(MHEM)
La philosophie n’a été le plus souvent, comme le dit Heidegger, qu’un mélange de philosophie première et de discussions sur Dieu ou sur l’immortalité de l’âme, qui sont en fait étrangères à son domaine propre. 4
L’ontologie, dit Heidegger, n’est possible que comme phénoménologie. » 7
L’être et la vérité sont contemporains, dit Heidegger. 8
C’est parce qu’il comprend l’être comme l’essence du phénomène, que Heidegger peut dire que la phénoménologie est la science de l’être et, comme telle, l’ontologie. 8
Ontologie et phénoménologie ne sont pas, dit Heidegger, deux disciplines appartenant l’une à côté de l’autre à la philosophie. 8
Le monde est la condition transcendantale de l’espace, car, comme l’a montré Heidegger, loin que le monde repose dans l’espace, c’est au contraire l’espace qui repose en lui. 9
Elle est l’ « éloignement », mais compris, comme le veut Heidegger, « en un sens actif et transitif ». 9
Ainsi donc, peut dire Heidegger, l’être humain… est un être du lointain. 9
C’est justement dans la mesure où elle apparaît comme une détermination « catégoriale », pour parler comme Heidegger, c’est-à-dire relative à l’étant non-Dasein, que la distance est susceptible d’une différenciation ; en tant qu’elle est un « existential » au contraire, c’est-à-dire co-appartient à la structure ontologique de l’essence, elle porte en elle cette caractéristique éidétique qu’elle est toujours une distance absolue. 9
Il y a dans le Dasein, dit Heidegger, une tendance fondamentale vers le proche. 9
Heidegger pense la même chose que Gassendi, mais cette chose, il la pense dans sa vérité ontologique. 9
La philosophie de l’être trouve son origine dans l’ontologie grecque mais, comme l’a noté Heidegger, celle-ci demeure très souvent naïve en ce qu’elle considère l’étant tel qu’il s’offre à nous, prenant comme allant de soi son être-donné au lieu de le considérer en et pour lui-même, et de s’interroger décidément sur lui. 11
Le grec òn, « étant », dit encore Heidegger, cache en soi une essence propre d’étantité. » 11
C’est pourquoi Heidegger peut dire que « la représentation (Vor-stellen) règne sur tous les modes de la conscience. » 11
La subjectivité du sujet, dit Heidegger, c’est l’Erscheinen lui-même. » 11
Il ne suffit pas de dire, comme le fait encore Sartre, que Heidegger rejette « l’isolement mégarique et antidialectique des essences », c’est une nouvelle conception de l’essence qui se fait jour, conformément à laquelle l’essence est la dialectique même, l’échange et le passage. 11
Inversement, lorsque Sartre reproche à Heidegger d’aborder directement l’analytique existentielle sans passer par le cogito, lorsque, après avoir défini le Dasein comme le projet ekstatique de ses propres possibilités, c’est-à-dire comme une compréhension de soi, il demande : « Mais que serait une compréhension qui, en soi-même, ne serait pas conscience (d’) être compréhension ? », comme pour lui la conscience est la position de l’objet, comme elle s’épuise dans cette position même et n’est ainsi rien d’autre que l’ekstase de la transcendance, c’est-à-dire très exactement ce que Heidegger entend par la compréhension (Verstehen) ontologique de l’être, sa critique n’a aucun contenu. 11
« La subjectivité, déclare Heidegger, commentant la philosophie classique, est la présence sur le mode de la représentation. » 11
Le renversement de la doctrine qui se fait jour dans les dernières œuvres de Heidegger où le principe de la phénoménalité est cherché dans l’extériorité radicale de l’être, trouve ses prémisses dans Sein und Zeit et dans la pensée philosophique traditionnelle où il est en fait déjà inclus. 11
