Heidegger, fenomenologia, hermenêutica, existência

Dasein descerra sua estrutura fundamental, ser-em-o-mundo, como uma clareira do AÍ, EM QUE coisas e outros comparecem, COM QUE são compreendidos, DE QUE são constituidos.

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Caron (2005:76-78): ipseidade - universal e singular

quarta-feira 16 de fevereiro de 2022

Le soi est à la fois capable d’espacement et de concentration, capable de s’exposer à l’immensité ou de se rétracter en une « pointe », un être-point, une ponctualité (c’est le procès de Zuspitzung dont parle le cours de 1930 sur L’essence de la liberté humaine, procès qui de l’état d’ouverture de la Zugespitztheit propre au soi aboutit à la Spitze, le moi [GA31  , § 13, page 130]). Le problème de cette interpénétration de l’espacement et de la rétraction au cœur de la structure de l’être-soi est capital ; néanmoins, parfois mais rarement relevé, il n’est à notre connaissance jamais résolu. Ainsi a-t-il pu être mentionné, par exemple, chez Joubert qui affirme de manière éclairante : « Il faut de larges fondements. Mais nos esprits n’ont pas de bases et se terminent tous en pointe » [Joubert, Carnets, t. II, p. 561] ; également chez Baudelaire dans le premier aphorisme de Mon cœur mis à nu ; mais la question n’a jamais été véritablement prise en charge, et la philosophie   semble tout faire pour ignorer qu’il y a là une structure demandant à ce que son fond ontologique soit déterminé. Heidegger, dès le début des années 1920, reconnaît la nécessité de découvrir la raison structurelle qui fait de l’ipséité cet être d’espace et de pointe, et comprend que la relation native de la conscience avec cet être qu’elle ne cesse de prononcer à chaque phrase ou de désigner par chaque geste voulant signifier, est le lieu d’une ouverture, dans l’exposition aux choses, en même temps que celui d’une rétraction, dans le sentiment de soi qui en est la contrepartie. C’est uniquement ainsi dans la relation avec das Sein   qu’il est donné au Seine, à l’être-sien, d’apparaître. L’enchevêtrement de l’extrême « universel » (la commune présence de l’être) et de l’extrême « singulier » (le soi en sa conscience d’unicité) doit être démêlé, et sa possibilité même doit être pensée. Cette co-originarité du Sein et du Seine, qui s’accomplira dans celle de l’Eignen et de l’Eigen, constitue le ressort principal de la problématique heideggerienne, le rapport à l’être pouvant seul permettre de penser en général, et de penser le soi en particulier. Et c’est précisément ce phénomène de co-originarité que la pensée contemporaine s’entête à oublier, préférant expliquer la structure du soi par les structures que ce soi structure, confondant ainsi sans cesse la cause et l’effet. Le soi présent dans l’homme se voit mesuré à partir de données sociologiques, psychologiques, politiques, anthropologiques, biologiques, etc., mais jamais à partir du fait qu’il est précisément capable de telles thématisations, capable de sociologie  , de psychologie  , etc. L’humanisme entend fonder l’essence de l’homme sur l’homme lui-même, ce dont aucun être (quel qu’il soit) n’est capable, tout être devant, avant d’être ceci ou cela, tout simplement être, et toute chose étant donc redevable de son propre être. On fait de l’homme un hémiplégique en effaçant en lui la disposition naturelle à poser la question qu’en permanence il porte sur lui-même. L’homme est un être naturellement métaphysique (selon l’expression de Kant   dont Heidegger soulignera la portée dans le Kantbuch de 1929), il pose la question de l’être ; il pose la question de l’être de l’étant qu’il n’est pas, et la question de l’être de l’étant qu’il est et dont l’être consiste précisément à poser cette question de l’être. Le soi qui s’interprète soi-même à la lumière des pulsions, des déterminismes sociaux, de sa situation   politique ou historique, un tel soi oublie avant tout qu’il est un s’interrogeant ; il oublie qu’avant d’établir une réponse, il est celui à qui a toujours déjà été posée une question. En tant que l’homme est l’être qui a à répondre, il est avant tout celui qui est appelé, interpellé, interloqué par une énigme : Œdipe n’est pas Œdipe sans la Sphinge. [PEOS  :76-78]

CARON, Maxence. Pensée de l’être et origine de la subjectivité. Paris: CERF, 2005.


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