offert à la préoccupation

Le « défunt » qui, à la différence du simple mort, a été arraché à « ceux qui restent », est l’objet de « soins » sur le mode de la pompe funèbre, de l’enterrement, du culte funéraire. Et il n’est tel, derechef, que parce qu’en son mode d’être il est « encore plus » qu’un outil (Zeug) à-portée-de-la-main simplement offert à la préoccupation (Besorgen) dans le monde ambiant. Séjournant auprès de lui dans le deuil et le souvenir, les survivants sont avec lui, sur un mode de sollicitude (Fürsorge) honorifique. Le rapport d’être au mort ne saurait donc pas non plus être saisi comme l’être préoccupé auprès d’un étant à-portée-de-la-main. EtreTemps47

Au nombre des possibilités de l’être-ensemble dans le monde se trouve incontestablement la représentabilité d’un Dasein par un autre. Dans la quotidienneté (Alltäglichkeit) de la préoccupation (Besorgen), il est fait un usage multiple et constant d’une telle représentabilité. Toute intervention dans…, tout apport de… est représentable (NT: Au sens d’assumable par un « représentant », un substitut.) dans la sphère du « monde ambiant » offert à la préoccupation (Besorgen) prochaine. La riche variété des guises représentables de l’être-au-monde (In-der-Welt-sein) ne s’étend pas seulement aux modes rebattus de l’être-l’un-avec-l’autre (Miteinandersein) public, mais elle concerne aussi bien les possibilités de préoccupation (Besorgen) restreintes à des domaines déterminés, ajustées à telle ou telle profession, tel ou tel âge. Toutefois, une telle représentation, selon son sens propre, est toujours représentation « dans » et « auprès de » quelque chose, c’est-à-dire dans la préoccupation (Besorgen) pour quelque chose. Or le Dasein quotidien (alltäglich) se comprend de prime abord et le plus souvent à partir de ce dont il a coutume de se préoccuper. « On est » ce dont on s’occupe. Par rapport à cet être, par rapport à l’identification commune quotidienne (alltäglich) au « monde » de la préoccupation (Besorgen), la représentabilité n’est pas seulement en général possible, mais elle appartient même à titre de constituant à l’être-l’un-avec-l’autre (Miteinandersein). Ici, un Dasein peut, (240) et même il doit, dans certaines limites, « être » l’autre. EtreTemps47

La possibilité la plus propre est absolue. Le devancement fait comprendre au Dasein qu’il a à assumer uniquement à partir de lui-même le pouvoir-être où il y va purement et simplement de son être le plus propre. La mort n’« appartient » pas seulement indifféremment au Dasein propre, mais elle interpelle celui-ci en tant que singulier. L’absoluité de la mort comprise dans le devancement isole le Dasein vers lui-même. Cet isolement est une guise de l’ouvrir du « Là » pour l’existence. Il manifeste que tout être auprès de l’étant offert à la préoccupation (Besorgen) et tout être-avec (Mitsein) avec autrui cesse d’être pertinent à partir du moment où il y va du pouvoir-être le plus propre. Le Dasein ne peut être authentiquement lui-même que s’il s’y dispose à partir de lui-même. Néanmoins, la non-pertinence de la préoccupation (Besorgen) et de la sollicitude (Fürsorge) ne signifie nullement que ces guises du Dasein se trouvent détachées de l’être-Soi-même authentique. En tant que structures essentielles de la constitution du Dasein, elles appartiennent conjointement à la condition de possibilité de l’existence en général. Le Dasein n’est authentiquement lui-même que pour autant qu’il se projette primairement, en tant qu’être préoccupé auprès… et en tant qu’être-avec (Mitsein) éclairé par la sollicitude (Fürsorge), vers son pouvoir-être le plus propre, et non pas vers la possibilité du On-même. Le devancement dans la possibilité absolue force l’étant devançant à la possibilité d’assumer de lui-même et à partir de (264) lui-même son être le plus propre. EtreTemps53

Est-il cependant nécessaire que l’interprétation ontologique s’accorde en général avec l’explicitation vulgaire ? Ou bien celle-ci n’éveille-t-elle pas au contraire un soupçon ontologique fondamental ? S’il est vrai que le Dasein, de prime abord et le plus souvent, se comprend à partir de ce dont il est préoccupé et qu’il explicite toutes ses conduites comme autant de préoccupation (Besorgen)s, n’explicitera-t-il pas alors justement de manière échéante-recouvrante la guise de son être qui, en tant qu’appel, veut le ramener de la perte dans les préoccupation (Besorgen)s du On ? La quotidienneté (Alltäglichkeit) envisage le Dasein comme un étant à-portée-de-la-main offert à la préoccupation (Besorgen), c’est-à-dire administré et calculé. La « vie » est une « affaire », que celle-ci couvre ou non ses frais (NT: Formule de Schopenhauer que H. citera dans son Nietzsche, Pfullingen, 1961, t. II, p. 92.). EtreTemps59

