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Sein und Zeit

Être et temps : § 65. La temporalité comme sens ontologique du souci.

Ser e Tempo

quinta-feira 17 de julho de 2014, por Cardoso de Castro

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MARTIN HEIDEGGER, Être et temps, traduction par Emmanuel Martineau  . ÉDITION NUMÉRIQUE HORS-COMMERCE

HEIDEGGER, Martin. L’Être et le temps. Tr. Jacques Auxenfants  . (ebook-pdf)

La caractérisation de la « connexion » entre souci et ipséité n’avait pas seulement pour but la clarification du problème particulier de l’égoité, mais devait servir d’ultime préparation à la saisie phénoménale de la totalité du tout structurel du Dasein  . Il est besoin de la discipline immuable du questionnement existential si nous voulons empêcher que le mode d’être du Dasein ne se pervertisse finalement, pour le regard ontologique, en un mode, fût-il tout à fait indifférent, de l’être-sous-la-main. Le Dasein devient « essentiel » dans l’existence authentique, laquelle se constitue comme résolution devançante. Ce mode de l’authenticité du souci contient le maintien de Soi-même et la totalité originaires du Dasein. C’est en un regard non dispersé, existentialement compréhensif sur elle que doit s’accomplir la libération du sens ontologique de l’être du Dasein.

Qu’est-ce qui est ontologiquement cherché sous le nom de sens du souci ? Que signifie [324] sens ? La recherche a déjà rencontré ce phénomène dans le cadre de l’analyse du comprendre et de l’explicitation [1]. D’après cette analyse, le sens est ce où se tient la compréhensibilité de quelque chose, sans que cette chose vienne elle-même expressément et thématiquement au regard. Le sens signifie le vers-où du projet primaire à partir duquel quelque chose peut être conçu comme ce qu’il est en sa possibilité. Le projeter ouvre des possibilités, autrement dit quelque chose qui rend possible.

Libérer le vers-où d’un projet signifie ouvrir ce qui rend possible le projeté. Cette libération exige méthodiquement d’accompagner le projet qui est sous-jacent - le plus souvent implicitement - à une explicitation de telle manière que ce qui est projeté dans le projet devienne ouvert et saisissable en son vers-quoi. Dégager le sens du souci, cela signifiera donc : accompagner le projet qui est à la base de, et qui guide l’interprétation existentiale originaire du Dasein, de telle manière que le vers-quoi de son projeté devienne visible. Le projeté est l’être du Dasein, à savoir en tant qu’ouvert en ce qui le constitue comme pouvoir-être-tout authentique. Le vers-quoi de ce projeté, de l’être ouvert ainsi constitué, est ce qui possibilise cette constitution même de l’être comme souci. Avec la question du sens du souci, il est donc demandé ceci : qu’est-ce qui possibilise la totalité du tout structurel articulé du souci en l’unité de son articulation déployée ?

Le sens, entendu rigoureusement, signifie le vers-quoi du projet primaire de la compréhension de l’être. L’être-au-monde ouvert pour lui-même comprend, cooriginairement à l’être de l’étant qu’il est lui-même, l’être de l’étant découvert à l’intérieur du monde, même si c’est encore de manière non thématique et sans différenciation de ses modes primaires, qui sont l’existence et la réalité. Toute expérience ontique de l’étant, le calcul circon-spect de l’à-portée-de-la-main aussi bien que le connaître positivement scientifique du sous-la-main, se fondent dans des projets à chaque fois plus ou moins transparents de l’être de l’étant considéré. Mais ces projets abritent en eux un vers-quoi, dont le comprendre de l’être se nourrit pour ainsi dire.

Lorsque nous disons : l’étant « a du sens », cela signifie : il est devenu accessible dans son être, lequel n’a « à proprement parler » de sens que projeté vers son vers-quoi. Si l’étant « a » du sens, c’est seulement parce que, d’emblée ouvert en tant qu’être, il devient compréhensible dans le projet de l’être, c’est-à-dire à partir du vers-quoi de celui-ci. C’est le [325] projet primaire du comprendre de l’être qui « donne » le sens. La question du sens de l’être d’un étant fait du vers-quoi du comprendre d’être sous-jacent à tout être de l’étant son thème propre.

