constitution fondamentale du Dasein

Mais, demandera-t-on, la détermination jusqu’ici proposée de cette constitution d’être ne s’enferme-t-elle pas exclusivement dans des énoncés négatifs ? Nous ne cessons d’apprendre ce que cet être-à… présumé si fondamental n’est pas. Assurément. Cependant, cette prépondérance de la caractérisation négative n’est point fortuite. Elle annonce bien plutôt elle-même la spécificité du phénomène, et par là elle est positive en un sens authentique, adéquat au phénomène lui-même. Si la mise en lumière phénoménologique de l’être-au-monde (In-der-Welt-sein) a le caractère d’un rejet des dissimulations et des recouvrements, c’est parce que ce phénomène est toujours déjà « vu » en quelque manière lui-même en tout Dasein. Et s’il en est ainsi, c’est parce qu’il est une constitution fondamentale du Dasein, parce qu’il est toujours déjà ouvert avec son être pour sa compréhension d’être. Néanmoins, le phénomène, la plupart du temps, est toujours déjà aussi radicalement mésinterprété, ou interprété de manière ontologiquement insuffisante. Et pourtant cette modalité même : « voir d’une certaine façon et quand même mésinterpréter le plus souvent » ne se fonde elle-même en rien d’autre qu’en cette constitution d’être même du Dasein conformément à laquelle il se comprend de prime abord lui-même – donc aussi son être-au-monde (In-der-Welt-sein) – à partir de l’étant et de l’être de l’étant qu’il n’est pas lui-même, mais qui lui fait encontre « à l’intérieur » de son monde. EtreTemps12

Si l’être-au-monde (In-der-Welt-sein) est une constitution fondamentale du Dasein, où il se meut non pas seulement en général, mais – sur le mode de la quotidienneté (Alltäglichkeit) – de façon privilégiée, il doit donc également être toujours déjà expérimenté ontiquement. Un voilement total du phénomène serait d’autant plus inintelligible que le Dasein dispose d’une compréhension (60) d’être de lui-même, si indéterminée soit-elle. Néanmoins, dès l’instant que le « phénomène de la connaissance du monde » a été lui-même saisi, il a été soumis à une interprétation « extérieure », formelle. Un signe en est la position, encore usuelle aujourd’hui de la connaissance comme une « relation entre sujet et objet », qui contient en elle autant de « vérité » que de vide. Sujet et objet, cependant, ne coïncident point avec Dasein et monde. EtreTemps13

La réponse à la question du qui du Dasein quotidien (alltäglich) doit être conquise dans une analyse du mode d’être où le Dasein se tient de prime abord et le plus souvent. La recherche prendra donc son orientation sur l’être-au-monde (In-der-Welt-sein) en tant que constitution fondamentale du Dasein qui co-détermine tout mode de son être. Si nous avions raison de dire que l’explication précédente du monde avait également déjà fait apparaître au regard les autres moments structurels de l’être-au-monde (In-der-Welt-sein), alors cette explication doit en même temps avoir préparé d’une certaine manière la réponse à la question du qui ? EtreTemps26

Avec l’interprétation de l’être-avec (Mitsein) et de l’être-Soi-même dans le On (das Man), la question du qui de la quotidienneté (Alltäglichkeit) de l’être-l’un-avec-l’autre (Miteinandersein) a reçu réponse. En même temps, ces considérations ont apporté une compréhension concrète de la constitution fondamentale du Dasein. L’être-au-monde (In-der-Welt-sein) a été rendu visible en sa quotidienneté (Alltäglichkeit) et sa médiocrité. EtreTemps27

