mondanéité du monde

[63] §14 [EtreTemps14]-. L’idée de la mondanéité [Weltlichkeit] du monde en général EtreTemps14

N’est-il pas possible, enfin, de traiter le « monde » comme une détermination de l’étant cité ? Cet étant, nous le qualifions pourtant bien d’intramondain. Le « monde » serait-il même un caractère d’être du Dasein ? Et tout Dasein aurait-il alors « de prime abord » son monde ? Mais le « monde » ne devient-il pas ainsi quelque chose de « subjectif » ? Ou comment dans ces conditions peut-il y avoir encore ce monde « commun » « dans » lequel nous sommes pourtant bel et bien ? Et lorsque la question du « monde » est posée, quel monde est-il donc visé ? Réponse : Ni celui-ci, ni celui-là, mais la mondanéité [Weltlichkeit] du monde en général. Quel chemin suivre pour atteindre ce phénomène ? EtreTemps14

Par rapport au problème d’une analyse ontologique de la mondanéité [Weltlichkeit] du monde, l’ontologie traditionnelle se meut – si tant est qu’elle aperçoive en général le problème – dans une impasse. D’un autre côté, une interprétation de la mondanéité [Weltlichkeit] du Dasein et des possibilités et des modalités de sa mondanisation aura à montrer pourquoi le Dasein passe [66] ontiquement et ontologiquement à côté du phénomène de la mondanéité [Weltlichkeit] en adoptant le mode d’être de la connaissance du monde. Cependant, le phénomène de ce manquement de la mondanéité [Weltlichkeit] nous indique du même coup qu’il est besoin de précautions particulières pour assurer à l’accès au phénomène de la mondanéité [Weltlichkeit] le point de départ phénoménal correct, c’est-à-dire propre à empêcher le manquement cité. EtreTemps14

Le monde prochain du Dasein quotidien [alltäglich] est le monde ambiant. La recherche emprunte la voie qui conduit de ce caractère existential de l’être-au-monde [In-der-Welt-sein] médiocre à l’idée de la mondanéité [Weltlichkeit] en général. Nous cherchons la mondanéité [Weltlichkeit] du monde ambiant (la mondanéité [Weltlichkeit] ambiante) en passant par une interprétation ontologique de l’étant intérieur-au-monde-ambiant [Umwelt] [Umwelt] qui nous fait de prime abord encontre. L’expression « monde ambiant » évoque, par son deuxième élément, la spatialité. Et pourtant, ce caractère « environnant » constitutif du monde ambiant n’a point de sens primairement « spatial ». Bien plutôt le caractère spatial qui appartient incontestablement à un monde ambiant ne peut-il être éclairci qu’à partir de la structure de la mondanéité [Weltlichkeit]. C’est à sa lumière que la spatialité du Dasein, à laquelle on a déjà fait allusion au §12 [EtreTemps12], deviendra visible. Mais il se trouve que l’ontologie a déjà justement essayé d’interpréter à partir de la spatialité l’être du « monde » en tant que res extensa. La tendance la plus extrême à une telle ontologie du « monde » – corrélative d’une orientation sur la res cogitans, qui ne coïncide ni ontiquement ni ontologiquement avec le Dasein – se manifeste chez Descartes. L’analyse de la mondanéité [Weltlichkeit] ici tentée peut gagner en clarté en se démarquant de cette tendance. Elle s’accomplit en trois étapes : A. Analyse de la mondanéité [Weltlichkeit] ambiante et de la mondanéité [Weltlichkeit] en général. B. Illustration de l’analyse de la mondanéité [Weltlichkeit] par sa confrontation avec l’ontologie cartésienne du « monde ». C. L’ambiance du monde ambiant et la « spatialité » du Dasein. EtreTemps14

§18 [EtreTemps18]-. Tournure et significativité [Bedeutsamkeit] la mondanéité [Weltlichkeit] du monde. EtreTemps18