S’il n’y a pas de différence entre la philosophie de l’être et la philosophie de la conscience, pourquoi Heidegger a-t-il cru bon de diriger contre celle-ci une critique radicale et sans cesse reprise ? Le motif de cette critique a été indiqué : il réside dans la volonté de ne pas laisser l’essence déchoir au rang de la détermination qui trouve dans cette essence son fondement. 12
C’est la dégradation de l’essence de la manifestation en une réalité d’ordre ontique, c’est la compréhension de l’élément ontologique formel du savoir à la lumière d’une telle réalité, qui est rejetée par Heidegger. « 12
Le Dasein, dit Heidegger, peut se comprendre… à partir du « monde » ou des autres ou de son pouvoir-être le plus propre. » 12
Descartes, écrit Heidegger, comprend l’être du Dasein à la constitution fondamentale duquel appartient l’être-dans-le-monde de la même façon que l’être de la res extensa, comme substance). » 12
La réponse, dit Heidegger, se trouve dans la « transcendance ekstatiquement, horizontalement fondée du monde ». 12
Est-ce par hasard si c’est chez Kant, où l’essence du pouvoir ontologique est saisie pour elle-même et comprise à partir de l’idée de la transcendance, que cette finitude se trouve affirmée pour la première fois, et cela avec la plus grande force ? « Kant, dit Heidegger, avait à chercher la finitude dans l’être rationnel lui-même. » 13
Dans le renversement, dit Heidegger, la conscience ne doit pas… abandonner le séjour au milieu de l’étant, elle doit l’assumer expressément dans sa vérité. » 13
Commentant Heidegger, Sartre avait déjà écrit dans l’introduction de L’Être et le Néant : « L’être est simplement la condition de tout dévoilement : il est être-pour-dévoiler et non être dévoilé. » 13
« Ce dont il s’agit au fond, dit Heidegger, c’est de mettre en lumière l’imbrication essentielle de l’être (non pas de l’étant) comme tel et de la finitude dans l’homme. » 15
La liberté, dit Heidegger, « ne peut se dérober à ce qui prend d’elle ainsi naissance ». 15
Parce que le néant est révélé, dit Heidegger, la science peut faire de l’étant lui-même l’objet de sa recherche. » 16
Pour que l’on puisse comprendre l’essentielle détermination de l’étant par l’être, il faudra, dit Heidegger, que l’élément déterminant lui-même se montre avec une certaine clarté. » 16
Ce qui caractérise un tel savoir, c’est, selon Heidegger, la contradiction qu’il porte en lui. 18
La distinction dans la conscience entre ses déterminations existentielles et sa structure ontologique met à nu l’ambiguïté d’une proposition comme celle par laquelle Heidegger s’efforce encore de caractériser le savoir naturel et de souligner sa contradiction : « la conscience naturelle est et n’est pas… ontologique ». 18
Le mouvement de l’expérience trouve son origine, selon Hegel, dans l’inégalité qui existe entre la conscience de l’objet et la conscience de soi, dans la différence, dit Heidegger, entre le savoir naturel et le savoir réel. 20
Il est donc faux de dire, comme le fait Heidegger à la suite de Hegel, que « la représentation appartient à l’essence de l’expérience », ou encore que « la représentation de l’expérience est voulue à partir de l’essence de l’expérience comme lui appartenant ». 21
Si la connaissance finie de l’étant est possible, dit Heidegger, elle devra se fonder sur un connaître de l’être de l’étant préalable à tout acte réceptif. 22
Cette confusion, Heidegger la commet lorsqu’il écrit : « à la connaissance finie seule peut être donnée une réalité du type objet (Gegenstand). 22
L’horizon, dit Heidegger, sera non thématique, mais restera en même temps dans le champ du regard. 23
Cette solution semble se proposer lorsque, par exemple, Heidegger dit, à propos sans doute des intuitions pures, mais justement pour montrer que leur essence réside dans l’imagination, qu’elles reçoivent la vue pure de l’espace et du temps mais que « cette réception est en elle-même un acte formateur qui se donne à lui-même ce qui s’offre ». 23
