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Duval (HZ:27-29) – ideia de mundo

segunda-feira 11 de dezembro de 2023, por Cardoso de Castro

destaque

Antes de qualquer ponto de referência geográfico, histórico, económico ou político, o ser humano retira a sua identidade da abertura fundamental que o define, deslocando o seu olhar para o seu mais alto tormento, "aquilo" a que julga poder chamar o "mesmo" Mundo. "O Mundo que transcende todos os ambientes, que transcende todas as determinações reificantes do olhar. Não um "outro" mundo, ao lado do nosso mundo, cujas coisas nos asseguram uma tranquilidade disponível, mas "o" mesmo Mundo, cuja ideia se produz em nós a partir dos fenómenos que nos afectam, que nos afectam sem que nenhum deles ou a sua totalidade possa saturar a extensão dessa Ideia nas garras do alhures de uma Dimensão ainda pressentida, ainda balbuciada.

original

— « La notion de “ monde ” doit signifier quelque chose d’autre que la totalité de ce qui existe et que l’on trouve toujours à sa disposition dans le monde. » (18)

« Quelque chose d’autre ». En dehors des cartes. En dehors des événements repérés par les dates « historiques » ou les analyses sociologiques. En dehors des relations économiques ou des relations politiques. En dehors. « Quelque chose d’autre ». Le Monde. Le « même » Monde, dont l’identité désirée rompt avec la pluralité des choses disponibles. Le « même » Monde qui fait rompre les amarres d’avec le monde balisé et calculé de ceux qui savent s’orienter. Le « même » Monde qui n’est plus qu’un point de fuite, une perspective, le pôle d’un désir incapable de se formuler autrement que comme désir, vecteur, transcendance, trans-ascendance. Sans fin. Spirale.

— « La transcendance, en l’acceptation éclairante et désignante de sa signification, exprime (meint) quelque chose qui appartient en propre à la situation   concernée (Dasein  ) de l’être humain, et ceci non pas comme un comportement possible parmi d’autres, ni non plus comme une attitude qui serait accomplie de temps à autre, mais bien en tant que constitution fondamentale (Grundverfassung  ) de cet existant, avant tout comportement particulier de sa part. » (19)

La transcendance définit ainsi la constitution fondamentale de l’être-humain. Elle définit la capacité qu’il a de briser l’enfermement de son environnement pour s’ouvrir à « quelque chose » qu’il ne peut de prime abord nommer, horizon   de son attente et de son attrait, et qui se révèle proprement être « le » Monde, « par-delà », «en-deça », « ailleurs » que tous les « ici » et tous les « maintenant ». L’être humain voit ce qu’il ne voit pas ; habite où il ne sait pas demeurer ; est ouvert à « ce qui » se ferme et se refuse à lui. Mais du moins l’ouverture à l’Ailleurs reste-t-elle l’honneur de son impossible définition :

— « Être-un-sujet cela s’appelle : « être un vivant (Seindes) en transcendance et comme transcendance. » (20)

Avant tout point de repère géographique, historique, économique ou politique, l’être humain tient son identité de l’ouverture foncière qui le définit, déportant son regard vers son plus haut tourment, « cela » qu’il croit pouvoir nommer le « même » Monde. « Le » Monde qui outrepasse tous les environnements, qui passe outre à toutes les déterminations réifiantes du regard. Non pas d’ailleurs un « autre » monde, à côté de notre monde, dont les choses nous assurent des tranquillités disponibles, mais « le » même Monde, dont l’idée vient à se produire en nous à partir des phénomènes qui nous affectent, qui nous affectent sans que pourtant aucun d’eux ni leur totalité ne puisse saturer l’extension de cette Idée en prise sur l’ailleurs d’une Dimension encore pressentie, encore balbutiée.

— « Le Monde en tant qu’Idée est avant tout transcendance ; il outrepasse (übersteigt) les phénomènes, mais en cela même, et parce qu’il est la totalité de ces phénomènes, il se trouve rapporté à eux. » (21)

Le « même » Monde est la Terre inconnue (transzendent) vers quoi s’oriente l’ouverture désirante (transzendenze) qui dé-finit le fond de l’être humain, la « nature » humaine. Ce pôle de l’Absence, cette Terre inconnue, reste connue à partir du regard en trompe l’œil que l’être humain porte sur son environnement, sur les phénomènes connus, trop connus, qui l’entourent. Regard déréalisant les réalités trop oppressives pour la sensibilité. Regard-faille qui ouvre une brèche dans la grande muraille du réel. Regard-Idée qui ouvre la sclérose des concepts dans cette représentation du « même » Monde dont le contenu se réduit à une « totalité inconditionnée » (22). Idée donc essentiellement ambigue quant à sa nature, puisqu’elle outrepasse les réalités phénoménales dont elle ne peut cependant jamais s’exiler, puisque leur résistance est la condition de sa production en ce vivant particulier qu’est l’être humain. L’Idée de Monde, du « même » Monde, n’est donc que l’indice du désir foncier de la nature humaine d’outrepasser un environnement dont elle ne peut cependant finalement faire fi, puisque l’indéterminé pressenti ne se pense encore et toujours que par rapport aux déterminations obsédantes.