L’à-portée-de-la-main fait encontre de manière intramondaine. L’être de cet étant – l’être-à-portée-de-la-main – se tient donc dans un certain rapport ontologique au monde et à la mondanéité [Weltlichkeit]. Le monde, en tout étant à-portée-de-la-main, est toujours déjà « là ». Le monde est préalablement – non pas cependant thématiquement – découvert avec tout ce qui fait encontre. Mais il peut aussi luire en certaines guises de l’usage du monde ambiant. C’est à partir du monde que de l’à-portée-de-la-main est à-portée-de-la-main. Or comment le monde peut-il laisser de l’à-portée-de-la-main faire encontre [begegnen] ? Notre analyse a montré ceci : l’étant rencontré à l’intérieur du monde est libéré en son être pour la circon-spection préoccupée qui tient compte de lui. Que signifie cette libération préalable, et comment doit-elle être comprise en tant que privilège ontologique du monde ? Devant quels problèmes la question de la mondanéité [Weltlichkeit] du monde nous place-t-elle ? EtreTemps18

Le laisser-retourner préalable de… avec… se fonde dans un comprendre de quelque chose comme le laisser-retourner, le « de » de la tournure [Bewandtnis] et le « avec » de la tournure [Bewandtnis]. Ce dernier, et aussi ce qui est encore à son fondement – ainsi le pour-quoi dont il retourne, et le en-vue-de-quoi auquel tout pour-quoi reconduit à son tour en dernière instance -, tout cela doit préalablement être ouvert en une certaine compréhensibilité. Et qu’est-ce dont que cela «où» le Dasein comme être-au-monde [In-der-Welt-sein] se comprend préontologiquement ? Dans la compréhension du complexe de rapports cité, le Dasein, sur la base d’un pouvoir-être saisi expressément ou non, authentique ou non, en vue duquel il est lui-même, s’est assigné à un pour… Celui-ci pré-trace un pour-quoi en tant que « de » possible d’un laisser-retourner, lequel laisse également retourner, de par sa structure propre, « avec » quelque chose. À partir d’un en-vue-de-quoi, le Dasein se renvoie toujours déjà à l’« avec » d’une tournure [Bewandtnis], c’est-à-dire qu’il laisse à chaque fois déjà, pour autant qu’il est, de l’étant faire encontre [begegnen] comme à-portée-de-la-main. Ce dans quoi le Dasein se comprend préalablement sur le mode du se-renvoyer n’est pas autre chose que ce vers quoi il laisse préalablement de l’étant faire encontre [begegnen]. Le « où » du comprendre auto-renvoyant comme « vers » du faire-encontre de l’étant sur le mode de la tournure [Bewandtnis], tel est le phénomène du monde. Et la structure de ce vers quoi le Dasein se renvoie est ce qui constitue la mondanéité [Weltlichkeit] du monde. EtreTemps18

À l’intérieur du champ de recherches qui est actuellement le nôtre, l’essentiel est de maintenir de manière fondamentale les différences – que nous n’avons cessé de marquer – entre les diverses structures et dimensions de la problématique ontologique : 1. l’être de l’étant intramondain tel qu’il fait de prime abord encontre (être-à-portée-de-la-main) ; 2. l’être de l’’étant (être-sous-la-main) qui devient trouvable et déterminable dans une traversée spécifiquement découvrante de l’étant de prime abord rencontré ; 3. l’être de la condition ontique de possibilité de la découvrabilité de l’étant intramondain en général – la mondanéité [Weltlichkeit] du monde. L’être nommé en dernier lieu est une détermination existentiale de l’être-au-monde [In-der-Welt-sein], c’est-à-dire du Dasein. Quant aux deux premiers concepts de l’être, ce sont des catégories, qui ne concernent que l’étant dont l’être n’est pas à la mesure du Dasein [Daseinsmässig]. – On peut certes saisir formellement le complexe de renvois qui constitue en tant que significativité [Bedeutsamkeit] la mondanéité [Weltlichkeit] au sens d’un système de relations. Mais il importe seulement d’observer que de telles formalisations nivellent les phénomènes jusqu’à en ruiner la teneur phénoménale authentique, surtout lorsqu’elles s’appliquent à des rapports aussi « simples » que ceux qu’abrite la significativité [Bedeutsamkeit]. En leur teneur phénoménale, ces « relations » et ces « relatifs » du pour…, du en-vue-de…, de l’avec… d’une tournure [Bewandtnis] répugnent à toute fonctionnalisation mathématique ; pas davantage ne sont-ils des notions, des fruits de la seule « pensée » : ils sont les rapports où la circon-spection préoccupée en tant que telle séjourne à chaque fois déjà. Ce « système de relation » comme constituant de la mondanéité [Weltlichkeit] volatilise si peu l’être de l’à-portée-de-la-main intramondain que c’est seulement sur la base de la mondanéité [Weltlichkeit] du monde que cet étant est découvrable en son « en soi substantiel ». Et de même c’est seulement si de l’étant intramondain peut en général faire encontre [begegnen] que s’ouvre la possibilité de rendre accessible dans le champ de cet étant le sans-plus-sous-la-main. Ce dernier type d’étant, sur la base de son être-sans-plus-sous-la-main, peut être déterminé mathématiquement en « concepts fonctionnels » du point de vue de ces « propriétés ». Mais des concepts fonctionnels de cette sorte ne sont en général ontologiquement possibles que par rapport à de l’étant dont l’être a le caractère de la pure substantialité : des concepts fonctionnels ne sont jamais possibles que comme concepts substantiels formalisés [NT: Allusion critique au livre d’E. Cassirer, Substanzbegriff und Funktionsbegriff, 1925, traduit en français en 1977 par P. Caussat sous le titre Substance et fonction.]. EtreTemps18