L’imagination est aussi, et même surtout, une faculté d’intuition », dit Heidegger, qui cite encore la parole de Kant selon laquelle l’imagination est « constamment sensible ». 23
De même à propos du « terme de l’orientation », c’est-à-dire de l’horizon qui permet la rencontre de l’étant, Heidegger parle de la « nécessité de sa perceptibilité immédiate dans une intuition pure ». 23
L’imagination, dit Heidegger, appartient à la faculté d’intuition. » 23
L’intuition trouve son fondement dans la transcendance, mais, dit Heidegger, « la transcendance, dans l’objectivation, doit rendre intuitif l’horizon formé par celle-ci ». 23
Sans doute convient-il également de rappeler ici le sens de la problématique qu’institue Heidegger. 23
La pensée et l’intuition présentent, selon Heidegger, une affinité parce qu’elles trouvent leur fondement dans une essence commune, l’imagination. 23
Cette vérité, dit encore Heidegger, est explicitée en son essence par le schématisme transcendantal. » 23
Le temps, dit Heidegger, est impliqué dans la possibilité intrinsèque de cet acte d’objectivation. » 24
Le temps, dit Heidegger, … prête d’emblée à l’horizon de la transcendance le caractère d’une offre perceptible. » 24
C’est parce que le temps est compris par Heidegger, à la suite de Kant, comme auto-affection qu’il est présenté comme « la possibilité intrinsèque de l’acte d’objectivation », ou, ainsi que le disait Kant, comme la condition universelle de tous les phénomènes. 24
Le temps, d’autre part, constitue l’essence du sens interne dont Heidegger dit qu’il « ne reçoit rien du dehors ». 24
Le temps, dit Heidegger, est, par nature, pure affection de lui-même. » 24
L’affection pure de soi, dit encore Heidegger,… détermine l’essence profonde de la transcendance. » 24
L’espace, dit Heidegger, est toujours… en un certain sens identique au temps », « si on comprend le temps comme ce qui se forme dans l’intuition pure, en tant qu’objet pur… Ce n’est pas sous cette forme que le temps est le fondement originel de la transcendance, mais c’est en tant qu’il est affection pure de soi. 24
Qu’est-ce que l’intuition ? En quoi consiste le pouvoir en vertu duquel le temps est ce qui rend ultimement possible l’essence de la manifestation, c’est-à-dire la transcendance elle-même ? Parlant de la pure succession de la série des maintenant, c’est-à-dire de l’horizon du temps pur, Heidegger dit que « l’intuition pure intuitionne cette succession sans l’objectiver ». 24
La détermination positive d’un tel acte est cependant donnée par Heidegger : « intuitionner signifie : recevoir ce qui s’offre ». 24
Il appartient à la vérité de l’être, dit Heidegger, de relier à elle, d’une manière privilégiée, l’essence de l’homme. » 26
Affecter purement l’acte d’objectivation, disait Heidegger, en tant qu’il est orientation pure vers… veut dire qu’on lui suscite quelque opposition. » 31
Pour cette raison, il est faux de dire que « l’affection pure de soi… détermine… l’essence profonde de la transcendance » si, comme il convient de le faire et comme le fait Heidegger, on entend par affection pure de soi l’auto-affection elle-même. 31
Celle-ci, pour la même raison, ne peut non plus être interprétée, ainsi que le veut encore Heidegger, comme constituant l’essence du temps lui-même en tant qu’il « est impliqué dans la possibilité intrinsèque de l’acte d’objectivation », c’est-à-dire précisément comme transcendance. 31
Pour quelle raison doit-il en être ainsi, pourquoi aucun des côtés de la figure n’est-il susceptible de se rapporter aux autres, pourquoi la table ne peut-elle, comme le dit Heidegger, « toucher le mur » ? Parce que ni l’un ni l’autre ne sont capables de « se dépasser vers » ce avec quoi ils pourraient alors entretenir un « rapport ». 33
