Des « antiquités » conservées au musée, des ustensiles domestiques par exemple, (380) appartiennent à un « temps passé », et pourtant ils n’en sont pas moins sous-la-main dans le « présent ». Dans quelle mesure un tel ustensile est-il historial (NT: Je traduis ici par historial (geschichtlich), bien qu’il ne s’agisse que d’un ustensile, puisque H. a en vue son « historicité » propre, par-delà son inclusion dans le passé ou le présent.), alors qu’il n’est précisément pas encore passé ? Est-ce seulement, par exemple, parce qu’il est devenu un objet d’intérêt historique, de l’étude archéologique et géographique régionale ? Mais pareil outil (Zeug) ne peut être objet historique que parce qu’en lui-même il est en quelque manière historial. La question se répète donc : de quel droit nommons-nous cet étant historial, alors qu’il n’est pourtant pas passé ? Ou bien ces « choses », quoiqu’elles soient aujourd’hui encore sous-la-main, auraient-elles, « en elles » « quelque chose de passé » ? Sont-elles encore, elles qui sont sous-la-main, ce qu’elles étaient ? Manifestement, les « choses » se sont transformées. L’ustensile, « au cours du temps », est devenu fragile, piqué. Pourtant, ce n’est pas dans cette périssabilité, qui se poursuit même pendant que la chose est sous-la-main au musée, que réside le caractère spécifique de passé qui en fait quelque chose d’historial. Mais alors, qu’est-ce donc, dans l’outil (Zeug), qui est passé ? Qu’est-ce que les « choses » étaient, qu’elles ne sont plus aujourd’hui ? Elles demeurent bel et bien cet outil (Zeug) précis d’usage – mais en tant qu’hors d’usage. Oui, mais, supposé qu’elles fussent encore aujourd’hui en usage, comme le sont de nombreux objets hérités faisant partie du ménage, seraient-elles pour cela non encore historiales ? Non : en usage ou hors d’usage, elles ne sont plus cependant ce qu’elles étaient. Qu’est-ce qui est « passé » ? Réponse : rien d’autre que le monde à l’intérieur duquel, appartenant à un complexe d’outils, elles faisaient encontre en tant qu’à-portée-de-la-main et étaient utilisées par un Dasein préoccupé, étant-au-monde. Le monde n’est plus. Mais l’intramondain qui appartenait à ce monde, lui, est encore sous-la-main. C’est en tant qu’outil (Zeug) appartenant à un monde que l’étant maintenant encore sous-la-main peut néanmoins appartenir au « passé ». Mais que signifie ce ne-plus-être du monde ? Le monde n’est que selon la guise du Dasein existant, qui est facticement comme être-au-monde (In-der-Welt-sein). EtreTemps73
L’idée de l’enquête historique comme science implique qu’elle se soit saisie de l’ouverture de l’étant historial comme d’une tâche propre. Toute science se constitue primairement par la thématisation. Ce qui, dans le Dasein comme être-au-monde (In-der-Welt-sein) ouvert, est connu préscientifiquement est projeté vers son être spécifique. Avec un tel projet se délimite la région de l’étant considéré. Les accès à lui reçoivent ainsi leur « direction » méthodique, la structure de la conceptualité de l’explicitation obtient ainsi sa pré-esquisse. Si, réservant la question de la possibilité d’une « histoire du présent », nous assignons pour tâche à l’enquête historique l’ouverture du « passé », la thématisation historique de l’histoire n’est alors possible que si en général du « passé » est à chaque fois déjà ouvert. Même abstraction faite de la question de savoir si sont disponibles des sources suffisantes pour une re-présentation du passé, il faut bel et bien qu’en général le chemin vers lui soit en général ouvert pour que le retour historique vers lui soit possible. Or le sens de telles requêtes et la possibilité d’y satisfaire sont rien moins qu’évidents. EtreTemps76