Notre première esquisse de l’être-à… (cf. §12 [EtreTemps12]) nous a amené à délimiter le Dasein par rapport à un mode d’être dans l’espace que nous appelons l’intériorité. Celle-ci signifie qu’un étant lui-même étendu est embrassé par les limites étendues d’un autre étant étendu. L’étant intérieur et l’étant embrassant sont tous deux sous-la-main dans l’espace. Et pourtant, l’exclusion d’une telle intériorité du Dasein dans un contenant spatial n’avait point pour intention d’exclure par principe toute spatialité du Dasein, mais seulement de garder la voie libre pour une aperception de la spatialité qui en est constitutive. Or c’est celle-ci que nous avons maintenant à établir. Cependant, comme l’étant intra-mondain est lui aussi dans l’espace, sa spatialité se trouvera dans une connexion ontologique avec le monde. Par conséquent, il faut déterminer en quel sens l’espace est un constituant du monde, lequel, de son côté, a été caractérisé comme moment structurel de l’être-au-monde [In-der-Welt-sein]. Spécialement, il convient de montrer comment l’ambiance du monde, la spatialité spécifique de l’étant qui fait encontre dans le monde ambiant est elle-même fondée par la mondanéité [Weltlichkeit] du monde, et non [102] pas à l’inverse le monde sous-la-main dans l’espace. Cette recherche sur la spatialité du Dasein et la déterminité [Bestimmtheit] spatiale du monde prendra son point de départ dans une analyse de l’étant à-portée-de-la-main de manière intramondaine dans l’espace. La méditation traversera trois étapes : 1. La spatialité de l’à-portée-de-la-main intramondain (§22 [EtreTemps22]) ; la spatialité de l’être-au-monde [In-der-Welt-sein] (§23 [EtreTemps23]) ; 3. la spatialité du Dasein et l’espace (§24 [EtreTemps24]). EtreTemps21

En tant qu’être-au-monde [In-der-Welt-sein], le Dasein a à chaque fois déjà découvert un « monde ». Cette découverte fondée dans la mondanéité [Weltlichkeit] du monde a été caractérisée comme libération de l’étant vers une totalité de tournure [Bewandtnis]. Ce laisser-retourner qui libère s’accomplit sur le mode du se-renvoyer circon-spect, lequel se fonde dans une compréhension préalable de la significativité [Bedeutsamkeit]. Or, comme on l’a montré désormais, l’être-au-monde [In-der-Welt-sein] circon-spect est spatial, et c’est seulement parce que le Dasein est spatial selon la guise de l’é-loignement [Entfernung] et de l’orientation que l’à-portée-de-la-main intramondain peut faire encontre [begegnen] en sa spatialité. La libération d’une totalité de tournure [Bewandtnis] est cooriginairement le laisser-retourner é-loignant-orientant d’une contrée, autrement dit la libération de la destination spatiale de l’à-portée-de-la-main. La significativité [Bedeutsamkeit] avec laquelle le Dasein est familier comme être-à préoccupé implique conjointement l’ouverture essentielle de l’espace. EtreTemps24