Un être non libre, écrit un commentateur de Heidegger, serait un être si absolument replié sur soi qu’il s’affirmerait constitutionnellement incapable d’être auprès de l’autre. » 33
L’obscurité qui est celle, chez Hegel aussi bien que chez Heidegger, du statut du savoir naturel et de l’immanence en lui du savoir réel, appartient en réalité au concept inélaboré de cette immanence en tant que celui-ci ne désigne pas seulement, d’une manière explicite et dans l’évidence de son contenu, le rapport de l’essence à ses modes, mais encore, quoique de façon cachée, la structure propre de celle-ci, la structure interne du savoir réel et son fondement. 36
Et que ce parvenir originaire de l’essence en soi-même ne soit pas constitué par l’objectivation, qu’il ne puisse, comme le veulent Hegel et Heidegger, en être la conséquence, cela résulte justement de ce qu’il en est la condition. 36
Voilà pourquoi « le Dasein ne peut vaincre son éloignement du Zuhanden », non seulement parce que, comme le dit Heidegger, « il est essentiellement éloignement, c’est-à-dire spatial », mais pour cette raison plus ultime, et explicitée par la problématique, qu’il réalise en lui l’essence de son éloignement, – parce que, sur le fond en elle de son anti-essence, la transcendance ne peut être transcendée. 41
Se trouvant au milieu du monde, et cela en tant qu’elle le projette, comme être-dans-le-monde par conséquent, la transcendance se sent au milieu de lui et de l’existant, elle est investie par lui et, comme le dit encore Heidegger, « accordée au ton de cet existant qui la pénètre ». 42
C’est comme un libre pouvoir-être, disait Heidegger, que le Dasein se trouve jeté parmi l’existant. 42
Parce que l’être-en-situation lui appartient en tant qu’il est lui-même le fondement de son pouvoir-être, n’est-il pas aussi lui-même, comme tel, comme transcendance, le fondement de sa situation ??[147] Que veut dire cependant pour le Dasein être le fondement de son pouvoir-être, être un fondement ? Donnons ici la parole à Heidegger lui-même : « Être un fondement veut dire ne jamais… être maître de son être le plus propre. » 42
Le Soi, dit Heidegger, qui a comme tel à poser le fondement de lui-même ne peut jamais se rendre maître de celui-ci. » 42
Ne jamais se rendre maître de son être le plus propre, cela ne signifie-t-il pas, en effet, n’en être pas, n’en être jamais le fondement ? « Le Dasein, dit Heidegger, n’est pas en tant que soi le fondement de son être. » 42
Mais si l’être-livré-à-lui-même du Dasein qui le détermine comme le fondement de son pouvoir-être ou, encore, comme « un étant dont l’être a à assumer l’être fondement », constitue comme tel, dans l’abandon qu’il signifie chaque fois, son être-situé, comment la détermination inverse, le fait pour le Dasein de n’être jamais le fondement de son être, se rapporte-t-elle, elle aussi, au concept de la situation, et cela comme ce qui le fonde originellement ? Donnons ici encore la parole à Heidegger : « En existant le Dasein est déjeté, non apporté de lui-même dans son Da. » 42
L’essence de la situation, ontologiquement saisie et interprétée par Heidegger comme « Geworfenheit », réside dans le fait pour le « Dasein » de ne pas s’apporter lui-même dans son « Da », c’est-à-dire de n’être jamais le fondement de ce qu’il est. 42
Le Soi, dit Heidegger dans une proposition déjà citée mais ici rétablie dans son intégrité, qui a comme tel à poser le fondement de lui-même ne peut jamais se rendre maître de celui-ci et a pourtant en existant à assumer l’être-fondement. » 42
Ainsi le comprend Heidegger. 42
Ce « ne… pas… », dit Heidegger, appartient au sens existential de la Geworfenheit. » 42
