GA56-57:31-33 – axioma

Arrien et Camilleri

Au fondement de tout connaître reposent ainsi (peu importe l’attitude que l’on adopte par ailleurs à l’égard des théories scientifiques et méthodologiques spécifiques) des concepts, des principes fondamentaux et des axiomes derniers, et ce, tant dans les sciences inductives que déductives. C’est seulement grâce à ces axiomes que quelque chose peut être démontré à propos des faits et à partir des faits. C’est seulement grâce à de tels axiomes en tant que lois normatives que les sciences deviennent des sciences. Ils donnent l’impulsion originelle (Ur-sprung) à la connaissance – et la science qui prend pour objet ces origines est la science originaire, la philosophie. « Le problème de la philosophie est (donc) celui de la validité des axiomes. »1 Je ne tiens compte pour commencer que des axiomes théoriques (logiques) – à titre de simple illustration – et laisse provisoirement de côté les axiomes éthiques et esthétiques.

Les axiomes sont des normes, des lois, des principes, c’est-à-dire des « liaisons de représentations ». Leur validité doit être démontrée. Ici surgit de nouveau la difficulté inhérente à l’idée de science originaire : comment ces axiomes peuvent-ils être démontrés ? Ils ne peuvent pas être tirés déductivement d’autres principes encore plus généraux puisqu’ils sont eux-mêmes, en vertu de leur propre concept, les premiers principes (fondamentaux) à partir desquels tout autre principe peut être démontré. L’on ne peut pas non plus faire dériver indirectement les axiomes des faits puisqu’ils sont déjà présupposés dans la saisie d’un fait en tant que fait (dans sa subordination à un concept général), tout comme ils sont présupposés par le parcours méthodique de l’induction elle-même.

Le fait que nous soyons de nouveau face à cette difficulté maintes fois soulevée – difficulté qui caractérise la tâche d’une fondation de l’origine et du commencement – indique que nous évoluons dans la sphère de la science originaire. Et de fait, (32) après plusieurs tentatives infructueuses, nous avons réussi, apparemment sans y prendre garde, à passer des sciences particulières à la science originaire. La psychologie ayant permis cette médiation, c’est en elle que doit résider le point critique. L’indéniable caractère commun de toutes les connaissances en tant qu’elles sont des processus psychiques nous a ramenés à une science, la psychologie – mais à celle-ci comme science empirique particulière qui peut être interprétée, parallèlement à la science naturelle physique, comme une science naturelle psychique.

Le pas vers une nouvelle « légalité dans le psychique » nous a déjà conduits au domaine de la science originaire, c’est-à-dire à son indice (la circularité de sa fondation). Cette autre légalité « dans le psychique » est donc l’indice d’un problème authentiquement scientifique-originaire, c’est-à-dire philosophique.

Cela dit, les concepts de « psychique », de « loi » et de « norme » restent complètement non élucidés. En cet état brut du matériel conceptuel utilisé, rien n’explique de prime abord comment le psychique peut être soumis à une double légalité (à la légalité des sciences de la nature et à une autre légalité) ; rien n’explique non plus comment le psychique, réglé par les lois naturelles, s’avère accessible à un autre type de normativité.

En lien avec l’introduction d’une nouvelle légalité dans la sphère psychique, les connaissances (à titre de phénomènes psychiques) apparaissent elles aussi soumises à une nouvelle légalité au regard de leur appréhension. Elles sont maintenant considérées comme vraies dans la mesure où elles ont une validité. L’examen normatif des connaissances isole parmi ces dernières une classe privilégiée : les connaissances vraies se distinguent en raison de leur valeur particulière. Cette valeur même ne sera compréhensible que dans la seule mesure où les connaissances vraies ont en elles-mêmes un caractère de valeur. La vérité en elle-même est validité et, en tant que telle, elle est quelque chose ayant une valeur.

« [
] La philosophie s’occupe de la validité de ces liaisons de représentations qui, elles-mêmes indémontrables, fondent avec une évidence immédiate toute démonstration. »2 Comment (33) l’évidence immédiate des axiomes doit-elle être démontrée ? Comment, c’est-à-dire par quel chemin et selon quelle méthode ?

Sous cette forme, la position du problème est encore certes assez imprécise, mais par rapport à nos premières tentatives, tout à fait générales, elle a déjà une forme plus concrète. Il y devient à tout le moins visible que cette problématique, liée à des principes derniers et à des axiomes qui sont présupposés par chaque science particulière, en est une singulière qui ne peut jamais être l’objet d’une science particulière. Les sciences particulières se répartissent selon la multiplicité et la spécificité des connaissances. La philosophie, elle, a pour objet l’unité de ces dernières, c’est-à-dire leur sens unitaire en tant que connaissance. Quand bien même les sciences particulières se perfectionneraient encore et s’étendraient à des domaines à ce jour inconnus, quand bien même leurs frontières s’effaceraient et que toutes tendraient vers l’idéal d’une science unitaire, elles n’en demeureraient pas moins toujours des connaissances qui présupposent la question du sens de la connaissance en général et la question de la validité des axiomes qui y sont appliqués.

Comment la philosophie doit-elle démontrer leur validité ? Comment, c’est-à-dire selon quelle méthode ? Quelle est la méthode adéquate pour fonder la validité des axiomes ? Les axiomes sont supposés représenter un nouveau type de lois au sein du psychique. Il s’agit donc en premier lieu de décrire le psychique et les légalités qu’il peut receler.

Sadler

  1. Wilhelm Windelband, « Kritische oder genetische Methode ? » (1833), Präludien. Aufsätze zur Philosophie und ihrer Geschichte, vol. II, 5e édition augmentée, Tübingen, 1915, p. 108. (« Méthode critique ou méthode génétique ? », Néokantismes et théorie de la connaissance, trad. M. de Launay et C. Prompsy, Paris, Vrin, 2000, p. 235.)[↩]
  2. Ibid., p. 109 ; trad. fr. p. 235.[↩]
Excertos de

Heidegger – Fenomenologia e Hermenêutica

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