o projetado
what has been projected
ce qui est projeté
ce qui a été projeté
N11 Au terme de ces cinq alinéas difficiles (al. 1-5), et dans le prolongement de la note N6 ci-dessus, reprenons (avec quelques modifications lexicales et de syntaxe personnelles) pour partie le commentaire d’Alexander Schnell (AS, pages 85-86), lequel permet de comprendre ces deux dernières phrases : « Projeter exprime d’abord un mouvement : de quelque part vers quelque part. Ce mouvement n’est pas celui d’un projetant vers un projeté. En effet, nous devons distinguer entre quatre modalités : 1°) le fait de projeter (Entwerfen) ; 2°) le projetant (Entwerfendes) ; 3°) ce qui est projeté (Entworfenes) et 4°) la projection (Entwurf). Il apparaîtra alors qu’il y a une différence entre ce que met en jeu la projection et cette projection elle-même (différence qui correspond à celle entre le fait pour le Dasein en situation de projeter et l’être de cette projection.
Plaçons-nous d’abord au niveau du Dasein en situation. Heidegger fait, au sein de la projection, la distinction entre ce qui est projeté et ce ‘d’après-quoi’ (woraufhin) la projection projette. Ce dernier est le sens, c’est-à-dire cela même à partir de quoi ce qui est projeté peut être conçu dans ses possibilités comme ce qu’il est (pour le Dasein, comme on le verra, ces possibilités, en effet, ne sont pas abstraites, mais ce sont celles du Dasein lui-même). Soulignons que ce qui projette ce sens (ou ce qui se projette vers ce sens), Heidegger ne l’appelle pas le projetant mais le projeté, ce qui veut dire que le Dasein n’est pas l’origine absolue de cette projection mais qu’il est lui-même projeté (et il faut qu’il en soit ainsi, car, depuis le début de Sein und Zeit, Heidegger avait insisté sur le fait que le Dasein est projection ‘ayant été lancée’ (geworfener Entwurf). Retenons donc ce premier point : au sein de la projection, le Dasein, qui ‘a été lancé’, se projette sur le sens.
Heidegger précise alors la teneur ontologique de chacun de ces pôles : ce qui est projeté (ce qui ‘a été lancé’), c’est l’être du Dasein, et ce ‘d’après-quoi’ il se projette, c’est le sens (du Dasein), le ‘d’après-quoi’ de la projection. Or, cet être du Dasein, le projeté (l’‘être-ayant-été-lancé’), est la ‘projection primordiale de la Compréhension de ‘être’ et le sens qu’elle « donne » est le ‘d’après-quoi’ de cette projection. » (ETJA:§65 al. 1-5)