À son stade préparatoire, l’analytique existentiale a pour thème directeur la constitution fondamentale du Dasein, l’être-au-monde (In-der-Welt-sein). Son but prochain est le dégagement phénoménal de la structure unitaire originaire de l’être du Dasein, à partir duquel se déterminent ontologiquement ses possibilités et ses guises « d’être ». Jusqu’à maintenant, la caractérisation phénoménale de l’être-au-monde (In-der-Welt-sein) était dirigée vers le moment structurel du monde et la réponse à la question du qui de cet étant en sa quotidienneté (Alltäglichkeit). Cependant, dès notre (131) première caractérisation des tâches d’une analyse-fondamentale préparatoire du Dasein, nous avions donné une orientation anticipative sur l’être-à comme tel (NA: Cf. supra, §12 (EtreTemps12), p. 52 sq.), et mis en évidence celui-ci d’après l’exemple concret de la connaissance du monde (NA: Cf. supra, §13 (EtreTemps13), p. 59-63.). EtreTemps28

Le parler est l’articulation « signifiante » de la compréhensivité de l’être-au-monde (In-der-Welt-sein) auquel l’être-avec (Mitsein) appartient et qui se tient à chaque fois en une guise déterminée de l’être-l’un-avec-l’autre (Miteinandersein) préoccupé. Celui-ci est parlant en ce sens qu’il acquiesce, décline, requiert, avertit – en tant qu’il débat, confère, intercède – en tant encore qu’il dépose et parle au sens précis du « discours ». Le parler est parler sur… Le ce-sur-quoi du parler n’a pas nécessairement, et même le plus souvent il n’a pas le caractère du thème d’un énoncé (162) déterminant. Même un commandement porte sur…, même un souhait a son ce-sur-quoi, même l’intercession n’en est pas dépourvue. Le parler a nécessairement ce moment structurel parce qu’il co-constitue l’ouverture de l’être-au-monde (In-der-Welt-sein), et ainsi parce qu’il est préformé en sa structure propre par cette constitution fondamentale du Dasein. Ce dont il est parlé dans le parler est toujours « abordé » par lui d’un certain point de vue et dans certaines limites. Dans tout parler, il y a un parlé comme tel, à savoir le dit comme tel de tout souhait, de toute question, de tout débat sur… C’est en lui que le parler se partage (communique). EtreTemps34

Lorsque nous avons pour la première fois renvoyé à l’être-au-monde (In-der-Welt-sein) comme constitution fondamentale du Dasein, puis caractérisé ses moments structurels constitutifs, nous n’avons pas poussé au-delà de l’analyse de la constitution d’être, jusqu’à la considération phénoménale du mode d’être de celle-ci. Sans doute les modes fondamentaux possibles de l’être-à, la préoccupation (Besorgen) et la sollicitude (Fürsorge), ont-ils été décrits. Toutefois la question du mode d’être quotidien (alltäglich) de ces guises d’être est demeurée inélucidée. De plus, il est apparu que l’être-à est tout autre chose qu’un simple face-à-face considératif ou actif (avec le monde), c’est-à-dire qu’un être-ensemble-sous-la-main d’un sujet et d’un objet. Et pourtant, l’apparence devait forcément subsister que l’être-au-monde (In-der-Welt-sein) fonctionnât comme un cadre fixe à l’intérieur duquel se déroulent – sans affecter elle-même ontologiquement ce « cadre » – les possibles comportements du Dasein par rapport à son monde. Néanmoins, ce soi-disant « cadre » co-constitue lui-même le mode d’être du Dasein. Un mode existential de l’être-au-monde (In-der-Welt-sein) s’atteste dans le phénomène de l’échéance. EtreTemps38

C’est seulement en clarifiant ontologiquement le mode d’être de l’être-au-monde (In-der-Welt-sein) quotidien (alltäglich) qui perce à travers ces phénomènes que nous pouvons conquérir la détermination existentialement suffisante de la constitution fondamentale du Dasein. Quelle structure la « mobilité » de l’échéance manifeste-t-elle ? EtreTemps38