L’espace ainsi ouvert avec la mondanéité [Weltlichkeit] du monde n’a encore rien à voir avec la pure multiplicité des trois dimensions. Dans cette ouverture prochaine, l’espace demeure encore en retrait en tant que pur « où » de toute ordination métrique d’emplacements ou détermination métrique de situations. Ce vers-quoi l’espace est d’emblée découvert dans le Dasein, nous l’avons déjà indiqué avec le phénomène de la contrée. Nous comprenons celle-ci comme le vers-où de la destination possible du complexe à-portée-de-la-main d’outils, lequel doit pouvoir faire encontre [begegnen] en tant qu’orienté-é-loigné, c’est-à-dire placé. La destination se [111] détermine à partir de la significativité [Bedeutsamkeit] constitutive du monde et articule, à l’intérieur du vers-où possible, le vers-ici et le vers-là-bas. Le vers-où en général est pré-dessiné par la totalité de renvois fixée dans un en-vue-de-quoi de la préoccupation [Besorgen], totalité à l’intérieur de laquelle le laisser-retourner libérant se renvoie. Avec ce qui fait encontre comme à-portée-de-la-main, il retourne à chaque fois d’une contrée. À la totalité de tournure [Bewandtnis], qui constitue l’être de l’à-portée-de-la-main intramondain, appartient une tournure [Bewandtnis] spatiale « en-contrée ». Sur sa base, l’à-portée-de-la-main devient trouvable et déterminable selon la forme et la direction. Selon la transparence à chaque fois possible de la circon-spection préoccupée, l’à-portée-de-la-main intramondain est é-loigné et orienté avec l’être factice du Dasein. EtreTemps24

Si l’analyse de la mondanéité [Weltlichkeit] du monde n’a cessé de porter sous le regard le phénomène total de l’être-au-monde [In-der-Welt-sein], il s’en faut que tous ses moments constitutifs se soient alors dégagés avec la même netteté phénoménale que le phénomène du monde lui-même. Il convenait cependant de commencer, comme on l’a fait, par interpréter ontologiquement le monde en traversant d’abord l’à-portée-de-la-main intramondain. En effet, le Dasein considéré en sa quotidienneté [Alltäglichkeit] – et c’est en tant que tel qu’il constitue notre thème constant – n’est pas seulement en général en un monde, mais il se rapporte au monde selon une modalité prépondérante : de prime abord et le plus souvent, il est capté par son monde. Ce mode d’être de l’identification au monde et l’être-à en général qui lui est radical, voilà ce qui détermine [114] essentiellement le phénomène auquel nous nous attacherons désormais en posant cette question : qui le Dasein, dans la quotidienneté [Alltäglichkeit], est-il donc ? Toutes les structures d’être du Dasein, donc également le phénomène qui répond à cette question « qui » ? sont des guises de son être. Leur caractéristique ontologique est existentiale. Par suite, il est besoin de poser convenablement la question, et de pré-tracer le chemin par lequel puisse être pris en vue un domaine phénoménal plus vaste de la quotidienneté [Alltäglichkeit] du Dasein. Ces recherches dans la direction du phénomène susceptible de répondre à la question du qui ? conduisent à des structures du Dasein qui sont cooriginaires de l’être-au-monde [In-der-Welt-sein] : l’être-avec [Mitsein] et l’être-Là-avec [Mitdasein]. C’est dans ce mode d’être que se fonde le mode de l’être-Soi-même quotidien [alltäglich] dont l’explication rend visible ce que nous sommes en droit d’appeler le « sujet » de la quotidienneté [Alltäglichkeit] : le On [das Man]. Le présent chapitre sur le « qui » du Dasein médiocre s’articulera donc comme suit : 1. l’amorçage de la question existentiale du qui du Dasein (§25 [EtreTemps25]) ; 2. l’être-Là-avec [Mitdasein] des autres et l’être-avec [Mitsein] quotidien [alltäglich] (§26 [EtreTemps26]) ; 3. l’être-Soi-même quotidien [alltäglich] et le On [das Man] (§27 [EtreTemps27]). ETMartineau: CHAPITRE IV

