L’idée de l’être à laquelle reconduit cette caractérisation ontologique de la res extensa est la substantialité. « Per substantiam nihil aliud intelligere possumus, quam rem quae ita existit, ut nulla alla te indigeat ad existendum » : « par substance, nous ne pouvons rien comprendre d’autre qu’un étant qui est ainsi que, pour être, il n’a besoin d’aucun autre étant » {NA: Id., I, 51, p. 24.]}. L’être d’une « substance » est caractérisé par une absence de besoin. Ce qui, en son être, n’a absolument aucun besoin d’un autre étant, cela satisfait au sens propre à l’idée de substance — cet étant est l’ens perfectissimum. « Substantia quae nulla plane re indigeat, unica tantum potest intelligi, nempe Deus » {NA: Ibid. NT: [« La substance qui n’a absolument pas besoin d’une autre chose ne peut être conçue que comme unique, et c’est Dieu. »]}. « Dieu » est ici un titre strictement ontologique, lorsqu’il est compris comme ens perfectissimum. En même temps, ce qui est co-visé de manière « évidente » avec le concept de Dieu rend possible une explicitation ontologique du moment constitutif de la substantialité, l’autarcie. « Alias vero omnes (res), non nisi ope concursus Dei existere percipimus » {NA: Ibid. NT: [« Pour toutes les autres choses, nous nous représentons qu’elles ne peuvent exister que grâce au concours de Dieu. »]}. Tout étant qui n’est pas Dieu a besoin d’être produit au sens le plus large du terme, et d’être conservé. La production comme être sous-la-main (ou l’absence du besoin d’être produit), voilà ce qui constitue l’horizon au sein duquel l’« être » est compris. Tout étant qui n’est pas Dieu est ens creatum. Entre l’un et l’autre type d’étant existe une différence « infinie » d’être, et pourtant nous appelons le créé aussi bien que le créateur des étants. Nous employons donc le mot « être » dans une extension telle que son sens embrasse une différence « infinie ». Ainsi pouvons-nous même nommer avec un certain droit l’étant créé une substance. Relativement à Dieu, cet étant est sans doute en besoin de production et de conservation, mais à l’intérieur de la région de l’étant créé, du « monde » au sens de l’ens creatum, il y a de l’étant qui, relativement à une création ou une conservation créaturelles, à celles de l’homme par exemple, « n’a pas besoin d’un autre étant ». Des substances de cette sorte sont au nombre de deux : la res cogitans et la res extensa. [EtreTemps20]