Que l’angoisse comme affection fondamentale ouvre effectivement selon cette guise, la preuve la plus immédiate nous en est à nouveau apportée par l’explicitation quotidienne (alltäglich) du Dasein et le bavardage (Gerede). L’affection, avons-nous dit en effet plus haut, manifeste « où l’on en est ». Dans l’angoisse, « c’est inquiétant », « c’est étrange ». Ici s’exprime d’abord l’indétermination spécifique de ce auprès de quoi le Dasein se trouve dans l’angoisse : le rien et nulle part. Mais ce caractère inquiétant, cette étrang(èr)eté signifie en même temps le ne-pas-être-chez-soi. En livrant la première indication phénoménale de la constitution fondamentale du Dasein et en clarifiant le sens existential de l’être-à par opposition à la signification catégoriale de l’« intériorité », nous avons déterminé le Dasein comme habiter auprès…, être familier avec… (NA: Cf. supra, §12 (EtreTemps12), p. 53 sq.) Ensuite, ce caractère de l’être-à fut manifesté plus concrètement par la publicité concrète du On, qui apporte le calme de l’auto-sécurité, l’« évidence » du « chez soi » dans la quotidienneté (Alltäglichkeit) médiocre du Dasein (NA: Cf. supra, §27 (EtreTemps27), p. 126 sq.). L’angoisse, au contraire, ramène le (189) Dasein de son identification échéante au « monde ». La familiarité quotidienne (alltäglich) se brise. Le Dasein est isolé, mais comme être-au-monde (In-der-Welt-sein). L’être-à revêt la « modalité » existentiale du hors-de-chez-soi. Ce n’est pas autre chose que veut dire l’expression d’« étrang(èr)eté ». EtreTemps40

Ces recherches préalables à une possible question ontologique de la réalité ont été conduites dans l’analytique existentiale précédente. D’après celle-ci, le connaître est un mode dérivé de l’accès au réel, qui n’est essentiellement accessible qu’en tant qu’étant intramondain. Tout accès à un tel étant est ontologiquement fondé dans la constitution fondamentale du Dasein, l’être-au-monde (In-der-Welt-sein). Celui-ci a la constitution d’être encore plus originaire du souci (être-en-avant-de-soi – être-déjà-dans-un-monde – en tant qu’être-auprès de l’étant intramondain). EtreTemps43

Si le titre de réalité désigne l’être de l’étant sous-la-main à l’intérieur du monde (res) – et il n’est pas question d’y entendre autre chose -, cela signifie pour l’analyse de ce mode d’être que l’étant intramondain ne peut être ontologiquement conçu que si le phénomène de l’intramondanéité (Weltlichkeit) est clarifié. Or celle-ci se fonde dans le phénomène du monde, qui, quant à lui, appartient en tant que moment structurel essentiel de l’être-au-monde (In-der-Welt-sein) à la constitution fondamentale du Dasein. L’être-au-monde (In-der-Welt-sein), à son tour, est ontologiquement solidaire de la totalité structurelle de l’être du Dasein, où nous avons reconnu le souci. Or ainsi sont caractérisés les fondements et les horizons dont la clarification rend seulement possible l’analyse de la réalité. Le caractère de l’en-soi, de même, ne peut devenir ontologiquement compréhensible que dans ce contexte. C’est en nous orientant sur ce contexte problématique que nos analyses antérieures ont interprété l’être de l’étant intramondain (NA: Récemment, Nicolai HARTMANN, à la suite de Scheler, a placé au fondement de sa théorie de la connaissance, qui est orientée ontologiquement, la thèse du connaître comme « relation d’être ». Cf. ses Grundzüge einer Metaphysik der Erkenntnis (Principes d’une métaphysique de la connaissance), 2ème éd. complétée, 1925. Mais Scheler comme Hartmann méconnaissent de la même manière, quelle que soit la différence séparant leurs bases de départ phénoménologiques, que l’ontologie en son orientation fondamentale traditionnelle achoppe sur le Dasein, et que la « relation d’être » (cf. supra, p. 59 sq.) renfermée dans le connaître contraint justement à sa révision fondamentale, et non pas simplement à son amélioration critique. La sous-estimation de l’influence silencieuse d’une position ontologiquement non clarifiée de la relation d’être entraîne Hartmann vers un « réalisme critique » qui, au fond, est totalement étranger au niveau même de la problématique exposée par lui. Sur la conception hartmanienne de l’ontologie, v. son étude « Wie ist kritische Ontologie überhaupt möglich ? » (« Comment l’ontologie critique est-elle en général possible ? »), dans la Festschrift Paul Natorp, 1924, p. 124 sq.). EtreTemps43