Le Dasein est ouvert pour lui-même authentiquement ou inauthentiquement quant à son existence. Existant, il se comprend, mais de telle manière que ce comprendre ne représente pas une pure saisie, mais constitue l’être existentiel du pouvoir-être factice. L’être ouvert est celui d’un étant pour lequel il y va de cet être. Le sens de cet être, c’est-à-dire du souci, sens qui possibilise le souci en sa constitution, constitue originairement l’être du pouvoir-être. Le sens d’être du Dasein n’est pas un autre et un « en dehors » de lui-même flottant en l’air, il est le Dasein même se comprenant. Qu’est-ce qui possibilise l’être du Dasein et, avec lui, son existence factice ?

Le projeté du projet existential originaire de l’existence s’est dévoilé comme résolution devançante. Qu’est-ce qui rend possible cet être-tout authentique du Dasein quant à l’unité de son tout structurel articulé ? Si on la saisit de manière formellement existentiale, et sans désigner maintenant constamment sa teneur structurelle pleine, la résolution devançante est l’être pour le pouvoir-être insigne le plus propre. Or cela n’est possible qu’autant que le Dasein peut en général advenir à soi en sa possibilité la plus propre, et que, en ce se-laisser-advenir-à-soi, il soutient la possibilité comme possibilité - c’est-à-dire existe. Or le se-laisser-advenir-à-soi dans la possibilité qui soutient celle-ci est le phénomène originaire de l’avenir. Si à l’être du Dasein appartient l’être authentique ou inauthentique pour la mort, celui-ci n’est possible que comme avenant au sens qu’on vient d’indiquer, et qui reste à déterminer de plus près. L’« avenir », ici, ne désigne pas un « maintenant » qui n’est pas encore devenu « effectif » et qui ne le sera qu’un jour, mais la venue en laquelle le Dasein advient à soi en son pouvoir-être le plus propre. Le devancement rend le Dasein authentiquement avenant, de telle manière cependant que le devancement n’est lui-même possible que pour autant que le Dasein en tant qu’étant advient en général toujours déjà à soi, c’est-à-dire est en général avenant en son être.

La résolution devançante comprend le Dasein en son être-en-dette essentiel. Ce comprendre signifie : assumer l’être-en-dette en existant, être en tant que fondement jeté de la nullité. Mais l’assomption de l’être-jeté signifie : être authentiquement le Dasein tel qu’il était à chaque fois déjà. L’assomption de l’être-jeté, cependant, n’est possible que dans la mesure où le Dasein avenant peut être son « comme il était déjà à chaque fois » le plus propre, [326] c’est-à-dire son « été ». C’est seulement pour autant que le Dasein est en général comme je-suis-été qu’il peut advenir de manière avenante à soi-même, en re-venant. Authentiquement avenant, le Dasein est authentiquement été. Le devancement vers la possibilité extrême et la plus propre est le re-venir compréhensif vers l’« été » le plus propre. Le Dasein ne peut être été authentiquement qu’autant qu’il est avenant. L’être-été, d’une certaine manière, jaillit de l’avenir.

La résolution devançante ouvre toute situation   du Là de telle manière que l’existence, en agissant, se préoccupe circon-spectivement de l’à-portée-de-la-main facticement rencontré dans le monde ambiant. L’être résolu auprès de l’à-portée-de-la-main de la situation, c’est-à-dire le laisser-faire-encontre agissant de ce qui est présent dans le monde ambiant n’est possible que dans un présentifier de cet étant. C’est seulement en tant que présent au sens du présentifier que la résolution peut être ce qu’elle est : le laisser-faire-encontre non-dissimulé de ce dont elle s’empare en agissant.

Re-venant à soi de manière a-venante, la résolution se transporte dans la situation en présentifiant. L’être-été jaillit de l’avenir, de telle manière que l’avenir « été » (mieux encore : « étant-été ») dé-laisse de soi le présent. Or ce phénomène unitaire en tant qu’avenir étant-été-présentifiant, nous l’appelons la temporalité. C’est seulement dans la mesure où le Dasein est déterminé comme temporalité qu’il se rend possible à lui-même le pouvoir-être-tout authentique - plus haut caractérisé - de la résolution devançante. La temporalité se dévoile comme le sens du souci authentique.

