resolução
décision : Entschluss, Entscheidung. (ETEM)
resolution (BTJS)
Entscheidung = Entschluss : décision, acte concret de l’Entschlossenheit : résolution. – Surtout à partir de 297. (ETEM)
NT: Resolution (Entschluss), 298-299, 307-308, 338, 343-344, 382-383, 386-387, 397. See also Jeweiligkeit; Situation (BTJS)
La traduction décidément insatisfaisante de Entschlossenheit par résolution appelle d’abord des remarques de langue. « La langue allemande, écrivait J. Beaufret en 1945, soutient mieux l’élan de la pensée heideggerienne que la langue française » (De l’existentialisme à Heidegger, p. 27). Il est bien évident que Heidegger tire de sa langue tout le parti possible, qu’il en joue de main de maître et qu’il a « une aptitude hors de pair à gorger de sens, jusqu’au seuil de l’éclatement, les mots de son vocabulaire » (Julien Gracq, parlant de Mallarmé). On ne peut plus attentif à ce que dit la langue, il transforme un mot, qui s’entend d’ordinaire au sens de détermination, fermeté, résolution, en le recomprenant à partir de son étymologie; ent-schliessen, c’est lever la fermeture, d’où se décider, « sortir » de l’irrésolution. Il y a dans le terme de Heidegger un élément essentiel d’ouverture dont le mot résolution ne donne malheureusement pas idée. De plus, résolution a le gros inconvénient d’être en français un terme particulièrement cartésien. Le généreux, selon Descartes (Les Passions de l’âme), est résolu et il est résolu jusqu’au bout, mais c’est parce que, pour Descartes, la vérité n’est pas seulement connue, elle doit aussi être voulue (Quatrième Méditation). Et c’est pourquoi être certain, c’est au fond être décidé. Le biographe du Père Mersenne raconte sa fin en ces termes : « il se résolut à cet effroyable moment en parfait chrétien et en vrai religieux » (cité dans Adam et Tannery, t. V, p. 230).
Dans le cours sur Parménide de l’hiver 1942-1943, Heidegger distingue très nettement la résolution « au sens moderne » (disons : cartésien) qui est « fondée sur l’auto-assurance de l’homme comme sujet et donc sur la subjectivité» du grec originel ἀρετά (Pindare) qu’il traduit par Entschlossenheit (édition intégrale, t. LIV (GA54), p. 111-112). Nous sommes dans un questionnement qui prend son départ « en dehors du domaine de la subjectivité » (Questions, IV, p. 186) avec tout ce que cela exige de révision « déchirante».
Résolution n’est qu’un expédient. Il ne laisse rien voir de la rigoureuse convergence entre Erschlossenheit (ouvertude) et Entschlossenheit qui fait de cette page 297 un des sommets du livre (c’est d’elle que semble parler Rilke lorsqu’il dit : « là où je crée, je suis vrai », cf. P. Jaccottet, Rilke par lui-même, éd. du Seuil).
Heidegger est souvent revenu sur le mot Entschlossenheit qui, même en Allemagne, a été particulièrement mal compris (cf. par exemple édition intégrale t. XXIX-XXX (GA29-30), p. 223-224 et p. 427). Il le définit, par exemple, comme attitude/ouvertude du Dasein qui entreprend tout exprès de s’ouvrir à l’ouvert (cf. Questions, III, p. 213 – ne serait-ce pas là le « Let be » de Hamlet au cinquième acte?). Ce qui est cependant caractéristique de tout ce qu’il en dit, c’est l’accent spécial mis sur la vérité. Le mot dit la manière authentique pour le Dasein d’être dans la vérité et c’est pourquoi il dit à cet endroit précis du livre que « la vérité doit être conçue comme un existential fondamental ». Peut-être faudrait-il penser à notre mot vocation dans la mesure où il se prête à dire cette « vérité de l’existence » (p. 221) qu’est la propriété : une vocation cela se découvre et cela se décide à la fois. La « résolution », c’est l’ouvertude propre, c’est-à-dire cette ouvertude qui n’est qu’à moi.
Un seul a regardé cet enfant et a compris qui c’était,
Il a regardé Rimbaud et c’est fini pour lui désormais.
Tel est Verlaine dans la vérité de son existence, à l’instant où il devient pleinement lui-même – vérité qui est, en même temps, rapport à l’avenir.
« L’ouverture pour la décision résolue, dans Sein und Zeit, n’est pas l’action décidée d’un sujet, mais l’ouverture du Dasein hors de l’engoncement (572) (Befangenheit) dans l’étant, jusqu’à l’ouvert de l’être. Cependant, dans l’existence, l’homme ne sort pas d’un dedans pour accéder ensuite à un dehors; l’essence de l’existence, c’est l’instance qui s’expose dans l’essentielle expansion de l’éclaircie de l’étant » (Chemins qui ne mènent nulle part, p. 75-76 (GA5)). (ETFV:571-573)