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Sein und Zeit

Être et temps : § 50. Pré-esquisse de la structure ontologico-existentiale de la mort.

Ser e Tempo

sexta-feira 4 de janeiro de 2013, por Cardoso de Castro

Vérsions hors-commerce:

MARTIN HEIDEGGER, Être et temps, traduction par Emmanuel Martineau  . ÉDITION NUMÉRIQUE HORS-COMMERCE

HEIDEGGER, Martin. L’Être et le temps. Tr. Jacques Auxenfants  . (ebook-pdf)

Nos considérations sur l’excédent, la fin et la totalité ont mis en évidence la nécessité d’interpréter le phénomène de la mort comme être pour la fin à partir de la constitution fondamentale du Dasein  . C’est à cette condition seulement qu’il peut nous apparaître dans quelle mesure est possible dans le Dasein lui-même, conformément à sa structure d’être, un être-tout constitué par l’être pour la fin. Or à titre de constitution fondamentale du Dasein, c’est le souci qui a été manifesté. La signification ontologique de ce terme s’exprimait dans la « définition » suivante : être-déjà-en-avant-de-soi-dans (le monde) comme être-auprès de l’étant faisant encontre (à l’intérieur du monde) [1]. Ainsi se trouvent exprimés les caractères [250] fondamentaux de l’être du Dasein : dans le en-avant-de-soi, l’existence, dans l’être-déjà-dans…, la facticité, dans l’être-auprès…, l’échéance. Or si la mort appartient en un sens privilégié à l’être du Dasein, il faut qu’elle (ou l’être pour la fin) se laisse déterminer à partir de ces caractères.

Tout d’abord, il convient d’éclaircir, à titre de pré-esquisse, comment l’existence, la facticité et l’échéance du Dasein se dévoilent dans le phénomène de la mort.

L’interprétation du ne-pas-encore et, conjointement, du ne-pas-encore extrême, de la fin du Dasein, au sens d’un excédent a été récusée comme inadéquate : car elle incluait une perversion ontologique du Dasein en étant sous-la-main. L’être-à-la-fin signifie existentialement : être pour la fin. Le ne-pas-encore extrême a le caractère de quelque chose vis-à-vis de quoi le Dasein se comporte. La fin pré-cède le Dasein. La mort n’est pas quelque chose de pas encore sous-la-main, elle n’est pas le dernier excédent réduit à un minimum, mais plutôt une précédence [2].

Beaucoup de choses, néanmoins, peuvent précéder le Dasein comme être-au-monde. Le caractère de la précédence, en tant que tel, ne suffit point à caractériser la mort de façon privilégiée. Au contraire : cette interprétation, elle aussi, pourrait favoriser la supposition que la mort devrait être comprise au sens d’un événement imminent, venant à ma rencontre à l’intérieur du monde. Peuvent être imminents en ce sens, par exemple, un orage, la transformation de la maison, l’arrivée d’un ami, bref, un étant qui est sous-la-main, à-portée-de-la-main ou Là-avec. Mais la mort, en sa pré-cédence, ne présente nullement un être de cette sorte.

Peut être encore imminent [pré-cédent] au Dasein un voyage, un débat avec autrui, ou un renoncement à ce que le Dasein peut être lui-même : possibilités d’être propres, qui se fondent dans l’être-avec avec autrui.

La mort, elle, est une possibilité d’être que le Dasein a lui-même à chaque fois à assumer. Avec la mort, le Dasein se pré-cède lui-même en son pouvoir-être le plus propre. Dans cette possibilité, il y va pour le Dasein purement et simplement de son être-au-monde. Sa mort est la possibilité du pouvoir-ne-plus-être-Là. Tandis qu’il se pré-cède comme cette possibilité de lui-même, le Dasein est complètement assigné à son pouvoir-être le plus propre. Par cette pré-cédence, tous les rapports à d’autres Dasein sont pour lui dissous. Cette possibilité la plus propre, absolue, est en même temps la possibilité extrême. En tant que pouvoir-être, le Dasein ne peut jamais dépasser la possibilité de la mort. La mort est la possibilité de la pure et simple impossibilité du Dasein. Ainsi la mort se dévoile-t-elle comme la possibilité la plus propre, absolue, indépassable. Comme telle, elle est une pré-cédence [251] insigne. La possibilité existentiale de celle-ci se fonde dans le fait que le Dasein est essentiellement ouvert à lui-même, et cela selon la guise du en-avant-de-soi. Ce moment structurel du souci a dans l’être pour la mort sa concrétion la plus originaire. L’être pour la fin devient phénoménalement plus clair en tant qu’être pour la possibilité insigne du Dasein qui vient d’être caractérisée.