Derechef, l’être-vrai comme être-découvrant n’est possible que sur la base de l’être-au-monde (In-der-Welt-sein). Ce phénomène, où nous avons reconnu une constitution fondamentale du Dasein, est le fondement du phénomène originaire de la vérité. C’est celui-ci qu’il convient maintenant d’approfondir. EtreTemps44

La vérité comprise au sens le plus originaire appartient à la constitution fondamentale du Dasein. Ce titre désigne un existential. Mais ainsi est déjà pré-dessinée la réponse à la question du mode d’être de la vérité et du sens de la nécessité de la présupposition qu’« il y a de la vérité ». EtreTemps44

Au souci, tel qu’il forme la totalité du tout structurel du Dasein, répugne manifestement, conformément à son sens ontologique, un être-tout possible de cet étant. Car le moment primaire du souci, le « en-avant-de-soi », signifie bel et bien que le Dasein existe à chaque fois en-vue-de-soi-même. « Aussi longtemps qu’il est », jusqu’à sa fin, le Dasein se rapporte à son pouvoir-être. Même lorsque, existant encore, il n’a plus rien « devant soi », qu’il a « soldé son compte », son être est encore déterminé par le « en-avant-de-soi ». Le désespoir, par exemple, n’arrache pas le Dasein à ses possibilités, et l’attitude sans illusions de celui qui est « prêt à tout » n’abrite pas moins en elle le « en-avant-de-soi ». Ainsi, ce moment structurel du souci indique sans équivoque qu’il y a encore dans le Dasein un excédent, quelque chose qui, en tant que pouvoir-être de lui-même, n’est pas encore devenu « effectif ». Dans l’essence de la constitution fondamentale du Dasein, il y a donc un constant inachèvement. La non-totalité signifie un excédent du pouvoir-être. EtreTemps46

Il convient donc d’accomplir l’interprétation analytico-existentiale de la mort et de son caractère de fin au fil conducteur de la constitution fondamentale du Dasein jusqu’ici conquise, à savoir du phénomène du souci. EtreTemps48

À cette étude biologico-ontique de la mort, une problématique ontologique est sous-jacente. Il reste à demander comment, à partir de l’essence ontologique de la vie, se détermine (247) celle de la mort. Dans une certaine mesure, l’investigation ontique de la mort a toujours déjà tranché ce point. Des préconceptions plus ou moins clarifiées de la vie et de la mort y sont à l’œuvre. Elles ont besoin d’être pré-dessinées par l’ontologie du Dasein. En outre, à l’intérieur même de cette ontologie du Dasein préordonnée à une ontologie de la vie, l’analytique existentiale de la mort est à son tour subordonnée à une caractérisation de la constitution fondamentale du Dasein. Nous avons nommé le finir de l’être vivant le périr. Or s’il est vrai que le Dasein « a » sa mort physiologique, biologique – non point ontiquement isolée, certes, mais codéterminée par son mode d’être originaire -, qu’il peut même finir sans à proprement parler mourir, et s’il est vrai, d’un autre côté, que le Dasein en tant que tel ne périt jamais simplement, nous caractériserons ce phénomène intermédiaire par le terme de décéder, le verbe mourir étant au contraire réservé à la guise d’être en laquelle le Dasein est pour sa mort. En conséquence (Abfolge) de quoi, nous devons dire : le Dasein ne périt jamais, mais il ne peut décéder qu’aussi longtemps qu’il meurt. L’étude biologico-médicale du décéder est en mesure de dégager des résultats qui peuvent également posséder une signification ontologique, à condition du moins que soit assurée l’orientation fondamentale pour une interprétation existentiale de la mort. À moins que nous ne devions concevoir la maladie et la mort – même envisagées médicalement – primairement comme des phénomènes existentiaux ? EtreTemps49

