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Schweigen / Erschweigung / Verschwiegenheit

Schweigen / faire-silence / callar / silence / keeping silent / Erschweigung / silenciamiento / reticence in silence / Verschwiegenheit / ré-ticence / ser-calado / silenciosidade / reticence

À notre époque assourdissante multipliant des publications s’annulant les unes les autres, le silence est devenu difficilement audible : réduit à la négation ou à la privation de la parole dont souffre celui qui n’a rien à dire, il semble opaque plutôt que limpide. Or dans le § 34 d’Être et temps, Heidegger montre que le silence (das Schweigen) n’est pas à comprendre négativement comme une absence de son puisqu’il est une possibilité positive   et même insigne de la parole, pour autant que celle-ci ne soit pas réduite à ce qui est énoncé, à un instrument de communication destiné à véhiculer des informations : un silence peut être parlant et donner davantage à entendre que l’abondance d’un discours trivial n’apportant de clarté que fallacieuse et finissant par tout obscurcir. C’est à partir des analyses développées en 1927 que prend sens l’indication donnée par Heidegger, en 1934, à ses étudiants dans le cours sur Les Hymnes de Hölderlin   : « Celui qui se tait devant un flot continu de bassesses dit quelque chose, même si seuls le comprennent ceux qui comprennent le silence » (GA39  , 72). La réserve silencieuse (die Verschwiegenheit) rend alors manifeste par contraste la vanité du on-dit qui, soutenu par la publicité, ne pense qu’à faire bonne figure en public en se gargarisant de mots et en s’abaissant parfois à multiplier les bassesses. Garder le silence n’est pas une manière de garder pour soi mais une manière de s’adresser aux autres, et c’est d’un tel silence que proviennent en même temps l’aptitude à écouter et l’être-ensemble lucide. Être silencieux n’est donc pas être muet ou peu habitué à parler : qui ne dit jamais rien ne peut pas non plus se taire et s’en montrerait peut-être incapable si disparaissait l’impossibilité ou la difficulté de dire. Est seul à même de garder un silence digne de ce nom celui qui pourrait parler s’il le voulait et qui a quelque chose à dire – en direction de l’être qui, lui-même, se dérobe à tout énoncé. Les § 56-57 d’Être et temps montrent que la conscience morale adresse à chacun, pour le rappeler à la singularité de son être propre, une parole n’ayant rien à raconter des événements du monde et parlant uniquement sur le mode du silence. Et, précise le § 60, lorsqu’il cesse de faire la sourde oreille à l’appel qui s’élève du fond d’une « étrangeté sans voix », le Dasein   est amené « à se retrouver calmement (c’est-à-dire en silence) en paix avec soi-même ». [LDMH  ]