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Augustinus

segunda-feira 5 de fevereiro de 2024

Augustin   [EtreTemps  ]
Augustinus [SZ]
Agostinho [SZ]
Augustine [BT]
Augustín [SerTiempo]

C’est parce que la quotidienneté médiocre ou moyenne constitue le « de-prime-abord » de cet étant que l’on n’a cessé et que l’on ne cesse de la perdre de vue dans l’explication du Dasein  . Ce qui est ontiquement le plus proche et le mieux connu est ontologiquement le plus lointain, l’inconnu, ce dont la signification ontologique échappe constamment. Lorsque Augustin demande : « Quid   autem propinquius meipso mihi ? », et doit répondre : « ego   certe laboro hic et laboro in meipso : factus sum mihi terra difficultatis et sudoris nimii »NT: Confessiones, X, XVI, 25, [p. 225, Skutella : « Mais quoi de plus proche de moi que moi-même ? » […] « Pour moi du moins je peine là-dessus et je peine sur moi-même. Je suis devenu pour moi-même une terre excessivement ingrate qui me met en nage. » (trad. E. Trehorel et G. Bouissou), cela ne vaut pas seulement de l’opacité ontique et préontologique du Dasein, mais, à un degré bien plus haut, de la tâche ontologique, non seulement de ne pas manquer, mais encore de rendre positivement accessible cet étant en son mode d’être phénoménalement le plus proche. [EtreTemps9]

C’est un mérite de la recherche phénoménologique que d’avoir procuré une vue plus dégagée sur ces phénomènes. Plus encore, Scheler   surtout, obéissant à des suggestions d’Augustin et de Pascal   NA: Cf. Pensées, loc. cit. (supra, p. [4]) : « Et de là vient qu’au lieu qu’en parlant des choses humaines on dit qu’il faut les connaître avant que de les aimer, ce qui a passé en proverbe, les saints au contraire disent en parlant des choses divines qu’il faut les aimer pour les connaître, et qu’on n’entre dans la vérité que par la charité, dont ils ont fait une de leurs plus utiles sentences » ; cf. aussi Augustin, Contra Faustum (dans Migne, P.L., t. VIII), XXXII. 18: « Non intratur in veritatem, nisi per charitatem »., a infléchi cette problématique en direction des connexions de dérivation entre « actes représentants » et « actes d’intéressement ». Bien sûr, les fondements ontologico-existentiaux du phénomène d’acte en général n’en demeurent pas moins dans l’obscurité. [EtreTemps29]

Cette remarquable primauté du « voir », c’est surtout Augustin qui l’a dégagée, dans le cadre de son interprétation de la concupiscentia   [NA: AUGUSTIN, Confessiones, X, XXXV, 54, (p. 250, Skutella).]: « Ad oculos enim videre proprie pertinet », « le voir appartient proprement aux yeux ». « Utimur autem hoc verbo etiam in ceteris sensibus cum eos ad cognoscendum intendimus » : « Mais nous appliquons également ce mot “voir” aux autres sens lorsque nous recourons à eux pour connaître ». « Neque enim dicimus : audi quid   rutilet, aut, olfac quam niteat ; aut, gusta quam splendeat ; aut, palpa quam fulgeat : videri enim dicuntur haec omnia » : « En effet, nous ne disons pas : écoute comme cela luit, où : sens comme cela brille, ou : goûte comme cela est rayonnant, ou : touche comme cela est éclatant ; mais nous disons dans tous ces cas : vois, nous disons que tout cela est vu ». « Dicimus autem non solum : vide quid luceat, quod soli oculi sentire possunt » : « Mais nous ne disons pas non plus seulement : vois comme cela rayonne — ce que les yeux seuls peuvent percevoir — », « sed etiam, vide quid sonet ; vide quid oleat, vide quid sapiat, vide quam durum sit » : « Nous disons aussi : vois comme cela résonne, vois comme cela sent, vois quel goût cela a, vois comme c’est dur ». « Ideoque generalis experientia sensuum concupiscentia   sicut dictum est oculorum vocatur, quia videndi officium in quo primatum oculi tenent, etiam ceteri sensus sibi de similitudine usurpant, cum aliquid cognitionis explorant » : « C’est pourquoi l’expérience des sens est en général désignée comme “désir des yeux”, parce que même les autres sens, en vertu d’une certaine ressemblance, s’approprient la fonction des yeux lorsqu’il s’agit de connaître, fonction où les yeux ont la primauté. » [EtreTemps36]