En tant que, comme fondement de son pouvoir-être, le Dasein n’est pas le fondement de son être, il apparaît ainsi essentiellement affecté par ce « ne… pas… » ou, comme le dit encore Heidegger, par une Nichtigkeit. « 42
Ainsi l’entend Heidegger : « Nichtigkeit ne veut dire en aucune façon ne pas être donné, ne pas exister (nicht bestehen), mais signifie un « ne.., 42
Parce que la positivité ontologique de la Nichtigkeit réside dans l’immanence, ce qui fait cette positivité et, identiquement, l’essence de la situation, ne se laisse pas reconnaître à l’aide des présuppositions qui sont celles de la philosophie de Heidegger. 42
Pouvant-être, dit Heidegger, le Dasein se tient… dans l’une ou l’autre possibilité, constamment il «’est pas l’autre et s’est privé d’elle dans son projet existentiel. » 42
C’est à la lumière de ces deux significations foncièrement différentes et finalement confondues par Heidegger, et comme l’expression même de cette confusion, qu’il convient de lire le texte suivant : « le projet n’est pas seulement, comme déjeté, déterminé par la Nichtigkeit de l’être-fondement, mais comme projet même il est essentiellement nichtig ». 42
De la Nichtigkeit considérée en général et dont le concept inclut aussi en lui, dans son indétermination ontologique foncière, le n’être-pas-fondement de soi où l’être du Dasein puise la possibilité effective de sa situation, Heidegger a tenté une interprétation elle-même générale, non rapportée à la finitude du projet. 42
De celle-ci comprise comme déterminant en général l’être du Dasein et, par suite, comme le fondement de sa culpabilité, Heidegger constate lui-même le caractère incertain : « le sens ontologique de la Nichtheit de cette Nichtigkeit existentiale demeure obscur ». 42
Heidegger a tenté de déterminer plus avant, à l’intérieur des présuppositions qui sont les siennes, l’essence de la situation. 43
C’est comme temporalité, comme modes de celle-ci et de sa temporalisation, que se trouvent saisies par Heidegger et décrites par lui la peur et l’angoisse en tant qu’elles laissent paraître en elles, comme cela même qu’elles découvrent, l’abandon du Dasein dans la Geworfenheit, sa situation. 43
L’être-déjà, dit Heidegger, est ouvert dans l’horizon du passé. » 43
A la lumière de celle-ci seulement, de ce qui constitue la structure ontologique de l’être comme être-situé, doivent s’entendre ces propositions où Heidegger pense déterminer, et cela comme essentiel, le lien qui unit la Befindlichkeit au passé : « L’acte d’apporter devant le fait (das Dass) de la déréliction propre – que ce soit authentiquement en découvrant ou inauthentiquement en cachant – ne devient existentialement possible que si l’être du Dasein est, conformément à son sens, constamment été. 43
C’est pourquoi l’affirmation par laquelle Heidegger prétend caractériser ce qui constitue la facticité du Dasein comme un état caché (Verschlossenheit) et selon laquelle celui-ci « co-détermine le caractère ekstatique de l’abandon de l’existence au fondement nichtig d’elle-même » doit être rejetée. 43
L’incompatibilité éidétique de l’ekstase temporelle et du propre fondement « nichtig » de celle-ci, de ce qui se trouve déterminé comme « Nichtigkeit » par cette incompatibilité même, rend également inintelligible, incapable en tout cas d’exhiber en elle l’essence originelle de la Geworfenheit, l’idée donnée pourtant par Heidegger comme décisive pour la compréhension de celle-ci, d’un « rapport ekstatiquement temporel du Dasein au fondement dé jeté de lui-même ». 43
