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poiema

quarta-feira 24 de janeiro de 2024

La véritable distinction entre «faire» (entendu comme πρᾶξις   [praxis]) et «faire être» (c’est-à-dire ποίησις   [poiesis]), c’est tout simplement que la première, la πρᾶξις, n’a pour but qu’elle-même, alors que la seconde, la ποίησις, a pour but l’étant qui est fait par elle (ποίημα). « But » = τέλος   [telos], ce que les Latins traduisent par finis et qu’il faut entendre à l’inverse de notre habitude non comme l’arrêt de la chose mais comme son achèvement. En d’autres termes : l’achèvement (pourquoi ne pas dire encore plus clairement: la perfection?) de la menuiserie, c’est la table qui finit par être la table qu’elle est.

Cette table-ci, sur laquelle j’écris. Il ne faut pas dire qu’elle est «fabriquée», car cela ferait intervenir tout un ensemble de mécaniques qui troublent la vue du processus   de faire être (ποιέω [poieo]).

— Faire un enfant, est-ce une ποίησις?

— Non, parce que ce n’est pas une τέχνη   [techne] ; personne ne peut savoir faire un enfant mieux qu’un autre. [FHQ:52-53]


La première fait quelque chose dans la mesure où elle fait quelque chose qui lui survit. Le mode de « survie » de la chose faite est un certain type d’être. Par opposition à une chose naturelle, une chose faite – un ποίημα – est, explique Être et Temps  , dans la mesure où il présente une disponibilité. Non seulement une chose faite sert à quelque usage, mais n’est proprement rien d’autre (le ποίημα n’est qu’en usage). La seconde fait quelque chose uniquement pour faire cela qu’elle est en train de faire. Exemple concret : se promener pour faire une promenade, c’est ne rien faire d’autre que se promener. Si la ποίησις [poiesis] était une πρᾶξις [praxis], alors le menuisier ne ferait qu’exercer la menuiserie sans que jamais n’en sorte une chose menuisée [v. Dienlichkeit  ].

Ce qui n ’a pas encore été dit – où gisent les difficultés dont les questions se sont fait l’écho : j’ai avancé qu’il y avait, dans une ποίησις telle que la sculpture (laquelle aboutit bien, s’achève dans la statue, chose sculptée), quelque chose qui s’apparente néanmoins à une πρᾶξις. Cela implique d’abord que par rapport au menuisier qui menuise, en s’appliquant uniquement à bien menuiser, ce qui veut dire à bien faire tout ce qu’il faut faire pour qu’un « étant » résulte du faire, le sculpteur sculpte encore différemment.

Tous deux, le menuisier et le sculpteur, travaillent en vue d’une chose (la table ou la sculpture), mais ces deux « choses » n’ont pas le même statut. Dans la chose-table, l’être-table disparaît [voir l’analyse de l’être-util (Zuhandenheit) dans Sein   und Zeit  : L’être-util n’apparaît que lorsqu’il n’est plus en usage. (ETEM:73)]. Dans la chose-sculpture, l’être-sculpture ne disparaît pas mais au contraire apparaît, et même rayonne – où se voit à l’œil nu que la sculpture n’est pas une chose comme une table. La sculpture est au contraire révélatrice. [Kant  , lorsqu’il étalonne l’œuvre d’art (ce qui est beau) n’y arrive qu’à l’aide de déterminations qui nient l’être-chose de ce qui est beau.]

Il est très probable que cette différence entre l’être-chose utile [Zuhandenheit] et l’être-œuvre a quelque incidence sur la ποίησις elle-même. [FHQ:55-56]


Ainsi le ποίημα d’un sculpteur n’est pas à proprement parler un pur ποίημα : en d’autres termes, ce qu’il fait n’est pas à proprement parler la statue. Ce n’est pas qu’il n’arrive pas à faire la sculpture (comme Frenhofer dans Le Chef-d’œuvre inconnu de Balzac). En fait il fait toujours quelque chose qui est au-delà de la chose faite.

Nous avons dit au début: si un artisan faisait son ποίημα comme on accomplit un πρᾶγμα   [pragma], il n’arriverait jamais à l’achever. A présent disons : dans la mesure où la statue est tout autre chose qu’un ποίημα (même si elle en a le caractère fini), l’artiste qui fait une statue ne peut pas agir comme un pur artisan [technites], c’est-à-dire agir uniquement en vue de faire être une chose d’usage. C’est cela la part praxique de cette étrange ποίησις. [FHQ:61-61]