— « Que le monde ne se manifeste pas comme tel est d’ailleurs nécessaire pour que les réalités disponibles puissent continuer d’être prises en considération. C’est précisément cette non-manifestation du monde qui constitue la structure phénoménale de la réalité foncière de ce vivant. » (23)

Le retrait du Monde à quoi nous ouvre l’Idée de Monde devient donc une nécessité pour que nous continuions à porter attention aux choses qui nous entourent mais qui ne comblent pas notre attente. Le regard en trompe-l’œil que nous fait porter sur notre environnement l’ouverture trans-cendante qui caractérise la béance foncière du vivant que nous sommes, ce regard discernant voyant le « même » Monde à partir des mondes de nos environnements, vient ainsi à caractériser l’ambiguité tragique de la condition humaine, aux prises avec une Idée qui se produit en elle et l’ouvre à ce Monde qu’elle ne peut reconnaître que comme « totalité inconditionnée ». Regard-Idée en porte à faux, porté vers le faux, vers l’erreur, vers l’errance. Errance qui se montre dans l’écart qui sépara l’environnement de l’Espace ; de l’Espace qui cependant ne peut advenir que dans la résistance d’un environnement. Acceptation de cette errance, pour chercher à entendre ce qui s’annonce   dans cet écart, lui qui semble mettre temporairement la pensée à l’écart.

— « Le Monde est ainsi quelque chose, « dans quoi », l’être humain (Dasein) en tant que. vivant (als Seindes) était déjà, ce sur quoi il (es) peut revenir dès qu’il se porte expressément vers quoi que ce soit. » (24)

L’écart qu’ouvre l’Idée de Monde entre les phénomènes qui se donnent et ce qui se retirent dans ce don même, se montre ici en propre dans le Jeu du « quelque chose » (Etwas) et du « ce dans quoi » (Worin).

Le Monde est d’abord un « quelque chose » qui se retire de l’habiter dont on veut trop vite en faire la fonction unique et essentielle. Ou plutôt il est à la fois cet « x » marbrant l’entendement kantien, humain, et à la fois cet « habiter », cet espace dans l’atmosphère (Stimmung  ) duquel tout vivant et l’être humain lui-même peut s’apercevoir être. L’Écart par quoi se montre l’essence du Monde, entre « etwas » et « worin », détermine, accorde (bestimmt) ainsi un espace de jeu dans lequel et à partir duquel doit être comprise toute préoccupation et tout rapport à une chose ou à autrui. L’Écart devient la matrice de toute relation possible. Dès lors l’être humain peut-il se laisser caractériser comme celui qui, du fond de sa nature, peut laisser surgir la possibilité de se représenter un tel écart, de se le rendre présent par la pure production de l’Idée de Monde jusqu’au pôle de l’Absence qui équilibre l’attente dans la fragilité d’un pressentiment. Quelle est la nature d’un tel pouvoir de se re-présenter l’Absence ? D’où et comment sourd-il ? Avant que d’approfondir ces questions, montrons que la Méditation Zen connaît une semblable ouverture à la Panréalité, au Monde, du fond de ce que Houei-neng appelle « la nature propre » de l’être humain.


Ver online : Jean-François Duval


[DUVAL, Jean-François. Heidegger et le zen. Sisteron: Présence, 1984, p. 27-29]

(18) p. 27 : QM 61. WhM 37 : « Dann bedeutet aber auch Welt etwas anderes als die Allheit des gerades vorhandenen Seienden. » [GA9]

(19) p. 28 : ER 63. VWG : 33 : « Die Transendenz in der zu klärenden und ausweisenden terminologischen Bedeutung meint solches, was dem menschlichen Dasein eignet, und zwar nicht als eine unter anderen mögliche, zuweilen in Vollzug gesetzte Verhaltungsweise, sondern als vor aller Verhaltung geschehende Grundverfassung dieses Seienden. » [GA9]

(20) p. 28 : ER 63. VWG 34 : « … Subjektsem heisst : in und als Tranzendenz Seiendes sein. » [GA9]

(21) p. 28 : ER 82. VWG 48 : « Welt als Idee ist zwar transzendent, sie übersteigt die Erscheinungen, so zwar, dass sie deren Totalität gerade auf sie zuriick-bezogen ist. » [GA9]

(22) p. 28 : ER 82. VWG 48 : « einer unbedingten Totalität » [GA9]

(23) p. 29 : ET 100. SuZ 75 : « Das Sich-nicht-melden der Welt ist die Bedingung der Möglichkeit des Nichthe-raustretens des Zuhandenen aus seiner Unauf-fällichkeit. Und darin Konstituiert sich die phänomenale Struktur des An-sich-seins dieses Seienden. »

(24) p. 29 : ET 76. SuZ 76 : « Sie (die Welt) ist demnach etwas, worin das Dasein als Seiendes je schon war, worauf es in jenem irgendwie ausdrücklichen Hinkommen immer nur zurüchgekommen kann. »