La teneur phénoménale, puisée dans la constitution d’être de la résolution devançante, de ce sens remplit la signification du terme de temporalité. L’usage terminologique de cette expression doit tout d’abord tenir éloignées toutes les significations de l’« avenir », du « passé » et du « présent » suggérées par le concept vulgaire du temps, et autant vaut des concepts d’un temps « subjectif » et « objectif », ou « immanent » et « transcendant ». Dans la mesure où le Dasein se comprend lui-même de prime abord et le plus souvent inauthentiquement, il est permis de présumer que le « temps » de la compréhension vulgaire du temps représente un phénomène certes véritable, mais second. Ce phénomène, en effet, provient de la temporalité inauthentique, qui a elle-même son origine propre. Les concepts d’« avenir », de « passé » et de « présent » ont tout d’abord pris naissance dans le comprendre inauthentique du temps. La délimitation terminologique des phénomènes originaires et [327] authentiques correspondants se trouve aux prises avec cette même difficulté qui demeure attachée à toute terminologie ontologique. Les « violences » dans ce domaine, ne sont pas de l’arbitraire, mais représentent une nécessité fondée dans la chose même. Néanmoins, pour pouvoir mettre totalement en lumière l’origine de la temporalité inauthentique à partir de la temporalité originaire et authentique, il est préalablement besoin d’une élaboration concrète du phénomène originaire, qui n’a jusqu’ici été que grossièrement caractérisé.

Si la résolution constitue la modalité du souci authentique, et si elle n’est elle-même cependant possible que par la temporalité, alors il faut que le phénomène qui a été conquis du point de vue de la résolution ne représente lui-même qu’une modalité de la temporalité, laquelle en général possibilise le souci comme tel. La totalité d’être du Dasein comme souci signifie : être-déjà-en-avant-de-soi-dans (un monde) comme être-auprès-de (l’étant rencontré à l’intérieur du monde). En fixant pour la première fois cette structure articulée, nous soulignions qu’une telle articulation contraignait la question ontologique à pousser encore plus loin, jusqu’à la libération de l’unité de la totalité de la multiplicité structurelle [Cf. supra, §41, p. [196].]]. L’unité originaire de la structure du souci réside dans la temporalité.

Le en-avant-de-soi se fonde dans l’avenir. L’être-déjà-dans annonce   en lui-même l’être-été. L’être-auprès… est rendu possible dans le présentifier. Néanmoins il nous est ici interdit, d’après ce qui vient d’être dit, de saisir le « avant » du « en-avant » et le « déjà » à partir de la compréhension vulgaire du temps. Le « en-avant » ne désigne pas un « devant » au sens du « maintenant-pas-encore… mais plus tard »; tout aussi peu le « déjà » signifie-t-il un « plus-maintenant… mais plus tôt ». Si les expressions « en-avant » et « déjà » avaient cette signification temporelle - que du reste elles peuvent aussi avoir -, parler de temporalité du souci reviendrait à dire qu’il est quelque chose qui est tout à la fois « plus tôt » et « plus tard », « pas encore » et « plus ». Le souci serait alors conçu comme un étant qui survient et se déroule « dans le temps ». L’être d’un étant avant le caractère du Dasein deviendrait un sous-la-main. Or si c’est là chose impossible, il faut que la signification temporelle des expressions citées soit autre. Le « avant » du « en-avant » indique l’avenir tel qu’il rend en général pour la première fois possible que le Dasein soit de telle manière qu’il y aille pour lui de son pouvoir-être. Le se-projeter, fondé dans l’avenir, vers le « en-vue-de soi-même » est un caractère d’essence de l’existentialité. Le sens primaire de celle-ci est l’avenir. [328] De même, le « déjà » désigne le sens d’être temporel existential de l’étant qui, pour autant qu’il est, est à chaque fois déjà jeté. C’est seulement parce que le souci se fonde dans l’être-été que le Dasein peut exister comme l’étant jeté qu’il est. « Aussi longtemps que » le Dasein existe facticement, il n’est jamais passé, mais il est bel et bien toujours déjà été au sens du «je suis-été ». Et il ne peut être été qu’aussi longtemps qu’il est. Nous qualifions au contraire de passé un étant qui n’est plus sous-la-main. Par suite, le Dasein, tandis qu’il existe, ne peut jamais se constater comme un fait sous-la-main qui naît et passe « avec le temps » et qui est déjà partiellement passé. Le Dasein ne « se trouve » jamais que comme fait jeté. Dans l’affection, le Dasein est assailli par lui-même comme l’étant que, étant encore, il était déjà, c’est-à-dire qui est constamment été. Le sens existential primaire de la facticité réside dans l’être-été. Par les expressions « en-avant » et « déjà », notre formulation de la structure du souci indique le sens temporel de l’existentialité et de la facticité.