Dans le dire-Je, le Dasein s’exprime comme être-au-monde (In-der-Welt-sein). Est-ce à dire cependant que le dire-Je quotidien (alltäglich) se vise comme étant-au-monde ? Il faut ici distinguer : certes, le Dasein, disant-Je, vise l’étant qu’il est à chaque fois lui-même ; seulement l’auto-explicitation quotidienne (alltäglich) a tendance à se comprendre à partir du « monde » offert à la préoccupation (Besorgen). Dans sa visée ontique de soi, (le Dasein) se méprend au sujet du mode d’être de l’étant qu’il est lui-même. Et cela vaut éminemment de la constitution fondamentale du Dasein, de l’être-au-monde (In-der-Welt-sein) (NA: Cf. supra, §§12 (EtreTemps12) et 13, p. 52 sq.). EtreTemps64

Par quoi ce dire-Je « fugace » est-il motivé ? Par l’échéance du Dasein, où il fuit devant (322) lui-même dans le On (das Man). Le dire-Je « naturel » accomplit le On (das Man)-même. Dans le « Je » s’exprime le Soi-même que, de prime abord et le plus souvent, je ne suis pas authentiquement. Pour l’identification à la diversité quotidienne (alltäglich) et la chasse à l’étant offert à la préoccupation (Besorgen), le Soi-même du Je-me-préoccupe oublieux de soi se montre comme le simple constamment même, mais indéterminé et vide. On est bel et bien ce dont on se préoccupe. Que le dire-Je ontique « naturel » manque la teneur phénoménale du Dasein visé dans le Je, cela ne donne à l’interprétation ontologique aucun droit d’accompagner ce manquement et d’imposer à la problématique du Soi-même un horizon « catégorial » inadéquat. EtreTemps64

L’oubli constitutif de la peur égare, et il laisse le Dasein aller et venir entre des (344) possibilités « mondaines » non saisies. À l’opposé de ce présentifier sans retenue, le présent de l’angoisse est tenu dans le se-re-porter vers l’être-jeté le plus propre. L’angoisse, selon son sens existential, ne peut pas se perdre dans un étant offert à la préoccupation (Besorgen). Que quelque chose de tel se produise dans une affection semblable à elle, et alors c’est la peur, que l’entendement quotidien (alltäglich) confond avec l’angoisse. Mais quoique le présent de l’angoisse soit tenu, il n’a pourtant pas encore le caractère de l’instant qui se temporalise dans la décision. L’angoisse transporte seulement dans la tonalité d’une décision possible. Son présent tient en suspens cet instant comme lequel elle-même – et elle seulement – est possible. EtreTemps68

Ce virage du maniement, de l’usage, etc. « pratiquement » circon-spect en investigation « théorique », il est d’abord tentant de le caractériser de la manière suivante : le pur a-visement de l’étant prend naissance lorsque la préoccupation (Besorgen) s’abstient de tout maniement. Le facteur décisif de la « formation » du comportement théorique se trouverait ainsi dans la disparition de la praxis, et c’est même justement lorsque l’on pose la préoccupation (Besorgen) « pratique » comme le mode d’être primaire et prédominant du Dasein factice que la « théorie » est considérée comme devant sa possibilité ontologique au défaut de la praxis, c’est-à-dire à une privation. Seulement, le suspens d’un maniement spécifique dans l’usage préoccupé ne laisse pas simplement derrière lui la circon-spection qui le guidait, à la manière (358) d’un résidu. Bien plutôt la préoccupation (Besorgen) se déplace-t-elle proprement en une « pure circon-spection ». Cependant, l’attitude « théorique » n’est encore nullement atteinte par là, au contraire : le séjour qui s’interrompt avec le maniement peut revêtir le caractère d’une circon-spection plus aiguë, et c’est la « considération », l’examen du résultat atteint, en tant que coup d’oeil d’ensemble sur le « chantier au repos ». L’abstention de l’usage de l’outil (Zeug) est si peu déjà « théorie » que la circon-spection séjournante, « considérative » demeure totalement attachée à l’outil (Zeug) offert à la préoccupation (Besorgen), à-portée-de-la-main. L’usage « pratique » a ses guises propres de séjour. Et de même qu’à la praxis revient sa vue (« théorie ») spécifique, de même la recherche théorique ne va pas sans une praxis à elle propre. La lecture des mesures en tant que résultat d’une expérimentation a souvent besoin d’un dispositif « technique » compliqué. L’observation au microscope est assignée à la production de « préparations ». Les fouilles archéologiques, préalables à l’interprétation de la « trouvaille », ne vont pas sans les plus grossières manipulations. Cependant, même l’élaboration « la plus abstraite » de certains problèmes, même la fixation du résultat acquis manie – par exemple – le crayon. Si « peu intéressants » et « évidents » que soient de tels éléments constitutifs de la recherche scientifique, ils ne sont pourtant rien moins qu’indifférents ontologiquement. On peut certes trouver circonstancié et superflu ce renvoi explicite au fait que le comportement scientifique comme guise de l’être-au-monde (In-der-Welt-sein) n’est pas seulement une « activité purement spirituelle » – qui ne verrait pourtant d’après cette trivialité que l’endroit où passe la frontière ontologique entre comportements « théorique » et « athéorique » n’est nullement manifeste ! EtreTemps69