Parlant de cet appel tel qu’il se laisse comprendre dans sa connexion essentielle avec le surgissement primitif de le temporalité, Heidegger le caractérise, par rapport au Dasein et pour lui, comme un « appel en avant dans la possibilité d’assumer soi-même en existant l’étant déchu qu’il est, en arrière, dans la Geworfenheit, pour la comprendre comme le fondement nichtig qu’il a à reprendre dans l’existence ». 43
Que la possibilité d’assumer ainsi librement, dans des actes déterminés de l’existence, le fondement dé jeté de celle-ci se réalise précisément dans la liberté et par elle, dans la forme de son accomplissement ontologique originel comme temporalité, Heidegger l’indique clairement : « Seul un étant qui dans son être est essentiellement avenir, tel que, libre pour sa mort, il puisse en se brisant sur elle se laisser rejeter sur son Da factice, c’est-à-dire seul un étant qui, en tant qu’avenir, est co-originairement ayant-été, peut, en se transmettant à lui-même la possibilité dont il hérite, assumer sa propre déréliction et, dans l’Augenblick, être pour « son temps ». » 43
Ainsi s’introduit d’une façon équivoque chez Heidegger le concept de répétition comme répétition de ce qui se présente d’abord sous la forme d’une réalité transcendante dans l’ekstase du passé. 43
Ce qui se présente d’abord sous la forme d’une réalité transcendante dans l’ekstase du passé n’est rien d’autre toutefois que l’être déjeté du Dasein, sa déréliction, qu’il lui faut alors, se transmettant à soi-même ce qu’il est « d’une façon immédiate » dit Heidegger mais, en fait, « par ekstase temporelle », prendre sur soi, assumer, accepter, alors que rien ne répugne davantage à la structure interne originelle de la Geworfenheit, c’est-à-dire de la situation elle-même, que la liberté incluse en de tels actes comme ce qui les rend possibles. 43
L’élan anticipateur de la possibilité dernière et la plus propre, dit Heidegger, est le revenir comprenant sur l’être-été (« Gewesen ») le plus propre. » 43
Que celui-ci, l’être-déjeté du Dasein constitutif de sa situation, ne se découvre que dans la décision résolue et par elle, Heidegger l’affirme explicitement : « la situation a son fondement dans l’Entschlossenheit », elle est, dit-il, « le Da ouvert dans l’Entschlossenheit ». 43
Ce qui est dépassé, dit Heidegger, c’est précisément et uniquement l’étant lui-même, et en fait tout étant qui peut se trouver dévoilé au Dasein ou le devenir ; par conséquent aussi et précisément cet étant qu’il est lui-même par son existence. » 43
Dans l’accomplissement de ce rapport ekstatique, c’est-à-dire de la temporalité originelle, prend naissance, toutefois, et se constitue, selon Heidegger, la possibilité effective de la situation : celle-ci se trouve libérée en même temps que l’étant et comme situation de cet étant même. 43
La présupposition empruntée à Heidegger, selon laquelle celles-ci ne peuvent s’accomplir que sur le fond en elles de la transcendance qui les lie au monde, devient sans objet quand elle ne signifie plus identiquement le surgissement effectif de la phénoménalité. 44
C’est pourquoi après avoir montré comment se détermine la situation existentielle de l’étant-Dasein, comment « le « ici » d’un « ici-je » se comprend toujours à partir du « là-bas » d’un Zuhanden » vers lequel se projette la préoccupation, Heidegger ajoute : « « ici » et « là-bas » ne sont possibles que dans un Da, c’est-à-dire s’il existe un étant qui a ouvert la spatialité comme être du Da ». 44
L’expression « Da », poursuit Heidegger, signifie cette ouverture essentielle ». 44
Toute affection, dit Heidegger, est une manifestation par laquelle s’annonce un étant déjà donné. » 52
Vivre, comme l’avaient déjà aperçu les Grecs et comme, plus près de nous, devaient le reconnaître à leur tour Nietzsche, Heidegger, signifie être, de telle manière qu’il ne s’agit pas ici, avec l’intervention du sentiment dans son rapport à la vie, d’un mode particulier et arbitrairement choisi de réalisation de celle-ci, mais de la structure interne de tout ce qui est. 53