Mais, en vertu de la présente analyse, appartient également à l’être du Dasein, dont il y va pour lui en son être même, l’être-avec [Mitsein] autrui. Comme être-avec [Mitsein], le Dasein « est » donc essentiellement en-vue-d’autrui. Cet énoncé doit être compris comme énoncé d’essence. Même lorsque le Dasein factice ne se tourne pas vers d’autres, qu’il croit pouvoir se passer d’eux ou s’en passe effectivement, il est selon la guise de l’être-avec [Mitsein]. Dans l’être-avec [Mitsein] en tant que en-vue-des-autres existential, ceux-ci sont déjà ouverts en leur Dasein. Cette ouverture des autres, d’emblée constituée avec l’être-avec [Mitsein], contribue donc à la constitution de la significativité [Bedeutsamkeit], c’est-à-dire de la mondanéité [Weltlichkeit] où celle-ci est ancrée dans le en-vue-de existential. C’est pourquoi la mondanéité [Weltlichkeit] du monde ainsi constituée, où le Dasein est essentiellement à chaque fois déjà, laisse l’à-portée-de-la-main intramondain faire encontre [begegnen] de telle manière que, en même temps que lui en tant qu’objet de préoccupation [Besorgen] circon-specte, l’être-Là-avec [Mitdasein] d’autrui fait encontre. La structure de la mondanéité [Weltlichkeit] du monde implique que les autres ne soient pas de prime abord sous-la-main comme des sujets flottant en l’air juxtaposés à d’autres choses, mais qu’ils se manifestent, en leur être spécifique au sein du monde ambiant, dans le monde à partir de ce qui est à-portée-de-la-main en celui-ci. EtreTemps26

À côté de ces deux déterminations d’essence de l’affection qui viennent d’être explicitées – elle ouvre l’être-jeté, elle ouvre à chaque fois l’être-au-monde [In-der-Welt-sein] total -, une troisième détermination, qui contribue avant tout à une compréhension plus pénétrante de la mondanéité [Weltlichkeit] du monde, mérite l’attention. Nous avions dit plus haut [NA: Cf. supra, §18 [EtreTemps18], p. [83] sq.]: c’est le monde préalablement ouvert qui laisse de l’intramondain faire encontre [begegnen]. Or cette ouverture préalable, inhérente à l’être-à, du monde est co-constituée par l’affection. Le laisser-faire-encontre est primairement circon-spect, il ne se réduit pas encore à un ressentir ou à un regarder. Le laisser-faire-encontre circon-spect et préoccupé présente – ainsi que nous pouvons maintenant le voir avec plus d’acuité à la lumière de l’affection – le caractère du concernement. Mais le concernement par l’inutilité, la résistance, la menace de l’à-portée-de-la-main n’est possible ontologiquement que pour autant que l’être-à comme tel est d’emblée existentialement déterminé de telle manière qu’il puisse être abordé de cette manière par de l’étant rencontrable à l’intérieur du monde. Cette abordabilité se fonde dans l’affection en laquelle elle a ouvert le monde comme – par exemple – menaçant. Seul ce qui est dans l’affection de la peur, ou de l’impavidité, peut découvrir de l’à-portée-de-la-main du monde ambiant comme menaçant. L’être-intoné de l’affection constitue existentialement l’ouverture-au-monde du Dasein. EtreTemps29

Le s’angoisser ouvre originairement et directement le monde comme monde. Le Dasein ne commence pas par exemple par faire réflexivement abstraction de l’étant intramondain afin de ne plus penser qu’au monde devant lequel ensuite l’angoisse va prendre naissance, mais c’est l’angoisse comme mode de l’affection qui, la première, ouvre le monde comme monde. Ce qui ne signifie pourtant pas que dans l’angoisse la mondanéité [Weltlichkeit] du monde soit conçue. EtreTemps40

