Kunft

venue (dans laquelle le Dasein, dans son ‘pouvoir-et-savoir-être’ le plus sien, parvient à soi) (ETJA)

N16 Ce mot (venue) est pris pour traduire le mot Kunft (die) – c’est un hapax du traité –, mot désormais inusité dans la langue allemande et qui n’intervient plus que comme suffixe. Heidegger, fidèle à sa méthode lexicalement constructive, prépare ainsi le terrain de tout ce qu’il va bâtir à partir de ce « radical ».

Ce contexte linguistique, Jean Greisch le commente ainsi (JG, pages 319-320) : « Si le temps est essentiellement un pouvoir de possibilisation, alors il y a de fortes chances que les substantifs dont se sert le langage ordinaire pour le désigner soient inadéquats. Il faut dès lors mobiliser la puissance des verbes et des adverbes pour cerner sa véritable structure. Cela ne va pas sans une sorte de violence terminologique, car, comme Husserl l’avait pressenti de son côté dans ses Leçons sur la conscience intime du temps, il n’est pas sûr que les mots pour dire ce que nous cherchons soient à notre disposition. C’est donc une sorte de crise fondamentale du langage qu’il faut assumer ici. La nature elle-même du phénomène qu’il s’agit d’analyser est profondément réfractaire à un discours prédicatif qui prétendrait énoncer les propriétés – essentielles ou accidentelles – d’un étant. C’est pourquoi Heidegger prend soin de préciser que le seul langage adéquat est un langage ‘indicatif-herméneutique’ qui reflète, dans son fonctionnement même, la compréhension du Dasein. Tous les mots de ce langage doivent ‘indiquer le Dasein et des structures du Dasein et du temps, indiquer le comprendre possible et la compréhensibilité des structures du Dasein accessibles à un tel comprendre’. (GA 21, page 410).

(…) Par le fait même, la relation au futur se trouve débarrassée de l’indice de négativité dont les pensées traditionnelles l’affectaient, en même temps que le rapport au passé : le passé, c’est un présent évanoui, révolu ; l’avenir, c’est un présent qui n’existe pas encore. Ici au contraire, pris en son sens existential, l’avenir non seulement est un phénomène entièrement positif, mais, comme nous le verrons dans un instant, c’est lui qui définit la structure primaire de la temporalité existentiale. (…) On aurait tort de soupçonner ici un simple artifice lexical. Ce n’est pas en décomposant mécaniquement le lexème Zukunft en deux morphèmes : Zu et Kunft que l’on obtient le sens existential de cette advenue. Au contraire, ce n’est que parce que le phénomène existential du souci implique le primat de l’advenue que cette décomposition lexicale a un sens. » (ETJA)