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Sein und Zeit

Être et temps : § 46. L’impossibilité apparente d’une saisie et d’une détermination ontologiques de l’être-tout propre au Dasein.

Ser e Tempo

domingo 4 de março de 2012, por Cardoso de Castro

Vérsions hors-commerce:

MARTIN HEIDEGGER, Être et temps, traduction par Emmanuel Martineau  . ÉDITION NUMÉRIQUE HORS-COMMERCE

HEIDEGGER, Martin. L’Être et le temps. Tr. Jacques Auxenfants  . (ebook-pdf)

L’insuffisance de la situation   herméneutique dont procédait l’analyse antérieure du Dasein   doit être surmontée. Dans la perspective de la pré-acquisition du Dasein total qui doit [236] nécessairement être conquise, il s’impose de demander si cet étant en tant qu’existant peut en général devenir accessible en son être-tout. Or divers arguments de poids, fondés sur la constitution d’être du Dasein lui-même, semblent établir l’impossibilité de la pré-donation ainsi exigée.

Au souci, tel qu’il forme la totalité du tout structurel du Dasein, répugne manifestement, conformément à son sens ontologique, un être-tout possible de cet étant. Car le moment primaire du souci, le « en-avant-de-soi », signifie bel et bien que le Dasein existe à chaque fois en-vue-de-soi-même. « Aussi longtemps qu’il est », jusqu’à sa fin, le Dasein se rapporte à son pouvoir-être. Même lorsque, existant encore, il n’a plus rien « devant soi », qu’il a « soldé son compte », son être est encore déterminé par le « en-avant-de-soi ». Le désespoir, par exemple, n’arrache pas le Dasein à ses possibilités, et l’attitude sans illusions de celui qui est « prêt à tout » n’abrite pas moins en elle le « en-avant-de-soi ». Ainsi, ce moment structurel du souci indique sans équivoque qu’il y a encore dans le Dasein un excédent, quelque chose qui, en tant que pouvoir-être de lui-même, n’est pas encore devenu « effectif ». Dans l’essence de la constitution fondamentale du Dasein, il y a donc un constant inachèvement. La non-totalité signifie un excédent du pouvoir-être.

Au contraire, dès l’instant que le Dasein « existe » de telle manière qu’en lui absolument plus rien n’est en excédent, alors, et du même coup, il est ainsi devenu un ne-plus-être-Là. La levée de l’excédent d’être signifie l’anéantissement de son être. Aussi longtemps que le Dasein est en tant qu’étant, il n’a pas atteint sa « totalité ». Mais qu’il obtienne celle-ci, et alors ce gain devient la perte pure et simple de l’être-au-monde. Il n’est alors plus jamais expérimentable en tant qu’étant.

La raison de l’impossibilité d’expérimenter ontiquement le Dasein comme totalité étante et, par suite, de le déterminer ontologiquement en son être-tout ne réside point dans une imperfection du pouvoir de connaissance. L’obstacle se trouve du côté de l’être de cet étant. Ce qui ne peut absolument pas être comme l’expérimenter prétend saisir le Dasein se soustrait fondamentalement à une expérimentabilité. Mais alors, est-ce que le déchiffrement de la totalité ontologique d’être dans le Dasein ne demeure pas une entreprise désespérée ?

Il ne saurait être question de biffer le « au-devant-de-soi » en tant que moment structurel essentiel du souci. Est-ce à dire cependant que ce que nous en avons conclu était pertinent ? N’est-ce pas au prix d’une argumentation purement formelle que nous avons exclu la possibilité d’une saisie du Dasein en son tout ? Ou bien n’aurions-nous pas au fond - et [237] subrepticement - posé le Dasein comme un étant sous-la-main devant lequel se glisserait constamment un non-encore-sous-la-main ? Notre argumentation a-t-elle saisi en un sens véritablement existential le n’être-pas-encore et le « en-avant-de-soi » ? Est-ce dans une adéquation phénoménale au Dasein que nous avons parlé de « fin » et de « totalité » ? L’expression de « mort » avait-elle une signification biologique ou ontologico-existentiale, et même en général une signification suffisamment et sûrement déterminée ? Et avons-nous réellement épuisé toutes les possibilités de rendre accessible le Dasein en sa totalité ?

Il s’impose de répondre à ces questions avant de déclarer nul et non avenu, et de mettre comme tel hors circuit le problème de la totalité du Dasein. La question de la totalité du Dasein, aussi bien celle, existentielle, d’un pouvoir-être-tout possible que celle, existentiale, de la constitution d’être de la « fin » et de la « totalité » implique la tâche d’une analyse positive   de phénomènes de l’existence qui ont été jusqu’ici tenus à l’écart. Au centre de telles considérations se tient la caractérisation ontologique de l’être-à-la-fin propre au Dasein et l’obtention d’un concept existential de la mort. Les recherches relatives à ce sujet se distribueront de la manière suivante : l’expérimentabilité de la mort des autres et la possibilité de saisie d’un Dasein en son tout (§47) ; excédent, fin et totalité (§48) ; la délimitation de l’analyse existentiale de la mort par rapport à des interprétations possibles du phénomène (§49) ; la pré-esquisse de la structure ontologico-existentiale de la mort (§50) ; l’être pour la mort et la quotidienneté du Dasein (§51) ; l’être pour la mort quotidien et le concept existential plein de la mort (§52) ; projet existential d’un être pour la mort authentique (§53).


Ver online : Sein und Zeit (1927), ed. Friedrich-Wilhelm von Herrmann, 1977, XIV, 586p. Revised 2018 [GA2]