§39 (EtreTemps39)-. La question de la totalité originaire du tout structurel du Dasein. EtreTemps39
Dans quelle mesure, avec cette interprétation existentiale de l’angoisse, un sol phénoménal a-t-il été conquis pour la résolution de la question de l’être de la totalité du tout structurel du Dasein ? EtreTemps40
Pour saisir ontologiquement la totalité du tout structurel du Dasein, nous devons d’abord poser la question suivante : le phénomène de l’angoisse, avec ce qui s’ouvre en lui, est-il capable de nous donner phénoménalement le tout du Dasein de manière suffisamment cooriginaire pour que le regard qui en cherche la totalité puisse se remplir dans cette donnée ? La réalité globale de ce que cette donnée inclut peut être enregistrée dans l’énumération formelle suivante : le s’angoisser est, en tant qu’affection, une guise de l’être-au-monde (In-der-Welt-sein) ; le devant-quoi de l’angoisse est l’être-au-monde (In-der-Welt-sein) jeté; le en-vue-de-quoi de l’angoisse est le pouvoir-être-au-monde (In-der-Welt-sein). Par suite, le phénomène plein de l’angoisse manifeste le Dasein comme être-au-monde (In-der-Welt-sein) existant facticement. Les caractères ontologiques fondamentaux de cet étant sont l’existentialité, la facticité et l’être-échu. Ces déterminations existentiales n’appartiennent pas comme des morceaux à une totalité à laquelle l’un d’entre eux pourrait parfois faire défaut, mais en elles règne une connexion originaire qui constitue la totalité cherchée du tout structurel. Dans l’unité des déterminations d’être citées du Dasein, l’être de celui-ci devient comme tel ontologiquement saisissable. Comment cette unité elle-même doit-elle être caractérisée ? EtreTemps41
Au souci, tel qu’il forme la totalité du tout structurel du Dasein, répugne manifestement, conformément à son sens ontologique, un être-tout possible de cet étant. Car le moment primaire du souci, le « en-avant-de-soi », signifie bel et bien que le Dasein existe à chaque fois en-vue-de-soi-même. « Aussi longtemps qu’il est », jusqu’à sa fin, le Dasein se rapporte à son pouvoir-être. Même lorsque, existant encore, il n’a plus rien « devant soi », qu’il a « soldé son compte », son être est encore déterminé par le « en-avant-de-soi ». Le désespoir, par exemple, n’arrache pas le Dasein à ses possibilités, et l’attitude sans illusions de celui qui est « prêt à tout » n’abrite pas moins en elle le « en-avant-de-soi ». Ainsi, ce moment structurel du souci indique sans équivoque qu’il y a encore dans le Dasein un excédent, quelque chose qui, en tant que pouvoir-être de lui-même, n’est pas encore devenu « effectif ». Dans l’essence de la constitution fondamentale du Dasein, il y a donc un constant inachèvement. La non-totalité signifie un excédent du pouvoir-être. EtreTemps46
Mais si l’être pour la mort appartient originairement et essentiellement à l’être du Dasein, alors il doit nécessairement aussi – bien que de prime abord inauthentiquement – pouvoir être mis en lumière dans la quotidienneté (Alltäglichkeit). Et si l’être pour la fin devait même offrir la possibilité existentiale pour un être-tout existentiel du Dasein, il en résulterait une confirmation phénoménale de cette thèse : le souci est le titre ontologique de la totalité du tout structurel du Dasein. Toutefois, une pré-esquisse de la connexion entre être pour la mort et souci ne suffit pas à la justification phénoménale complète de cette proposition. Cette connexion, c’est avant tout dans la concrétion prochaine du Dasein, dans sa quotidienneté (Alltäglichkeit), qu’elle doit devenir visible. EtreTemps50
L’unité des moments constitutifs du souci, c’est-à-dire de l’existentialité, de la facticité et de l’être-échu, a rendu possible la première délimitation ontologique de la totalité du tout structurel du Dasein. La structure du souci a été portée à la formule existentiale suivante : (317) être-déjà-en-avant-de-soi-dans (un monde) en tant qu’être-auprès (de l’étant faisant encontre à l’intérieur du monde). La totalité de la structure du souci ne procède nullement d’un accouplement de ces deux éléments, et pourtant elle est articulée (NA: Cf. supra, §41 (EtreTemps41), p. 191 sq.). Nous avons dû apprécier en quelle mesure ce résultat ontologique satisfaisait aux requêtes d’une interprétation originaire du Dasein (NA: Cf. supra, §45 (EtreTemps45), p. 231 sq.). Et ce qu’a établi cette méditation, c’est que ni le Dasein en son tout ni son pouvoir-être authentique n’avait encore été pris pour thème. Néanmoins, notre tentative de saisir phénoménalement le Dasein total a semblé justement échouer sur la structure du souci. Le en-avant-de-soi se donnait à nous comme un ne-pas-encore. Le en-avant-de-soi caractérisé au sens d’un excédent, cependant, s’est dévoilé à la considération authentiquement existentiale comme être pour la fin que tout Dasein est dans le fond de son être. De même, nous avons montré que le souci, dans l’appel de la conscience (Gewissen), con-voque le Dasein à son pouvoir-être le plus propre. La compréhension de l’ad-vocation (An-ruf) s’est manifestée – comprise originairement – comme résolution devançante, laquelle renferme en soi un pouvoir-être-tout authentique du Dasein. La structure du souci ne parle pas contre un être-tout possible, mais elle est la condition de possibilité d’un tel pouvoir-être existentiel. Au cours de l’analyse, il est apparu clairement que dans le phénomène du souci sont ancrés les phénomènes existentiaux de la mort, de la conscience (Gewissen) et de la dette. L’articulation de la totalité du tout structurel est devenue encore plus riche, et, du même coup, la question existentiale de l’unité de cette totalité encore plus urgente. EtreTemps64
La caractérisation de la « connexion » entre souci et ipséité n’avait pas seulement pour but la clarification du problème particulier de l’égoité, mais devait servir d’ultime préparation à la saisie phénoménale de la totalité du tout structurel du Dasein. Il est besoin de la discipline immuable du questionnement existential si nous voulons empêcher que le mode d’être du Dasein ne se pervertisse finalement, pour le regard ontologique, en un mode, fût-il tout à fait indifférent, de l’être-sous-la-main. Le Dasein devient « essentiel » dans l’existence authentique, laquelle se constitue comme résolution devançante. Ce mode de l’authenticité du souci contient le maintien de Soi-même et la totalité originaires du Dasein. C’est en un regard non dispersé, existentialement compréhensif sur elle que doit s’accomplir la libération du sens ontologique de l’être du Dasein. EtreTemps65