Nos considérations sur l’excédent, la fin et la totalité ont mis en évidence la nécessité d’interpréter le phénomène de la mort comme être pour la fin à partir de la constitution fondamentale du Dasein. C’est à cette condition seulement qu’il peut nous apparaître dans quelle mesure est possible dans le Dasein lui-même, conformément à sa structure d’être, un être-tout constitué par l’être pour la fin. Or à titre de constitution fondamentale du Dasein, c’est le souci qui a été manifesté. La signification ontologique de ce terme s’exprimait dans la « définition » suivante : être-déjà-en-avant-de-soi-dans (le monde) comme être-auprès de l’étant faisant encontre (à l’intérieur du monde) (NA: Cf. supra, §41 (EtreTemps41), p. 192.). Ainsi se trouvent exprimés les caractères (250) fondamentaux de l’être du Dasein : dans le en-avant-de-soi, l’existence, dans l’être-déjà-dans…, la facticité, dans l’être-auprès…, l’échéance. Or si la mort appartient en un sens privilégié à l’être du Dasein, il faut qu’elle (ou l’être pour la fin) se laisse déterminer à partir de ces caractères. EtreTemps50

La délimitation de la structure existentiale de l’être pour la fin se tient au service de l’élaboration d’un mode d’être du Dasein où celui-ci peut être total en tant que Dasein. Que même le Dasein quotidien (alltäglich) soit à chaque fois déjà pour sa fin, autrement dit se confronte constamment, quoique « fugacement », avec sa mort, cela montre que cette fin qui conclut et détermine l’être-tout n’est nullement quelque chose où le Dasein ne ferait qu’arriver finalement lors de son décès (Ableben) (Ableben). Dans le Dasein, en tant qu’étant pour sa mort, l’extrême ne-pas-encore de lui-même, par rapport auquel tous les autres sont en retrait, est toujours déjà engagé. C’est pourquoi l’inférence formelle qui conclurait du ne-pas-encore du Dasein – qui plus est, interprété de manière ontologiquement inadéquate comme excédent – à sa nontotalité est illégitime. Le phénomène du ne-pas-encore pensé à partir du en-avant-de-soi est si peu, comme la structure de souci en général, une instance contre un être-tout existant possible que c’est cet être-en-avant-de-soi qui rend tout d’abord possible un tel être pour la fin. Le problème de l’être-tout possible du Dasein que nous sommes à chaque fois nousmêmes ne demeure donc légitime que si le souci comme constitution fondamentale du Dasein est pensé en « connexion » avec la mort comme possibilité extrême de cet étant. EtreTemps52

Dans le dire-Je, le Dasein s’exprime comme être-au-monde (In-der-Welt-sein). Est-ce à dire cependant que le dire-Je quotidien (alltäglich) se vise comme étant-au-monde ? Il faut ici distinguer : certes, le Dasein, disant-Je, vise l’étant qu’il est à chaque fois lui-même ; seulement l’auto-explicitation quotidienne (alltäglich) a tendance à se comprendre à partir du « monde » offert à la préoccupation (Besorgen). Dans sa visée ontique de soi, (le Dasein) se méprend au sujet du mode d’être de l’étant qu’il est lui-même. Et cela vaut éminemment de la constitution fondamentale du Dasein, de l’être-au-monde (In-der-Welt-sein) (NA: Cf. supra, §§12 (EtreTemps12) et 13, p. 52 sq.). EtreTemps64

