Geltung
Dans la mesure où l’être constitue le questionné et où être veut dire être de l’étant, c’est l’étant lui-même qui apparaît comme l’interrogé de la question de l’être. C’est lui qui, pour ainsi dire, a à répondre de son être. Mais s’il doit pouvoir révéler sans falsification les caractères de son être, il faut alors que, de son côté, il soit d’abord devenu accessible tel qu’il est en lui-même. Du point de vue de son interrogé, la question de l’être exige l’obtention et la consolidation préalable du mode correct d’accès à l’étant. Seulement, nous appelons « étant » beaucoup de choses, et dans beaucoup de sens. Étant : tout ce dont nous parlons, tout ce que [7] nous visons, tout ce par rapport à quoi nous nous comportons de telle ou telle manière — et encore ce que nous sommes nous-mêmes, et la manière dont nous le sommes. L’être se trouve dans le « que » et le « quid », dans la réalité, dans l’être-sous-la-main, dans la subsistance, dans la validité, dans l’être-là [existence], dans le « il y a ». Sur quel étant le sens de l’être doit-il être déchiffré, dans quel étant la mise à découvert de l’être doit-elle prendre son départ ? Ce point de départ est-il arbitraire, ou bien un étant déterminé détient-il une primauté dans l’élaboration de la question de l’être ? Quel est cet étant exemplaire et en quel sens a-t-il une primauté ? [EtreTemps2]
Gültigkeit
La théorie du « jugement » qui s’oriente aujourd’hui de manière prépondérante sur le phénomène de la « validité » n’appelle pas ici de discussion détaillée. Qu’il nous suffise de souligner le caractère hautement problématique de ce phénomène de la « validité », qu’il est courant depuis Lotze de présenter comme un « phénomène originaire » irréductible. En fait, il ne doit de jouer un si grand rôle qu’à son obscurité ontologique, la « problématique » qui s’est développée autour de cette idole verbale n’étant guère plus claire. La validité, en effet, [156] désigne d’une part la « forme » d’effectivité qui revient à la teneur du jugement pour autant qu’elle subsiste immuable par opposition au processus « psychique », donc muable, de la judication. Si l’on considère l’état de la question de l’être tel qu’il a été caractérisé dans l’introduction à ce livre, on ne s’attendra guère à voir la « validité » en tant qu’« être idéal » briller d’une clarté ontologique particulière. D’autre part, la validité désigne en même temps la validité du sens judicatif valide de l’« objet » visé dans le jugement, et rejoint ainsi le sens de « validité objective » [objektiver Gültigkeit] et d’objectivité en général. Enfin, ce sens qui « vaut » ainsi de l’étant et qui vaut en lui-même « intemporellement » « vaut » une fois encore au sens d’un valoir pour tout sujet jugeant rationnellement. La validité signifie donc maintenant le caractère obligatoire, l’« universalité ». Que l’on professe en plus une théorie « critique » de la connaissance, suivant laquelle le sujet ne « déborde » pas « véritablement » jusqu’à l’objet, et alors la validité prise au sens de validité d’objet, d’objectivité se trouvera fondée sur la réalité valide du sens vrai (!). Ces trois significations du « valoir » — manière d’être de l’idéal, objectivité, force obligatoire — ne sont pas seulement opaques en elles-mêmes, mais encore elles ne cessent d’aggraver mutuellement leur confusion. La prudence méthodique exige par conséquent de s’abstenir de prendre ce genre de concepts miroitants pour fil conducteur d’une interprétation. Bien loin de restreindre d’abord le concept de sens à la signification de « teneur du jugement », nous le comprenons comme le phénomène existential — plus haut caractérisé — où devient en général visible la structure formelle de l’étant ouvrable dans le comprendre et articulable dans l’explicitation. [EtreTemps33]