L’unité des schèmes horizontaux de l’avenir, de l’être-été et du présent se fonde dans l’unité ekstatique de la temporalité. L’horizon de la temporalité totale détermine ce vers-quoi l’étant facticement existant est essentiellement ouvert. Avec le Da-sein factice est à chaque fois projeté dans l’horizon de l’avenir un pouvoir-être, ouvert dans l’horizon de l’être-été l’« être-déjà » et découvert dans l’horizon du présent de l’étant offert à la préoccupation (Besorgen). L’unité horizontale des schèmes des ekstases possibilise la connexion originaire des rapports de pour… avec le en-vue-de… Ce qui implique ceci : sur la base de la constitution horizontale de l’unité ekstatique de la temporalité, appartient à l’étant qui est à chaque fois son Là quelque chose comme un monde ouvert. EtreTemps69

Le s’aménager du Dasein est constitué par l’orientation et l’é-loignement (Entfernung). Comment ceux-ci sont-ils existentialement possibles sur la base de la temporalité du Dasein ? Il ne nous incombe ici d’indiquer brièvement la fonction fondatrice de la temporalité pour la spatialité du Dasein qu’autant qu’il est nécessaire pour nos élucidations ultérieures de l’« accouplement » de l’espace et du temps. À l’aménagement du Dasein appartient la découverte orientée de quelque chose comme une contrée. Par cette expression, nous visons de prime abord le vers-où de la possible pertinence de l’outil (Zeug) à-portée-de-la-main dans le monde ambiant emplaçable. Tandis qu’un outil (Zeug) est trouvé, manié, déplacé, évacué, une contrée est déjà découverte. L’être-au-monde (In-der-Welt-sein) préoccupé est orienté – s’orientant. La pertinence a un rapport essentiel à la tournure (Bewandtnis). Elle se détermine toujours facticement à partir du complexe de tournure (Bewandtnis) de l’étant offert à la préoccupation (Besorgen). Les rapports de tournure (Bewandtnis) ne sont compréhensibles que dans l’horizon du monde ouvert. De même, c’est seulement son caractère d’horizon qui possibilise l’horizon spécifique du vers-où de la pertinence au sein d’une contrée. La découverte s’orientant de la contrée se fonde dans un s’attendre ekstatiquement conservant du vers-là-bas et du vers-ici possible. Le s’aménager, en tant que s’attendre orienté à une contrée, est cooriginairement un rapprocher (é-loigner) d’étant à-portée-de-la-main et sous-la-main. C’est depuis la contrée pré-découverte que la (369) préoccupation (Besorgen), en é-loignant, revient vers le plus proche. L’approchement, ainsi que l’appréciation et la mesure des distances à l’intérieur du sous-la-main intramondain é-loigné, se fondent dans un présentifier qui appartient à l’unité de la temporalité en laquelle également l’orientation est possible. EtreTemps70

De prime abord et le plus souvent, le Dasein se comprend à partir de ce qui lui fait encontre dans le monde ambiant et dont il se préoccupe circon-spectivement. Ce comprendre n’est pas une simple prise de connaissance de lui-même, qui se bornerait à accompagner tous les comportements du Dasein. Comprendre signifie se-projeter vers ce qui est à chaque fois la possibilité de l’être-au-monde (In-der-Welt-sein), autrement dit exister en tant que cette possibilité. Ainsi, le comprendre comme entente constitue-t-il également l’existence inauthentique du On. Ce qui fait encontre à la préoccupation (Besorgen) quotidienne (alltäglich) dans l’être-l’un-avec-l’autre (Miteinandersein) public, ce ne sont (388) pas seulement l’outil (Zeug) et l’ouvrage, mais aussi ce qui en « résulte » : les « affaires », les entreprises, les incidents et les accidents. Le « monde » en est à la fois le sol et le théâtre, et, comme tel, il appartient conjointement aux faits et gestes quotidien (alltäglich)s. Dans l’être-l’un-avec-l’autre (Miteinandersein) public, les autres ne nous font encontre que dans une affaire où « l’on est soi-même plongé ». Et cette affaire, on la connaît, on la commente, on la promeut, on la combat, on la préserve et on l’oublie – mais toujours en n’ayant primairement d’yeux que pour ce qui se poursuit ainsi et ce qui en « sort ». Le progrès, la stagnation, le changement, le « bilan » du Dasein singulier, nous ne les évaluons de prime abord qu’à partir du cours, de l’état, du changement et de la disponibilité de l’étant offert à la préoccupation (Besorgen). Si trivial que puisse être ce renvoi à la compréhension du Dasein qui caractérise l’entendement quotidien (alltäglich), il se trouve que, du point de vue ontologique, elle est rien moins que transparente. Car pourquoi, dans ces conditions, l’« enchaînement » du Dasein ne serait-il pas lui aussi déterminé à partir de ce dont on se préoccupe, de ce que l’on « vit » ? L’outil (Zeug), l’ouvrage, et tout ce auprès de quoi le Dasein se tient, tout cela ne co-appartient-il pas à son « histoire » ? Le provenir de l’histoire, dès lors, ne serait-il que le déroulement – considéré isolément – de « flux de vécus » dans les sujets singuliers ? EtreTemps75

