(Dubois2000)
Dans l’écoute de l’appel de la conscience, le Dasein est donc pleinement ouvert à lui-même. Il est son ouverture [81] sur le mode plénier, il est proprement le Là : angoissé, se projetant vers son être en faute, silencieux. Cette ouverture, Heidegger la nomme, en consonance avec l’ouverture du Dasein, Erschlossenheit, la résolution, Entschlossenheit. La résolution, c’est la vérité originaire du Dasein, son être dans la vérité propre, sa lucidité (Durchsichtigkeit). Aussi, le § 60 est un des sommets de Etre et Temps, et on lira avec attention la récapitulation de grand style effectuée à partir de la résolution à la page 297. Qu’est-ce qu’être résolu? Dissipons une équivoque : le Dasein est bien résolu à lui-même, dans son pouvoir être isolé, mais ceci comme être-au-monde. Autrement dit, la résolution, comme l’être pour la mort, (re)donne le monde. Elle n’est rien d’autre que l’être-au-monde existé sur un mode propre. Pas de différence quant au quid, mais quant au quomodo. Aussi bien, résolu, je suis encore auprès de l’à-portée-de-la-main, avec les autres, mais je le suis à partir de moi-même, et non pas dans l’identification préoccupé à partir de l’être-explicité-public. Ce n’est que maintenant que le propre de l’autre m’est, justement, accessible, mais parce que je sais vraiment où j’en suis avec moi-même. Ce n’est que maintenant que les tâches apparaissant à partir du monde deviennent de réelles occasions. Le Là, ouvert ainsi, devient situation. La situation est le monde tel qu’il se donne à exister, lumière des véritables sollicitations et des vraies rencontres, occasion pour une « action » véritable, en un sens de l’« agir » d’avant l’opposition entre théorie et pratique (le mot d’action est à la fois proposé et retiré par Heidegger au § 60). Dans sa vérité, et en relation avec sa rupture d’avec le On, l’existence est transfigurée. Et elle sait cette transfiguration comme telle, elle sait que sa figure quotidienne est celle du On, que sa résolution a tranché avec l’irrésolution, et est encore menacée par elle, la résolution « s’approprie proprement la non-vérité ». Mais, dira-t-on, le Dasein est résolu — à quoi? Cela, l’analytique existentiale ne peut le dire : il en va, à chaque fois, du Dasein singulier factice, qui a à se résoudre (ou « se décider ») existentiellement en fonction de son monde de fait. L’analytique existentiale ne peut en ce sens donner aucune consigne existentielle. Mais l’indétermination du [82] quid a aussi son sens dans la chose elle-même : à chaque fois, ce qui est choisi ne l’est que par le choix, comme choix, dans l’« acte » même de la résolution. L’indétermination du quid appartient essentiellement à la résolution, qui est le pouvoir même, modal, de « déterminer ». L’incertitude du quid, à chaque fois singulier, appartient à la vérité, à la lucidité du Dasein résolu.