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Heidegger et l’expérience de la pensée

Birault (1978:377-379) – la pensée méditative (besinnliche Nachdenken)

Qu’est-ce que penser?

segunda-feira 19 de junho de 2023, por Cardoso de Castro

O pensar ao qual somos convocados aqui supera a velha e tenaz oposição da praxis   e da teoria, uma oposição que só toca as formas derivadas ou decadentes do pensar e do agir. O pensar age enquanto pensa, não tem portanto que agir: o ato de pensar é em si mesmo uma ação, — verdadeiramente, a ação ela mesma reconduzida à pureza   de sua essência primeira.

Trop engagée dans la vérité de l’être est la pensée méditative pour songer jamais à quelque autre forme d’engagement. « La pensée, dit Heidegger, agit en tant qu’elle pense. Il est à présumer que cet agir est la forme la plus simple et la plus haute de l’action parce qu’il concerne la relation de l’être à l’homme. » Si la pensée, dans la production et l’accomplissement de cette relation, porte en son sein   l’essence élémentaire et suprême de l’agir, comment ne resterait-elle pas étrangère à cet engagement aujourd’hui partout prôné et qui s’appelle l’ « engagement dans l’action »? La pensée à laquelle nous sommes ici convoqués surmonte la vieille et tenace opposition de la praxis   et de la theoria  , une opposition qui ne touche que les formes dérivées ou déchues de la pensée et de l’agir. La pensée agit en tant qu’elle pense, elle n’a donc pas à agir : l’acte de la pensée est en lui-même une action, — en vérité, l’action elle-même reconduite vers la pureté de son essence première. C’est pourquoi la pensée, en tant que pensée, se dégage de toute autre activité : le service de la pensée suffit bien à la pensée. La pensée qui est engagée dans la vérité de l’être apparaît nécessairement comme une pensée plus « dégagée » qu’ « engagée » : elle est, en effet, de soi toujours indifférente aux formes ontiques et pratiques d’un engagement historique ou politique. La pensée qui laisse-être la vérité de l’être dans sa relation à l’essence de l’homme n’est pas le savoir absolu de l’Absolu, ni non plus quelque fragment « éternel » de ce savoir. L’acte de la pensée est un acte « fini », l’acte de la pensée est un acte essentiellement « historique ». Cet acte « manqué » affronte la vérité foncièrement dérobée de l’être. Il ne tombe pas dans l’histoire et il n’est pas non plus le reflet d’une certaine histoire. Il ouvre au contraire une histoire, il fait histoire, il fait époque. La pensée « historique » de l’être répond et correspond au caractère épochal du destin de l’être. Parce que l’être dans sa vérité s’adresse et se refuse à la pensée comme l’impensé toujours déjà pensé et toujours non encore pensé, l’expérience de la pensée est nécessairement aussi l’expérience d’un échec insurmontable et inlassablement surmonté. La pensée soucieuse de la vérité de l’être se dégage de l’étant : elle est cette pensée dégagée mais engageante dans laquelle parfois un monde ou une histoire soudain s’engage.

Si la pensée s’écarte de cette forme de l’agir qu’a pris le nom de praxis, ce n’est point pour revenir d’une manière ou de l’autre à cette forme du connaître qui s’est appelée theoria. Heidegger écrit en effet : « Cette manière de caractériser la pensée comme theoria et la détermination du connaître comme attitude " théorétique " se produit déjà à l’intérieur d’une interprétation " technique " de la pensée. Elle est une tentative de réaction pour garder encore à la pensée une autonomie   en face de l’agir et du faire. Depuis, la " philosophie   " est dans la nécessité constante de justifier son existence devant les " sciences ". Elle pense y arriver plus sûrement en s’élevant elle-même au rang d’une science. Mais cet effort est l’abandon de l’essence de la pensée. » [1]

Alors même qu’elle est reconduite dans l’élément qui lui est propre, la pensée de l’être ne manque pas de produire un certain savoir. Toutefois, ce savoir de la pensée n’est pas identique au savoir de la connaissance. Kant   disait : penser n’est pas encore, tant s’en faut, connaître. Renversons cette formule et disons : connaître n’est pas encore, tant s’en faut, penser. Le savoir de la pensée se tient ouvert dans la vérité de l’être. Le savoir ou la vérité des sciences réside aujourd’hui dans l’exactitude techniquement théorétique et dans la puissance opératoire de ces concepts que Kant, pour la première fois et d’une manière décisive, considère non pas comme des objets de pensée mais comme des actions ou des fonctions de la pensée. La pensée de l’être et de sa vérité demeure étrangère à cette forme typiquement kantienne de la connaissance qu’est la détermination : détermination déterminante d’une intuition indéterminée mais déterminable par la vertu d’un concept lui-même déterminé. La pensée de l’être est un savoir, elle n’est pas une science. Elle n’est ni intuitive, ni conceptuelle.

Ce que peut être la méditation pensante et interrogative de l’essence de la vérité comme vérité de l’essence, la dernière phrase de la « Remarque finale » de l’écrit de Vom Wesen   der Wahrheit   nous l’indique : « Les phases successives du questionnement constituent en elles-mêmes le chemin d’une pensée qui, au lieu de nous livrer des représentations et des concepts, s’expérimente et s’éprouve elle-même dans la mutation de son rapport avec l’être. » [GA9  :97] Autant dire déjà que le cheminement de cette pensée est une expérience et une épreuve : l’expérience qui bientôt débordera le questionnement lui-même, l’épreuve d’une modification essentielle de la pensée dans son rapport avec l’être. Qu’en est-il donc de cette épreuve? Qu’en est-il donc de l’expérience de la pensée?


Ver online : Henri Birault


[1GA9, Brief über den "Humanismus", p. 146.