Cette datation qui s’accomplit à partir de l’astre dispensateur de lumière et de chaleur et de ses « places » privilégiées dans le ciel, est une indication temporelle qui, dans l’être-l’un-avec-l’autre (Miteinandersein) « sous le même ciel », peut s’accomplir pour « tout un chacun » en tout temps et de la même façon – et même, en un sens, de manière d’emblée unanime. Car ce qui date est disponible dans le monde ambiant, sans pourtant être restreint au monde d’outils à chaque fois offert à la préoccupation (Besorgen) : en effet, au sein de ce monde, c’est bien plutôt toujours déjà la nature du monde ambiant et le monde ambiant public qui est co-découvert (NA: Cf. supra, §15 (EtreTemps15), p. 66 sq.). Sur cette datation publique où tout un chacun s’indique son temps, tout un chacun peut en même temps « compter », car elle utilise une mesure publiquement disponible. Cette datation compte avec le temps au sens d’une mesure du temps, laquelle a donc besoin d’un outil (Zeug) mesurant : d’une horloge. Par conséquent : avec la temporalité du Dasein jeté, abandonné au monde, qui se donne le temps est aussi déjà découvert quelque chose comme une « horloge », c’est-à-dire un étant à-portée-de-la-main qui est devenu accessible en son retour régulier dans le présentifier qui s’attend. L’être jeté auprès de l’à-portée-de-la-main se fonde dans la temporalité. Elle est le fondement de l’horloge. En tant que condition de possibilité de la nécessité factice de l’horloge, la temporalité conditionne en même temps sa découvrabilité ; car seul le présentifier s’attendant-conservant du parcours du soleil tel qu’il fait encontre avec l’être-découvert de l’étant intramondain permet et exige en même temps, en tant qu’il s’explicite, la datation à partir de l’à-portée-de-la-main publiquement présent dans le monde ambiant. EtreTemps80

Avant que nous ne tentions de caractériser en leur sens ontologico-existential les traits principaux de la formation du calcul du temps et de l’usage de l’horloge, il convient de caractériser d’abord de manière plus complète le temps tel qu’on se préoccupe de lui en le mesurant. Si c’est la mesure du temps, en effet, qui publie pour la première fois « proprement » le temps offert à la préoccupation (Besorgen), alors un examen de la manière dont ce qui est daté se montre en une telle datation « computative » doit nous rendre accessible le temps public en son originarité phénoménale. EtreTemps80

Plus « naturellement » la préoccupation (Besorgen) qui se donne le temps compte avec le temps, et (422) d’autant moins elle séjourne auprès du temps ex-primé comme tel, étant au contraire perdue dans l’outil (Zeug) offert à la préoccupation (Besorgen), qui à chaque fois a son temps propre. Plus « naturellement », autrement dit : moins thématiquement la préoccupation (Besorgen), déterminant et indiquant le temps, est tournée vers le temps comme tel, et d’autant plus l’être échéant-présentifiant auprès de l’étant offert à la préoccupation (Besorgen) dit sans hésiter, à voix plus ou moins haute : maintenant, alors (futur), alors (passé). Et ainsi le temps se montre à la compréhension vulgaire du temps comme une suite de maintenant constamment « sous-la-main », passant et arrivant à la fois. Le temps est compris comme un l’un-après-l’autre, comme « flux » des maintenant, comme « cours du temps ». Qu’implique cette explicitation du temps du monde offert à la préoccupation (Besorgen) ? EtreTemps81

Excertos de

Heidegger – Fenomenologia e Hermenêutica

Responsáveis: João e Murilo Cardoso de Castro

Twenty Twenty-Five

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