Stille

À partir du « tournant dans l’Ereignis » qu’accomplissent les Apports à la philosophie (1936-1938) et qui permet de penser une histoire de l’être, Heidegger emploie aussi die Stille pour nommer l’origine d’une parole humaine répondant par les mots à une parole silencieuse dont elle se fait le recueil et que le mot « être » ne parvient pas à dire. Le mot Stille conjugue les trois sens de paix, d’immobilité et de silence : unité originaire du temps et de l’espace, l’Ereignis advient telle une immobilité mobile autour de laquelle tout se rassemble comme autour d’un point pivotant, de sorte que malgré le vacarme des agitations périphériques règne une paix silencieuse dont, au cours de l’histoire, la pensée des penseurs s’est faite diversement l’écho. L’obsession de la publication ne fut donc jamais la leur : comme Heidegger le rappelle, lorsque Kant fit paraître la Critique de la raison pure, il avait cinquante-sept ans et avait gardé le silence pendant plus de dix ans ; après que Schelling eut publié son traité sur la liberté humaine, il ne publia presque plus rien jusqu’à sa mort, cette période de silence n’étant pas marquée par un affaiblissement de l’aptitude créatrice. (LDMH)