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Papiers phénoménologiques

Patocka (1995:77-79) – o que é o "tu"?

Leçons sur la corporéité

terça-feira 13 de junho de 2023, por Cardoso de Castro

Le tu est un autre moi dans l’actualité.

Qu’est-ce à vrai dire que le tu ? C’est un autre moi : le moi en tant qu’objet actuel, qui n’est pas donné en original, mais simplement apprésenté. Mon propre moi peut être mon objet de manière actuelle dans la réflexion, de manière non actuelle dans le souvenir ou l’imagination projective. Mais, par ailleurs, je peux expérimenter aussi l’énergie subjective dynamique qui se manifeste actuellement dans une approche des choses analogue à la mienne — je peux voir le mouvement subjectif de l’autre comme travail, maniement d’ustensiles, comme me visant ou indifférent à mon égard, amical ou hostile. Dans tout cela est naturellement donnée la même énergie subjective, la même orientation vers l’objet que je connais par mon propre commerce avec les choses, par ma propre expression corporelle — à ceci près qu’elle n’est pas la mienne. Le fait précisément que l’énergie subjective n’est à l’origine rien d’intérieur et de privé mais, au contraire, une orientation vers le monde, rend possible la rencontre de l’autre dans un seul et même monde.

Le tu est un autre moi dans l’actualité. Dès lors qu’il passe, de cette actualité, à l’absence ou à l’inactualité, il passe en une autre personne, il devient un “il”. (Pas exclusivement ! il peut également passer en un “nous” ou un “vous”.) Le rapport réciproque des personnes n’est pas celui des choses, ni des rôles, mais plutôt un rapport situationnel. Le je et le tu sont les moments structuraux d’une situation. Le je est le fondement de toute situation — l’énergie subjective qui se dirige vers le monde et, par son commerce avec les choses dans lesquelles elle s’engage, se détermine elle-même en retour. Le nœud de cette proto-situation se noue là où entre en scène un autre moi en qui se déroule la même chose, ce qui entraîne donc une réduplication de la situation. Le tu et le je forment une situation essentiellement duelle, dont les deux participants se réfléchissent l’un l’autre et s’engrènent comme des roues dentées : là où l’un est objet, l’autre est sujet, là où l’un est émetteur, l’autre est récepteur, d’une réceptivité qui appelle l’expression de l’autre, si bien qu’il s’instaure un échange constant. Recevoir l’autre, c’est recevoir son activité, et pour autant que je suis le but de cette activité, elle est toujours un appel à ma propre activité, appel à un échange.

Hegel   est le premier à mettre en relief cette dualité de la situation je-tu. Hegel   cependant voit le moi dans sa fonction de dépassement de toute objectité, de rupture avec la simple vie. Par conséquent, le rapport des deux moi lui apparaît comme un rapport originaire de conflit. Combat pour la reconnaissance et la mort. Cela découle de la métaphysique hégélienne du sujet — le sujet se définit comme dépassement de l’objet, comme étant, dans son essence, supérieur à lui. — De notre point de vue, le sujet n’est rien de déterminé à l’avance ; au contraire, il ne se détermine que par son engagement dans le monde.

À l’opposé de la conception heideggérienne de l’existence — chez Heidegger, l’existence déchoit au monde, en devient la victime, s’aliène à son propre égard — il lui reste à s’en affranchir et à se découvrir en luttant contre le voilement originaire par le “cela” impersonnel.

En réalité, s’il est vrai que nous vivons selon une orientation qui nous éloigne de nous-mêmes et nous porte vers le monde, ce mouvement n’en est pas un simplement d’éloignement, mais aussi et au même rythme de retour à nous-mêmes. L’interprétation de l’engagement dans le monde comme fuite devant nous-mêmes, l’interprétation de celle-ci comme fuite devant notre nature d’être mortel, devant la finitude et la mort, n’est pas moins métaphysique que ce qu’on trouve chez Hegel   — l’existence étant ici définie à l’avance et une fois pour toutes. Il se peut que chez les primitifs le rapport à la mort soit comme à l’écume de la vague évanescente dans laquelle l’on se dissout. D’autre part, la finitude n’est peut-être ni fondamentale ni définitive — Hegel  .

La doctrine de Heidegger [est incapable d’expliquer tant le corps propre que la socialité] — rapport à l’autre comme moment essentiel de l’existence.

Structure initiale de la situation personnelle : je-tu / cela.

Le tu est un autre moi actuellement en contact avec moi, notamment dans la présence ou une présence représentée. En nous détournant l’un de l’autre, nous passons aussitôt l’un pour l’autre en une autre personne, un cela. Au demeurant, nous sommes toujours pour nous-mêmes aussi partiellement dans ce domaine, pour autant que nous ne nous expérimentons pas comme énergie concentrée, pour autant que nous nous percevons en tant que partie. Nous sommes ainsi pour nous-mêmes aussi continuellement, en partie, sur le point de passer en un “cela”.

Le “cela” n’est pas intégralement chosique : il renferme aussi ce qui, sans être ni un je ni un tu explicite, n’en demeure pas moins, dans un cadre plus vaste que l’actualité, une communauté personnelle — le nous et le vous. Quitter le rapport je-tu, ce n’est pas nécessairement devenir pour l’autre (et faire que l’autre devienne pour moi) un simple “il” ; cela peut signifier aussi le passage en un nous qui s’op-pose en tant qa’énergie commune à un vous.


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