Notre prochaine tâche est, par-delà l’analyse temporelle du pouvoir-être authentique du Dasein et une caractérisation générale de la temporalité du souci, de rendre visible l’inauthenticité du Dasein en sa temporalité spécifique. La temporalité s’est tout d’abord manifestée dans la résolution devançante. Elle est le mode authentique de l’ouverture, qui le plus souvent se tient dans l’inauthenticité de l’auto-explicitation échéante du On. La caractérisation de la temporalité de l’ouverture en général conduit à la compréhension temporelle de l’être-au-monde (In-der-Welt-sein) préoccupé prochain, et, du même coup, de l’indifférence médiocre du Dasein, où l’analytique existentiale avait d’abord pris son point de départ (NA: Cf. supra, §9 (EtreTemps9), p. 43.). Le (332) mode d’être moyen du Dasein, où il se tient de prime abord et le plus souvent, nous l’avions nommé la quotidienneté (Alltäglichkeit). Or, grâce à la répétition de l’analyse antérieure, il faut que se dévoile le sens temporel de la quotidienneté (Alltäglichkeit) pour que la problématique incluse dans la temporalité vienne au jour et que l’apparente « évidence » des analyses préparatoires achève de se dissiper. La temporalité, sans doute, doit se confirmer dans toutes les structures essentielles de la constitution fondamentale du Dasein. Toutefois, cette confirmation ne conduit pas pour autant à une re-traversée schématique extérieure des analyses antérieures dans l’ordre où elles ont été accomplies. Le cours de l’analyse temporelle, qui est autrement orienté, doit préciser la cohérence des considérations antérieures et en éliminer le reste de contingence ou d’apparent arbitraire. Par ailleurs, indépendamment de ces nécessités méthodiques, apparaîtront au sein du phénomène lui-même des motifs supplémentaires d’imposer une articulation nouvelle à notre analyse répétitive. EtreTemps66

Pour ramener sous le regard phénoménologique les phénomènes conquis dans l’analyse préparatoire, un renvoi aux stades parcourus par celle-ci sera ici suffisant. La délimitation du souci a résulté de l’analyse de l’ouverture qui constitue l’être du « Là ». La clarification de ce phénomène signifiait l’interprétation provisoire de la constitution fondamentale du Dasein, l’être-au-monde (In-der-Welt-sein). C’est par la caractérisation de celui-ci que la recherche s’était engagée, afin d’assurer dès le départ, à l’encontre des pré-déterminations ontologiques inadéquates, quoique le plus souvent implicites, du Dasein, un horizon phénoménal suffisant. De prime abord, l’être-au-monde (In-der-Welt-sein) a été caractérisé par rapport au phénomène du monde, ce qui n’empêche que l’explication est partie de la caractérisation ontico-ontologique de l’étant à-portée-de-la-main et sous-la-main « dans » le monde ambiant pour s’acheminer jusqu’au dégagement de l’intramondanéité (Weltlichkeit), afin de rendre visible en celle-ci le phénomène de la mondanéité (Weltlichkeit) en général. Cependant, la structure de la mondanéité (Weltlichkeit) – la significativité (Bedeutsamkeit) – s’est révélée solidaire de ce vers-quoi le comprendre appartenant essentiellement à l’ouverture se projette – du pouvoir-être du Dasein, en-vue-de-quoi il existe. EtreTemps67

Le laisser-retourner de la préoccupation (Besorgen) fondé par la temporalité est une compréhension encore tout à fait préontologique, non-thématique de la tournure (Bewandtnis) et de l’être-à-portée-de-la-main. Dans quelle mesure finalement la temporalité fonde également la compréhension de ces déterminations d’être comme telles, cela sera montré dans la suite. Auparavant, il convient de mettre encore plus concrètement en évidence la temporalité de l’être-au-monde (In-der-Welt-sein). Dans cette intention, nous suivrons la « formation » de la conduite théorique vis-à-vis du « monde » à partir de la préoccupation (Besorgen) circon-specte pour l’à-portée-de-la-main. La découverte circon-specte, aussi bien que théorique, de l’étant intramondain est fondée sur l’être-au-monde (In-der-Welt-sein). L’interprétation temporalo-existentiale de celle-là préparera donc la caractérisation temporelle de cette constitution fondamentale du Dasein. EtreTemps69

