermination de ce sens deviendra libération de la temporalité. Cette mise en lumière ne conduit point dans des [304] régions éloignées, particulières du Dasein, elle com-prend seulement la réalité phénoménale totale de la constitution existentiale fondamentale du Dasein dans les fondements derniers de son intelligibilité ontologique propre. La temporalité est expérimentée de manière phénoménalement originaire dans l’être-tout originaire du Dasein - dans le phénomène de la résolution devançante. Si la temporalité s’annonce   originairement en celle-ci, alors, selon toute présomption, la temporalité de la résolution devançante est un mode insigne de temporalité. La temporalité peut se temporaliser en diverses possibilités et selon diverses guises. Les possibilités fondamentales de l’existence, authenticité et inauthenticité, se fondent ontologiquement dans des temporalisations possibles de la temporalité.

Si déjà le caractère ontologique de son être propre, étant donné la prépondérance de la compréhension échéante de l’être (être comme être-sous-la-main), se tient éloigné du Dasein, cela vaut davantage encore des fondements originaires de cet être. C’est pourquoi il ne faut pas s’étonner si la temporalité, au premier regard, ne correspond pas à ce qui est accessible comme « temps » à la compréhension vulgaire. Le concept de temps de l’expérience vulgaire du temps et la problématique qui en naît ne sauraient donc, par conséquent, fonctionner inconsidérément comme critères de l’adéquation d’une interprétation. Bien plutôt la recherche doit-elle se rendre préalablement familière avec le phénomène originaire de la temporalité pour ne mettre au jour qu’à partir de lui la nécessité et le mode d’origine de la compréhension vulgaire du temps, ainsi que le fondement de sa domination.

Nous assurerons le phénomène originaire de la temporalité en montrant que toutes les structures fondamentales du Dasein jusqu’ici établies sont au fond « temporelles » du point de vue de leur totalité, de leur unité et de leur déploiement possibles, et qu’elles doivent être conçues comme modes de temporalisation de la temporalité. Ainsi s’imposera pour l’analytique existentiale, à partir de la libération de la temporalité, la tâche de répéter l’analyse déjà accomplie du Dasein en interprétant ses structures essentielles en direction de leur temporalité. Quelles sont les directions fondamentales des analyses ainsi exigées ? C’est la temporalité elle-même qui les pré-dessine. Par suite, ce chapitre présentera la division suivante : le pouvoir-être-tout existentiellement authentique du Dasein comme résolution devançante (§62) ; la situation herméneutique conquise pour une interprétation du sens d’être du souci et le caractère méthodique de l’analytique existentiale en général (§63) ; souci et [305] ipséité (§64) ; la temporalité comme sens ontologique du souci (§65) ; la temporalité du Dasein et les tâches d’une répétition originaire de l’analyse existentiale suscitées par elle (§66).


Ver online : Sein und Zeit (1927), ed. Friedrich-Wilhelm von Herrmann, 1977, XIV, 586p. Revised 2018 [GA2]


[1Cf. supra, §58, p. [280] sq.