Plus rare encore que le fait existentiel de l’angoisse authentique sont les tentatives d’interpréter ce phénomène en sa constitution et sa fonction ontologico-existentiales fondamentales. Les raisons s’en trouvent en partie dans l’omission de l’analytique existentiale du Dasein en général, mais plus spécialement dans la méconnaissance du phénomène de l’affection [NA: Ce n’est point le fruit du hasard si les phénomènes de l’angoisse et de la peur, qui restent couramment confondus, ont pénétré ontiquement et aussi — quoiqu’en ses limites très étroites — ontologiquement dans le champ de la théologie chrétienne. Ce qui s’est toujours produit lorsque le problème anthropologique de l’être de l’homme pour Dieu a obtenu la primauté et que des phénomènes comme la foi, le péché, l’amour, le repentir ont guidé la problématique. Cf. la doctrine d’AUGUSTIN sur le timor castus et servilis, qui est fréquemment discutée dans ses écrits exégétiques et ses lettres. Sur la peur (crainte) en général, v. le De diversis quaestionibus [texte et trad. fr. par A. Beckaert, dans « Bibliothèque augustinienne », t. 10 (N.d.T.)], q. 33 : « de metu », q. 34 : « utrum non aliud amandum sit, quam metu carere », q. 35 : « quid amandum sit » (Migne, P.L., t. VII, 23 sq.). […] [EtreTemps40]

L’histoire sémantique du concept ontique de « cura » permet encore d’apercevoir d’autres structures fondamentales du Dasein. Burdach [NA: Cf. le poème de HERDER, Das Kind der Sorge  , dans Werke, éd. Suphan, t. XXIX, p. 75. 1 Op. cit., p. 49. Dans le stoïcisme déjà, µεwριµνα était un terme fixé, qui revient dans le Nouveau Testament, traduit dans la Vulgate par sollicitudo. — Si l’auteur de ce livre en est venu à adopter cette perspective prédominante sur le « souci » qui gouverne l’analytique précédente du Dasein, c’est dans le cadre de ses tentatives pour interpréter l’anthropologie   augustinienne — c’est-à-dire gréco-chrétienne — par rapport aux fondements posés dans l’ontologie   d’Aristote  .] attire l’attention sur une équivoque du terme « cura », selon laquelle il ne signifie pas seulement « effort anxieux », mais aussi « soin », « dévouement ». C’est ainsi que Sénèque écrit dans sa dernière lettre (Epist. CXXIV) : « Parmi les quatre natures existantes (arbres, animal, homme, Dieu), les deux dernières, qui seules sont douées de raison, se distinguent par ceci que le dieu est immortel, l’homme mortel. Or chez eux, ce qui achève le bien de l’un, à savoir du dieu, c’est sa nature, ce qui achève le bien de l’autre, à savoir de l’homme, c’est le souci (cura) » : « unius bonum   natura perficit, dei   scilicet, alterius cura, hominis. » [EtreTemps42]

Bien que l’expérience vulgaire du temps ne connaisse de prime abord et le plus souvent que le « temps du monde », elle ne lui en attribue pas moins en même temps et toujours un rapport privilégié à l’« âme » et à l’« esprit ». Et cela n’est pas moins vrai lorsque le questionnement philosophique se tient encore éloigné de toute orientation expresse et primaire sur le « sujet ». Deux témoignages caractéristiques suffiront à le montrer : Aristote dit : ei de meden allo pephuken arthmein e psyche   kai psyches nous, adunaton einai   chronon psyches me ouses [NA: Physique, Δ, 14, 223 a 25-26 ; cf. ibid., 11, 218 b 29-219 a 1, 219 a 4-6.]. Et Augustin écrit : « Inde mihi visum est, nihil esse aliud tempus   quam distensionem ; sed cujus rei nescio ; et mirum si non ipsius animi » [NA: Confessiones, XI, XXVI, 33, (NT: p. 287, Skutella : « Par suite, il m’est apparu que le temps n’est pas autre chose qu’une distention, mais de quoi ? Je ne sais, et il serait surprenant que ce ne fût pas de l’esprit lui-même. »)] Ainsi donc même l’interprétation du Dasein comme temporalité n’est pas fondamentalement extérieure à l’horizon   du concept vulgaire du temps. Et Hegel   a déjà fait la tentative expresse de dégager la connexion entre le temps vulgaire compris et l’esprit, tandis que chez Kant   le temps est certes « subjectif », mais se tient sans lien « à côté », du « Je pense » [NA: Dans quelle mesure, chez Kant, émerge pourtant par ailleurs une compréhension plus radicale du temps que chez Hegel, c’est ce que montrera la section 1 de la deuxième partie du présent essai. (NT: Cf. le plan général indiqué supra, p. [40].)]. La fondation [428] hegélienne de la connexion entre temps et esprit est spécialement appropriée pour préciser indirectement, par voie de confrontation, l’interprétation du Dasein comme temporalité et la mise en lumière de l’origine du temps du monde qui viennent d’être accomplies. [EtreTemps81]