Cette question, dit Heidegger, celle de savoir ce qu’il en est finalement de l’invisible considéré en lui-même, arrive trop tard. 53
La manifestation a été interprétée par Heidegger, dans le mouvement le plus profond de la pensée occidentale, prenant sa source en Grèce, comme l’image, comme la place pure dans laquelle et par la manifestation préalable de laquelle se manifeste tout ce qui se manifeste. 54
Assurément l’interprétation de la forme de l’expérience, telle qu’elle s’accomplit dans le monisme, est susceptible, lorsqu’elle se situe sur un plan ontologique, comme elle le fait chez Heidegger, de lui reconnaître un contenu propre, comme contenu « pur » et lui-même ontologique. 57
Avant ce regard de la réflexion, toutefois, de l’attention, le sentiment était là, comme un contenu de la conscience, baignant dans sa lumière et éclairé par elle, de manière indirecte, il est vrai, comme un contenu marginal situé dans l’ombre plutôt et plongé en elle, dans cette ombre dont Heidegger dit qu’« elle reste confiée à la lumière, projetée par elle », dans l’obscurité qui partage la phénoménalité du monde et lui appartient comme son mode décroissant ou comme son mode limite. 61
Aujourd’hui cependant une telle affirmation peut-elle être maintenue ? L’intérêt de la réflexion contemporaine ne se porte-t-il pas au contraire, d’une façon très remarquable, sur l’affectivité comprise justement comme un pouvoir de révélation original et fondamental ? Une telle tendance ne se manifeste-t-elle pas notamment, avec éclat, chez Scheler et chez Heidegger ? L’un des traits caractéristiques de la pensée de Scheler est son effort pour arracher l’affectivité au discrédit qui pèse traditionnellement sur elle, et cela justement en lui reconnaissant un pouvoir de révélation propre et, qui plus est, originaire et fondamental. 63
C’est pourquoi une telle signification ne peut être reconnue dans son universalité et fondée que pour autant que cette essence est elle-même reconnue, pour autant que le pouvoir originaire de révélation de l’affectivité est saisi en lui-même et non pas confondu avec celui de la transcendance, comme on le voit chez Scheler et, de la même manière, chez Heidegger. 64
Comme celle de Scheler, la pensée de Heidegger se caractérise, à l’encontre de la philosophie classique, par l’importance qu’elle accorde au phénomène de l’affectivité ontologiquement saisi et interprété comme un pouvoir de révélation et par la signification fondamentale qu’elle lui reconnaît. 65
Cette évidence dès lors se présente sans plus attendre : l’essence de la révélation propre à l’affectivité et s’accomplissant en elle est complètement manquée par Heidegger, confondue par lui avec celle de la compréhension ontologique de l’être à laquelle pourtant elle demeure hétérogène dans sa structure comme dans sa phénoménalité. 65
Toute Befindlichkeit, dit Heidegger, est comprenante. » 65
Chaque disposition affective, dit Heidegger, « porte le Dasein plus ou moins explicitement… devant le fait qu’il est. » 65
De cette lacune, à vrai dire essentielle, de la philosophie de l’affectivité présentée dans Sein und Zeit, Heidegger a eu le pressentiment : « l’interprétation temporelle de la Befindlichkeit ne peut vouloir déduire les Stimmungen de la temporalité ni les dissoudre en purs phénomènes de temporalisation. 65
Le dépassement de la métaphysique de la volonté, le dépassement du psychologisme, ne peut s’accomplir cependant, en ce qui concerne le sentiment, celui-ci être autre chose qu’un état, l’élément ontologique de la manifestation et comme tel, ainsi que le déclare explicitement Heidegger, « un mode de la conscience de soi », un « sentiment pur », que pour autant que cet élément ontologique qui constitue l’être du sentiment se trouve saisi précisément comme le sien, comme son essence propre. 65