Notre discussion des présupposés tacites des tentatives purement « gnoséologiques » de solution du problème de la réalité montre donc que celui-ci doit être repris comme problème ontologique dans l’analytique existentiale du Dasein [NA: Cf. avant tout, supra, §16 [EtreTemps16], p. [72] sq. : « la mondialité [Weltmässigkeit] du monde ambiant telle qu’elle s’annonce dans l’étant intramondain » ; §18 [EtreTemps18], p. [83] sq. : « Tournure et significativité [Bedeutsamkeit], la mondanéité [Weltlichkeit] du monde », et §29 [EtreTemps29], p. [134] sq. : « le Dasein comme affection ». – Sur l’être-en-soi de l’étant intramondain, cf. p. [75] sq.]. EtreTemps43

La réalité, en tant que titre ontologique, est rapportée à l’étant intramondain. Si ce titre sert de désignation pour ce mode d’être en général, c’est qu’être-à-portée-de-la-main et être-sous-la-main fonctionnent comme modes de la réalité. Au contraire, si on laisse au mot sa signification traditionnelle, il désigne alors l’être au sens du pur être-sous-la-main chosique. Toutefois, tout être-sous-la-main n’est pas être-sous-la-main chosique. La « nature » qui nous « environne » et nous « embrasse » est sans doute de l’étant intramondain, mais elle ne manifeste ni le mode d’être de l’être-à-portée-de-la-main ni celui du sous-la-main selon la guise de la « choséité [Dinglichkeit] naturelle ». Mais de quelque manière que cet « être » de la nature puisse être interprété, il n’en reste pas moins que tous les modes d’être de l’étant intramondain sont ontologiquement fondés dans la mondanéité [Weltlichkeit] du monde, et, par là, dans le phénomène de l’être-au-monde [In-der-Welt-sein]. D’où il résulte cet aperçu : pas plus que la réalité n’a de primauté à l’intérieur des modes d’être de l’étant intramondain, pas davantage ce mode d’être ne peut-il adéquatement caractériser ontologiquement quelque chose comme le monde et le Dasein. EtreTemps43

La datation du « alors » qui s’explicite dans le s’attendre préoccupé implique ceci lorsqu’il fait jour, il est temps de se mettre au travail du jour. Le temps explicité dans la préoccupation [Besorgen] est à chaque fois déjà compris comme temps de…, pour… Le « maintenant que ceci et cela » est à chaque fois comme tel approprié et inapproprié. Le « maintenant » – et ainsi tout mode du temps explicité – n’est pas seulement un « maintenant que… », mais, en tant que ce maintenant essentiellement datable, il est en même temps essentiellement déterminé par la structure de l’appropriement ou du non-appropriement. Le temps explicité a nativement le caractère du « temps pour… », ou du « ce n’est pas le temps pour… » Le présentifier s’attendant-conservant de la préoccupation [Besorgen] comprend le temps dans un rapport à un pour-quoi, qui, à son tour, est en dernière instance ancré dans un en-vue-de-quoi du pouvoir-être du Dasein. Avec ce rapport de pour…, le temps publié manifeste la structure où nous avions reconnu antérieurement [NA: Cf. supra, p. [83] sq., et §69 [EtreTemps69] c, p. [364] sq.] la significativité [Bedeutsamkeit]. Celle-ci constitue la mondanéité [Weltlichkeit] du monde. Le temps publié a, en tant que temps de…, essentiellement un caractère mondain, et c’est pourquoi nous nommons le temps qui se publie dans la temporalisation de la temporalité le temps du monde – non point certes parce qu’il serait sous-la-main comme étant intramondain (il ne peut jamais être tel), mais parce qu’il appartient au monde dans le sens que nous avons interprété ontologico-existentialement. Comment les rapports essentiels de la structure du monde, par exemple le « pour… », sont liés, sur la base de la constitution ekstatico-horizontale de la temporalité, avec le temps public, par exemple le « alors que… », c’est ce qui doit nous apparaître dans la suite. En tout état de cause, c’est maintenant seulement que le temps de la préoccupation [Besorgen] se laisse complètement caractériser en sa structure : il est datable, tendu, public, et il appartient, en tant qu’ainsi structuré, au monde lui-même. Tout « maintenant » ex-primé naturellement-quotidienne [alltäglich]ment, par exemple, a cette [415] structure, et, comme tel, il est compris – quoique non thématiquement et préconceptuellement – dans le se-laisser-le-temps préoccupé du Dasein. EtreTemps80