Le projet scientifique de l’étant qui fait à chaque fois déjà encontre d’une manière ou d’une autre fait comprendre son mode d’être expressément, et cela de telle sorte que du même coup deviennent manifestes les voies possibles conduisant à la pure découverte de l’étant intramondain. Le tout de ce projeter, auquel appartiennent l’articulation de la compréhension d’être, la délimitation – guidée par elle – du domaine réal et la pré-esquisse de la conceptualité adéquate à l’étant, nous le nommons la thématisation. Elle vise à une libération de l’étant rencontré à l’intérieur du monde permettant à celui-ci de s’« ob-jeter » à un pur découvrir, c’est-à-dire de devenir objet. La thématisation objective. Elle ne « pose » pas tout d’abord l’étant, mais le libère de telle manière qu’il devient « objectivement » interrogeable et déterminable. L’être objectivant auprès du sous-la-main intramondain a le caractère d’une présentification privilégiée (NA: La thèse selon laquelle toute connaissance tend à l’« intuition » a le sens temporel suivant : tout connaître est présentifier. Toute science, ou même toute connaissance philosophique tend-elle à un présentifier ? La question doit demeurer encore indécise. – HUSSERL utilise l’expression « présentifier » pour caractériser la perception sensible : cf. Recherches logiques, 1ère éd., 1901, t. II, p. 588 et 620. Une telle détermination « temporelle » du phénomène ne pouvait pas ne pas s’imposer à l’analyse intentionnelle de la perception et de l’intuition. Que et comment l’intentionnalité de la « conscience (Gewissen) » se fonde sinon à son tour dans la temporalité ekstatique du Dasein, c’est ce que montrera notre prochaine section.). Celle-ci se distingue avant tout du présent de la circon-spection en ceci que la découverte de la science concernée est uniquement attentive à l’être-découvert du sous-la-main. Ce s’attendre à l’être-découvert se fonde existentiellement en une résolution du Dasein par laquelle il se projette vers le pouvoir-être dans la « vérité ». Ce projet est possible parce que l’être-dans-la-vérité constitue une détermination d’existence du Dasein. Nous n’avons pas à poursuivre ici plus avant l’origine de la science à partir de l’existence authentique. Tout ce qu’il convient actuellement de comprendre, c’est que, et comment la thématisation de l’étant intramondain a pour présupposition la constitution fondamentale du Dasein, l’être-au-monde (In-der-Welt-sein). EtreTemps69

Grâce à la reconduction de l’être-au-monde (In-der-Welt-sein) à l’unité ekstatico-horizontale de la temporalité a été rendue intelligible la possibilité ontologico-existentiale de cette constitution fondamentale du Dasein. En même temps, il apparaît que l’élaboration concrète de la structure du monde en général et de ses possibles modifications ne peut être entreprise que si l’ontologie de l’étant intramondain possible est orientée de façon suffisamment sûre sur une idée clarifiée de l’être en général. Mais l’interprétation possible de cette idée requiert préalablement le dégagement de la temporalité du Dasein, au service duquel se trouve notre caractérisation actuelle de l’être-au-monde (In-der-Welt-sein). EtreTemps69

L’analyse de la temporalité de la préoccupation (Besorgen) a montré que les structures essentielles de la constitution fondamentale du Dasein, qui avaient été interprétées avant le dégagement de la temporalité et avec l’intention d’introduire à celle-ci, doivent elles-mêmes être existentialement reprises dans la temporalité. À son point de départ, l’analytique n’avait pas choisi pour thème une possibilité déterminée, insigne d’existence du Dasein, mais elle s’orientait sur la guise inapparente, moyenne de son exister. Nous appelons le mode d’être où le Dasein se tient de prime abord et le plus souvent, la quotidienneté (Alltäglichkeit) (NA: Cf. supra, §9 (EtreTemps9), p. 42 sq.). EtreTemps71

Bien que la préoccupation (Besorgen) du temps puisse s’accomplir, suivant le mode indiqué de la datation, à partir d’événements du monde ambiant, elle s’accomplit cependant toujours déjà dans l’horizon de cette préoccupation (Besorgen) fondamentale du temps que nous connaissons au titre du calcul astronomique et calendaire du temps. Celui-ci ne survient pas fortuitement, mais il a sa nécessité ontologico-existentiale dans la constitution fondamentale du Dasein comme souci. EtreTemps80