La question du sens de l’être ne devient en général possible que si est quelque chose comme la compréhension de l’être. Au mode d’être de l’étant que nous appelons Dasein appartient la compréhension de l’être. Plus l’explication de cet étant parvenait à s’accomplir adéquatement et originairement, et plus le cours ultérieur de l’élaboration du problème fondamental-ontologique était assuré d’atteindre le but.
En exécutant les tâches d’une analytique existentiale préparatoire du Dasein, nous avons été conduit à interpréter le comprendre, le sens et l’explicitation. En outre, l’analyse de l’ouverture du Dasein a montré qu’avec celle-ci, le Dasein, conformément à sa constitution fondamentale d’être-au-monde, est cooriginairement dévoilé du point de vue du monde, de l’être-à et du Soi-même. De plus, dans l’ouverture factice du monde, de l’étant intramondain est co-découvert. Ce qui implique ceci : l’être de cet étant est d’une certaine manière toujours déjà compris, même s’il n’est pas conçu ontologiquement de façon adéquate. La compréhension préontologique d’être embrasse certes tout étant qui est essentiellement ouvert [201] dans le Dasein, mais la compréhension d’être elle-même ne s’est pas encore pour autant articulée selon les divers modes d’êtres.
En même temps, l’interprétation du comprendre nous a montré que celui-ci, de prime abord et le plus souvent, s’est déplacé, conformément au mode d’être de l’échéance, vers le comprendre du « monde ». Même là où il y va non pas d’une expérience ontique, mais d’une compréhension ontologique, l’explicitation de l’être prend de prime abord son orientation sur l’être de l’étant intramondain. Du coup, l’être de l’étant de prime abord à-portée-de-la-main est manqué, et l’étant est d’abord conçu comme complexe chosique sous-la-main (res). L’être reçoit le sens de la réalité [1]. La déterminité fondamentale de l’être devient la substantialité. Conformément à ce déplacement de la compréhension d’être, le comprendre ontologique du Dasein entre lui aussi dans l’horizon de ce concept de l’être. Le Dasein, comme tout autre étant, est réellement sous-la-main. Ainsi est-ce bien l’être en général qui prend le sens de la réalité. Par suite, le concept de réalité va obtenir dans la problématique ontologique une primauté spécifique. Celle-ci barre le chemin d’une analytique existentiale authentique du Dasein, et même elle fait déjà obstacle à tout regard sur l’être de l’étant de prime abord à-portée-de-la-main à l’intérieur du monde. Finalement, elle entraîne la problématique ontologique en général dans une direction aberrante. Les autres modes d’être sont désormais déterminés négativement et privativement par rapport à la seule réalité.
C’est pourquoi non seulement l’analytique du Dasein, mais encore l’élaboration de la question du sens de l’être en général doit être détachée de cette orientation unilatérale sur l’être au sens de réalité. Une chose doit être avant tout montrée : la réalité n’est pas seulement un mode d’être parmi d’autres, mais elle se tient ontologiquement dans une certaine connexion de dérivation avec le Dasein, le monde et l’être-à-portée-de-la-main. Cette monstration exige une élucidation fondamentale du problème de la réalité, de ses conditions et de ses limites.
Sous le titre de « problème de la réalité » se pressent des questions différentes : 1. celle de savoir si l’étant prétendu « transcendant à la conscience » est en général ; 2. celle de savoir si cette réalité du « monde extérieur » peut être suffisamment prouvée ; 3. celle de savoir dans quelle mesure cet étant, s’il est réel, est connaissable en son être-en-soi ; 4. celle de savoir, enfin, ce que le sens de cet étant, la réalité, signifie en général. Notre élucidation du problème [202] de la réalité traitera, dans la perspective de la question fondamental-ontologique, des trois aspects suivants : a) la réalité comme problème de l’être et de la démonstrabilité du « monde extérieur » ; b) la réalité comme problème ontologique ; c) la réalité et le souci.