GA15:365-367 – Ereignis

Beaufret

Le séminaire, parvenu en ce lieu, entreprend de se clarifier la notion d’Ereignis.

La première remarque souligne que le mot français d’avènement est tout à fait inadéquat pour traduire Ereignis. On se replie alors sur la traduction tentée pour Temps et Être, Ereignis, l’appropriement.

Suivent des questions: quel rapport l’Ereignis entretient-il avec la différence ontologique? Comment dire l’Ereignis? Comment s’articule-t-il avec l’histoire de l’être? L’être serait-il le visage de l’Ereignis pour les Grecs ? Peut-on, enfin, dire « Sein ist durch das Ereignis ereignet » ? Réponse : oui.

Pour entrer quelque peu dans ces questions (qui restent trop difficiles tant que leur compréhension n’est pas suffisamment préparée), (454) retenons d’abord une série d’indications susceptibles de ménager des voies variées et convergentes d’accès à la question de l’Ereignis.

— Le texte à conseiller pour aborder cette question est la conférence Le Principe d’identité (Questions I, p. 257 sqq.) qu’il vaudrait mieux écouter, encore, que lire.

— L’un des bons chemins pour arriver à l’Ereignis serait de porter le regard jusque dans l’essence du Gestell (l’arraisonnement), en ce qu’il est un passage de la métaphysique à l’autre pensée (« une tête de Janus », dit le Protocole, plus haut p. 264), car le Ge-stell est essentiellement ambigu. C’est ce que disait déjà Le Principe d’identité: le Ge-stell (le dispositif, comme unité rassemblante de tous les modes du stellen, du « poser ») est achèvement et accomplissement de la métaphysique, et en même temps préparation découvrante de l’Ereignis. C’est bien pourquoi il n’est absolument pas question de voir l’avènement de la technique comme un événement négatif (mais pas davantage comme un événement positif, au sens du paradis sur terre).

— Le négatif photographique pour ainsi dire de l’Ereignis est le Gestell.

— On ne saurait arriver à penser l’Ereignis avec les concepts d’être et d’histoire de l’être; pas davantage à l’aide du grec (qu’il s’agit précisément de « dépasser »). Avec l’être, disparaît aussi la différence. Aussi faudrait-il voir de façon anticipée la continuelle référence à la différence ontologique, de 1927 à 1937, comme une impasse nécessaire.

Avec l’Ereignis, ce n’est plus grec du tout; et le plus fantastique ici, c’est que le grec continue à garder sa signification essentielle et à la fois n’arrive plus du tout à parler comme langue. La difficulté tiendrait peut-être à ce que la langue parle trop vite. D’où la tentative d’aller en Acheminement vers la parole.

(455) — Avec l’Ereignis, l’histoire de l’être est moins à son terme, qu’elle n’apparaît comme histoire de l’être. Il n’y a pas d’époque pour l’Ereignis. Das Schicken ist aus dem Ereignen (l’envoi de la destination est à partir de l’appropriement).

— On peut, certes, dire : das Ereignis ereignet das Sein (l’appropriement approprie l’être), mais en remarquant que chez les Grecs l’être n’est ni pensé, ni mis en question en tant qu’être. Le retour au grec n’a de sens que comme retour à l’être.

— Le Schritt zurück (le pas qui rétrocède de la métaphysique) a seulement le sens de rendre possible, dans le recueil de la pensée sur elle-même, un regard anticipateur sur ce qui vient. Il signifie que la pensée se reprend afin d’apercevoir dans l’essence de la technique le signe annonciateur, den verdeckenden Vorschein, la pré-apparition recouvrante de l’Ereignis lui-même.

Mitchell & Raffoul

Original

  1. Anspielung auf die Langspielplatte 33⅓ U/min, Pfullingen 1957.[↩]
Excertos de

Heidegger – Fenomenologia e Hermenêutica

Responsáveis: João e Murilo Cardoso de Castro

Twenty Twenty-Five

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