De quel élément cependant dispose la philosophie de la transcendance pour esquisser une interprétation ontologique de l’être du sentiment, sinon de la transcendance elle-même ? Pour autant qu’il refuse le psychologisme, Heidegger se voit contraint de fonder l’être du sentiment sur la relation ekstatique de l’être-au-monde et de le comprendre comme une détermination de cette relation. « 65
Toute compréhension, dit Heidegger, est affectivement déterminée. » 65
Heidegger entreprend de le montrer. 65
Celui-ci réside, selon Heidegger, dans le fait que l’attente de la peur concerne l’existence elle-même, n’est pas une simple attente mais un s’attendre, dans le fait que « le s’attendre de la peur laisse le terme redoutable revenir en arrière sur le pouvoir-être se souciant factice », c’est-à-dire sur l’existence elle-même, codécouverte à elle-même dans ce mouvement de retour en arrière sur elle, c’est-à-dire précisément dans l’ekstase du passé. « 65
Parce que cet esprit de vengeance détermine la relation de l’homme à l’être de l’étant, Nietzsche, dit Heidegger, « pense d’emblée la vengeance métaphysiquement ». 65
La pensée métaphysique, dit Heidegger, repose sur la distinction. » 65
L’être transcendant il est vrai, ce qui ne trouve jamais que dans le lointain de la séparation la condition de sa présence, de sa proximité, le monde en général, éveille notre souffrance : « La nostalgie, dit Heidegger, est la douleur que nous cause la proximité du lointain. » 65
Que cette révélation à elle-même de l’existence, sa relation originelle avec soi et finalement son être-soi, se propose comme une détermination essentielle de son affectivité et comme consubstantielle à celle-ci, on le voit plus nettement encore quand il est dit, à propos de l’espoir, que son « caractère affectif repose d’abord dans l’espérer comme dans un « espérer pour soi » », « ce qui, ajoute Heidegger, présuppose un « s’être-obtenu » (ein sich gewonnen haben) ». 65
Une telle révélation, ajoute Heidegger afin d’en souligner le caractère essentiel, ne saurait être ni subséquente ni occasionnelle. » 65
La révélation du moi à lui-même dans le respect tel que le comprennent Heidegger et Kant n’est qu’indirecte, elle s’accomplit par la médiation d’un processus complexe qui, loin de pouvoir fonder l’être du moi, le présuppose au contraire comme la condition même de son accomplissement. 65
Comme le remarque Heidegger, Hegel ne conçoit pas l’expérience dialectiquement, mais pense le dialectique à partir de l’essence de l’expérience. 72
Pour Hegel, comme plus tard pour Heidegger, et pour les mêmes ultimes raisons, il faut dire que « pas plus que les autres êtres, nous ne sommes chers au fondement de l’être en nous ». 72
Ce qui est réel, pour Hegel, c’est l’Esprit, l’essence même de l’objectivité, ce que Heidegger appellera l’Être. 73
Après avoir montré comment, dans la Logique, l’affinité du temps et du concept repose sur l’identité de leur structure formelle, Heidegger ajoute dans Sein und Zeit : « Mais comme le temps est aussi saisi [par Hegel] comme un temps du monde purement et simplement nivelé et qu’ainsi son origine demeure complètement cachée, il se tient simplement en face de l’esprit comme une réalité donnée. 75
La chute de l’esprit a, comme le reconnaît lui-même Heidegger, la signification d’être la propre « réalisation » de cet esprit. 75
L’aliénation de l’essence est ainsi, comme le remarque Heidegger dans son commentaire, le rassemblement et la réunion de cette essence en elle-même, l’accomplissement de l’Erscheinen dans sa plénitude. 77