Sa possibilité la plus propre, absolue et indépassable, le Dasein ne se la procure cependant pas après coup et occasionnellement au cours de son être. Au contraire, si le Dasein existe, il est aussi et déjà jeté dans cette possibilité. Qu’il soit remis à sa mort, que celle-ci appartienne donc à l’être-au-monde, c’est là quelque chose dont le Dasein, de prime abord et le plus souvent, n’a nul savoir exprès, ni même théorique. L’être-jeté dans la mort se dévoile à lui plus originellement et instamment dans l’affection de l’angoisse [3]. L’angoisse de la mort est angoisse « devant » le pouvoir-être le plus propre, absolu et indépassable. Le devant-quoi de cette angoisse est l’être-au-monde lui-même. Le pour-quoi [en-vue-de-quoi] de cette angoisse est le pouvoir-être du Dasein en tant que tel. Il est exclu de confondre l’angoisse de la mort avec une peur de décéder. Elle n’est nullement une tonalité « faible » quelconque et contingente de l’individu, mais, en tant qu’affection fondamentale du Dasein, l’ouverture révélant que le Dasein existe comme être jeté pour sa fin. Ainsi se précise le concept existential du mourir comme être jeté pour le pouvoir-être le plus propre, absolu et indépassable. La délimitation d’un tel mourir par rapport à une pure disparition, et aussi par rapport à un simple périr, et encore par rapport à un « vécu » du décéder, a gagné en acuité.

L’être pour la fin ne naît pas seulement d’une - et en tant que - disposition temporaire, mais il appartient essentiellement à l’être-jeté du Dasein, lequel se dévoile tel ou tel dans l’affection (la tonalité). Le « savoir » - ou l’« ignorance » - factice qui règne à chaque fois dans le Dasein au sujet de son être le plus propre pour la fin est seulement l’expression de la possibilité existentielle de se tenir selon diverses modalités dans cet être. Que beaucoup d’hommes, de facto, n’aient de prime abord et le plus souvent pas de savoir de la mort ne saurait valoir comme preuve en faveur de l’idée que l’être pour la mort n’appartiendrait pas « universellement » au Dasein, mais uniquement à l’appui du fait que le Dasein, de prime abord et le plus souvent, se recouvre, en fuyant devant lui, l’être le plus propre pour la mort. Le Dasein meurt facticement aussi longtemps qu’il existe, mais de prime [252] abord et le plus souvent selon la guise de l’échéance. Car l’exister factice n’est pas seulement en général et indifféremment un pouvoir-être-au-monde jeté, mais il s’est aussi toujours déjà identifié au « monde » de sa préoccupation. Dans cet être-auprès… échéant s’annonce   la fuite hors de l’étrang(èr)eté, c’est-à-dire maintenant devant l’être le plus propre pour la mort. Existence, facticité, échéance caractérisent l’être pour la fin et sont par conséquent constitutives du concept existential de la mort. Le mourir se fonde, quant à sa possibilité ontologique, dans le souci.

Mais si l’être pour la mort appartient originairement et essentiellement à l’être du Dasein, alors il doit nécessairement aussi - bien que de prime abord inauthentiquement - pouvoir être mis en lumière dans la quotidienneté. Et si l’être pour la fin devait même offrir la possibilité existentiale pour un être-tout existentiel du Dasein, il en résulterait une confirmation phénoménale de cette thèse : le souci est le titre ontologique de la totalité du tout structurel du Dasein. Toutefois, une pré-esquisse de la connexion entre être pour la mort et souci ne suffit pas à la justification phénoménale complète de cette proposition. Cette connexion, c’est avant tout dans la concrétion prochaine du Dasein, dans sa quotidienneté, qu’elle doit devenir visible.


Ver online : Sein und Zeit (1927), ed. Friedrich-Wilhelm von Herrmann, 1977, XIV, 586p. Revised 2018 [GA2]


[1Cf. supra, §41, p. [192].

[2NT: Noter que l’assonance précédence (Bevorstand) - excédent (Ausstand) contribue à justifier notre transposition de ce dernier terme.

[3Cf. supra, §40, p. [184] sq.