En revanche, une telle indication fait défaut pour le troisième moment constitutif du souci : l’être échéant auprès… Mais cela ne signifie nullement que l’échéance ne se fonde pas elle aussi dans la temporalité, mais veut seulement suggérer que le présentifier en lequel se fonde primairement l’échéance sur l’à-portée-de-la-main et le sous-la-main de la préoccupation demeure inclus - suivant la modalité de la temporalité originaire - dans l’avenir et l’être-été. Résolu, le Dasein s’est justement ramené de l’échéance, pour être d’autant plus authentiquement « là » dans le « coup d’oeil » [« instant »] sur la situation ouverte.

La temporalité rend donc possible l’unité de l’existence, de la facticité et de l’échéance, et elle constitue ainsi originairement la totalité de la structure du souci. Les moments du souci ne sont nullement mis bout à bout, tout aussi peu que la temporalité elle-même se compose, « au fil du temps », de l’avenir, de l’être-été et du présent. La temporalité n’« est » absolument pas un étant. Elle n’est pas, mais se temporalise. Pourquoi cependant nous ne pouvons nous dispenser de dire : « La temporalité "est" - le sens du souci », « la temporalité "est" - déterminée de telle ou telle façon », cela ne peut être rendu intelligible qu’à partir de l’idée de l’être et du « est » en général une fois clarifiée. La temporalité temporalise, à savoir des guises possibles d’elle-même. Celles-ci possibilisent la multiplicité des modes d’être du Dasein, et avant tout la possibilité fondamentale de l’existence authentique et inauthentique.

L’avenir, l’être-été, le présent manifestent les caractères phénoménaux du « à-soi », du « en retour vers » et du « laisser-faire-encontre de ». Les phénomènes du à…, du vers… et du [329] auprès… révèlent la temporalité comme l’ekstatikon sans réserves. La temporalité est le « hors-de-soi » originaire en et pour soi-même. Nous appelons par conséquent les phénomènes caractérisés de l’avenir, de l’être-été, du présent les ekstases de la temporalité. Celle-ci n’est pas tout d’abord un étant, qui ensuite sort de soi, mais son essence est la temporalisation dans l’unité des ekstases. Le propre du « temps » accessible à la compréhension vulgaire, au contraire, consiste justement (et entre autres) en ce que le caractère ekstatique de la temporalité originaire y est nivelé comme dans une suite pure, sans commencement ni fin, de maintenant. Mais ce nivellement, selon son sens existential, se fonde à son tour en une temporalisation possible déterminée, conformément à laquelle la temporalité en tant qu’inauthentique temporalise le « temps » cité. Par conséquent, si le « temps » accessible à l’entendement du Dasein est démontré comme non originaire, et comme provenant au contraire de la temporalité authentique, rien n’est plus légitime, suivant la formule a potiori fit denominatio, que de nommer la temporalité actuellement libérée temps originaire.

Dans notre énumération des ekstases, nous avons toujours nommé l’avenir en première place. Ce fait veut indiquer que l’avenir, au sein   de l’unité ekstatique de la temporalité originaire et authentique, possède une primauté, et cela quand bien même la temporalité ne résulte point d’une accumulation et d’une séquence des ekstases, mais se temporalise à chaque fois dans la cooriginarité de celles-ci. Cependant, au sein de celle-ci, les modes de la temporalisation sont différents, et cette différence consiste en ceci que la temporalisation peut se déterminer primairement à partir des diverses ekstases. La temporalité originaire et authentique se temporalise à partir de l’avenir authentique, et cela de telle manière que, étant-été de manière avenante, elle éveille pour la première fois le présent. Le phénomène primaire de la temporalité originaire et authentique est l’avenir. La primauté de l’avenir se modifiera elle-même conformément à la temporalisation modifiée de la temporalité inauthentique, et pourtant, même dans le « temps » dérivé, elle continuera de se manifester.

Le souci est être pour la mort. Nous avons déterminé la résolution devançante comme l’être authentique pour la possibilité - plus haut caractérisée - de la pure et simple impossibilité du Dasein. Dans un tel être pour la mort, le Dasein existe authentiquement [et] totalement comme l’étant que, « eté dans la mort », il peut être. Il n’a pas une fin où il cesse simplement, mais il existe de manière finie. L’avenir authentique, qui temporalise [330] primairement la temporalité qui constitue le sens de la résolution devançante, se dévoile ainsi lui-même comme fini. Et pourtant, dira-t-on, est-ce que « le temps », malgré le ne-plus-être-Là de moi-même, « ne continue pas » ? Est-ce qu’une infinité de choses ne peut pas se trouver encore « dans l’avenir », advenir depuis l’avenir ?

