L’analyse de la temporalité de la préoccupation (Besorgen) s’en tient de prime abord au mode de l’avoir-à-faire circon-spect avec l’à-portée-de-la-main. Par suite, elle s’attache à la possibilité temporalo-existentiale de la modification de la préoccupation (Besorgen) circon-specte en découverte « sans plus » a-visante de l’étant intramondain au sens de certaines possibilités de la recherche scientifique. L’interprétation de la temporalité de l’être circon-spect, aussi bien que de l’être théoriquement préoccupé auprès de l’à-portée-de-la-main et du sous-la-main intramondain montre en même temps comment cette même temporalité est d’emblée déjà la condition de posspossibilité de l’être-au-monde (In-der-Welt-sein) où se fonde en général l’être-auprès de l’étant intramondain. L’analyse thématique de la constitution temporelle de l’être-au-monde (In-der-Welt-sein) conduit aux questions suivantes : de quelle manière quelque chose comme le monde est-il en général possible, en quel sens le monde est-il, qu’est-ce que le monde transcende, et comment, comment l’étant intramondain « indépendant » est-il « lié » au monde transcendant ? L’exposition ontologique de ces questions n’équivaut pas encore à leur solution. En revanche, elle apporte la clarification d’emblée nécessaire des structures par rapport auxquelles le problème de la (352) transcendance demande d’être posé. L’interprétation temporalo-existentiale de l’être-au-monde (In-der-Welt-sein) considère les trois points suivants : a) la temporalité de la préoccupation (Besorgen) circon-specte ; b) le sens temporel de la modification de la préoccupation (Besorgen) circon-specte en connaissance théorique du sous-la-main intramondain ; c) le problème temporel de la transcendance du monde. EtreTemps69
a) La temporalité de la préoccupation (Besorgen) circon-specte. EtreTemps69
Comment obtenir l’orientation du regard requise par l’analyse de la temporalité de la préoccupation (Besorgen) ? Nous avons appelé l’être préoccupé auprès du « monde » l’usage dans et avec le monde ambiant (NA: Cf. supra, §15 (EtreTemps15), p. 66 sq.). Comme phénomènes exemplaires de l’être auprès…, nous avions choisi l’utilisation, le maniement, la production de l’à-portée-de-la-main et leurs modes déficients et indifférents, autrement dit l’être auprès de ce qui appartient au besoin quotidien (alltäglich) (NA: Cf. supra, §12 (EtreTemps12), p. 56 sq.). Même l’existence authentique du Dasein se tient en une telle préoccupation (Besorgen) – et cela même lorsque celle-ci lui demeure « indifférente ». Ce n’est point l’à-portée-de-la-main dont le Dasein se préoccupe qui cause la préoccupation (Besorgen), de telle manière que celle-ci ne prendrait naissance que sous l’influence de l’étant intramondain. Il n’est pas plus possible d’expliquer ontiquement l’être-auprès de l’à-portée-de-la-main à partir de celui-ci que de dériver inversement celui-ci à partir de celui-là. Toutefois, la préoccupation (Besorgen) en tant que mode d’être du Dasein et l’étant dont il se préoccupe en tant qu’à-portée-de-la-main intramondain ne sont pas non plus simplement ensemble sous-la-main, ce qui n’empêche qu’il existe entre eux une « connexion ». Le avec-quoi bien compris de l’usage jette sur l’usage préoccupé lui-même une lumière. Inversement, le manquement de la structure phénoménale de l’avec-quoi de l’usage a pour conséquence (Abfolge) une méconnaissance de la constitution existentiale de celui-ci. Certes, pour l’analyse de l’étant qui fait de prime abord encontre, cela représente un gain essentiel que de ne pas passer par-dessus le caractère spécifique d’outil (Zeug) de cet étant. Mais il est plus important encore de comprendre que l’usage préoccupé ne séjourne jamais auprès d’un outil (Zeug) isolé. L’utilisation, le maniement d’un outil (Zeug) déterminé demeure comme tel orienté sur un complexe d’outils. Supposons par exemple que nous cherchions un outil (Zeug) « égaré » : bien loin que la chose cherchée soit alors simplement ou primairement visée dans un « acte » isolé, c’est tout l’orbe du complexe d’outils qui est déjà pré-découvert. Tout « procéder », tout « s’emparer » ne se heurte pas de but en blanc à un outil (Zeug) prédonné isolément, mais il revient toujours du monde d’ouvrage à chaque fois déjà ouvert dans cet emparement vers un outil (Zeug) particulier. EtreTemps69
Le présentifier s’attendant-conservant constitue la familiarité conformément à laquelle le Dasein comme être-l’un-avec-l’autre (Miteinandersein) s’y « reconnaît » dans le monde ambiant public. Nous comprenons existentialement le laisser-retourner comme un laisser-« être ». C’est sur sa base que l’à-portée-de-la-main peut faire encontre (begegnen) à la circon-spection comme l’étant qu’il est. Par suite, nous pouvons éclairer encore plus avant la temporalité de la préoccupation (Besorgen) si nous prenons garde à ces modes du laisser-faire-encontre circon-spect qui ont été caractérisés auparavant (NA: Cf. supra, §16 (EtreTemps16), p. 72 sq.) comme imposition, insistance et saturation. L’outil (Zeug) à-portée-de-la-main, considéré en son « en-soi véritable », ne fait justement pas encontre à un percevoir thématique de choses, mais dans la non-imposition de ce qui se laisse trouver dans l’« évidence » de son « objectivité ». Mais lorsque dans le tout de cet étant quelque chose s’impose alors apparaît du même coup la possibilité que la totalité d’outils s’impose comme telle. Comment le laisser-retourner doit-il être existentialement structuré pour pouvoir laisser faire encontre (begegnen) quelque chose qui s’impose ? La question ne vise plus maintenant des incitations factices infléchissant l’attention vers quelque chose de prédonné, mais le sens ontologique de cette possibilité d’inflexion comme telle. EtreTemps69
L’analyse de la temporalité de la préoccupation (Besorgen) a montré que les structures essentielles de la constitution fondamentale du Dasein, qui avaient été interprétées avant le dégagement de la temporalité et avec l’intention d’introduire à celle-ci, doivent elles-mêmes être existentialement reprises dans la temporalité. À son point de départ, l’analytique n’avait pas choisi pour thème une possibilité déterminée, insigne d’existence du Dasein, mais elle s’orientait sur la guise inapparente, moyenne de son exister. Nous appelons le mode d’être où le Dasein se tient de prime abord et le plus souvent, la quotidienneté (Alltäglichkeit) (NA: Cf. supra, §9 (EtreTemps9), p. 42 sq.). EtreTemps71
Parce que le Dasein, par essence, existe en tant que jeté de manière échéante, il explicite son temps, en s’en préoccupant, selon la guise d’un calcul du temps. En celui-ci se temporalise la (412) « véritable » publication du temps, de telle sorte qu’il faut dire que l’être-jeté du Dasein est le fondement permettant qu’« il y ait » publiquement du temps. Afin d’assurer à la monstration de l’origine du temps public à partir de la temporalité factice toute son intelligibilité possible, nous étions tenus de caractériser d’abord en général le temps explicité dans la temporalité de la préoccupation (Besorgen), ne serait-ce que pour mettre en évidence que l’essence de la préoccupation (Besorgen) du temps ne réside pas dans l’application de déterminations numériques lors de la datation. EtreTemps80