À ces questions, il faut répondre par l’affirmative. Et pourtant, elles ne contiennent aucune objection contre la finitude de la temporalité originaire - pour la bonne raison qu’elles ne parlent absolument plus de celle-ci. La question n’est point de savoir ce qui peut encore se produire « dans la suite du temps » et quelle sorte de laisser-advenir-à-soi-même peut encore faire encontre « depuis ce temps », mais de savoir comment l’advenir-à-soi est lui-même originairement déterminé en tant que tel. Sa finitude ne signifie pas primairement une cessation, mais elle est un caractère de la temporalisation elle-même. L’avenir originaire et authentique est le à-soi - à soi qui existe comme la possibilité indépassable de la nullité. Le caractère ekstatique de l’avenir originaire réside précisément en ce qu’il clôt le pouvoir-être, autrement dit est lui-même clos, et, comme tel, rend possible le comprendre existentiel dé-clos [résolu] de la nullité. L’advenir-à-soi originaire et authentique est le sens de l’exister dans la nullité le plus propre. Énonçant la thèse de la finitude originaire de la temporalité, on ne conteste nullement que « le temps continue », mais l’on cherche uniquement à maintenir ce caractère phénoménal de la temporalité originaire, qui se manifeste dans le projeté du projet existential originaire du Dasein lui-même.

La tentation de perdre de vue la finitude de l’avenir - donc de la temporalité - originaire et authentique, ou de la tenir « a priori   » pour impossible, résulte de la constante pression de la compréhension vulgaire du temps. Mais que celle-ci connaisse - et à bon droit - un temps sans fin, et même ne connaisse que lui, ne prouve pas encore qu’elle comprenne pour autant encore ce temps et son « infinité ». Qu’est-ce que cela veut dire, en effet : le temps « continue » - « continue de passer » ? Que signifient le « dans le temps » en général, et, en particulier, le « dans l’avenir » et le « à partir de l’avenir » ? En quel sens « le temps » est-il sans fin ? Autant de questions qui méritent éclaircissement, si tant est que les objections vulgaires contre la finitude du temps originaire ne veuillent pas rester privées de sol. Or cet éclaircissement, il n’est possible de le mettre en oeuvre qu’à condition qu’ait été conquis un questionnement adéquat au sujet des concepts de finité (ou de finitude) et d’in-finité. Mais ce questionnement ne peut provenir que du regard compréhensif sur le phénomène originaire du temps. Le problème ne peut pas être : comment le temps « dérivé » infini « où » [331] le sous-la-main naît et périt devient-il temps originaire fini, mais seulement : comment la temporalité inauthentique provient-elle de la temporalité authentique finie, et comment celle-là temporalise-t-elle, comme inauthentique, un temps in-fini à partir du temps fini ? C’est seulement parce que le temps originaire est fini que le temps « dérivé » peut se temporaliser comme in-fini. Dans l’ordre de la saisie compréhensive, la finitude du temps ne peut devenir totalement visible que si le « temps sans fin » est dégagé, afin de lui être opposé.

Nous résumerons l’analyse antérieure de la temporalité originaire dans les thèses suivantes : le temps est originairement comme temporalisation de la temporalité en tant que laquelle il possibilise la constitution de la structure du souci. La temporalité est essentiellement ekstatique. La temporalité se temporalise originairement à partir de l’avenir. Le temps originaire est fini.

Pour autant, l’interprétation du souci comme temporalité ne peut rester confinée sur la base étroite qui a été conquise jusqu’ici, même si elle a accompli ses premiers pas en tenant le regard fixé sur l’être-tout originaire authentique du Dasein. La thèse qui dit que le sens du Dasein est la temporalité doit se confirmer au contact de la réalité concrète de la constitution fondamentale de cet étant.


Ver online : Sein und Zeit (1927), ed. Friedrich-Wilhelm von Herrmann, 1977, XIV, 586p. Revised 2018 [GA2]


[1Cf. supra, §32, p. [148] sq. notamment p. [151] sq.