destaque
A ontologia do Dasein de Heidegger reapropria-se destas análises aristotélicas [da Ética a Nicômaco], ao mesmo tempo que as metamorfoseia criticamente. Heidegger retoma a distinção aristotélica entre techne, como um modo de descoberta que ilumina a produção de artefactos ou efeitos determinados, e phronesis, como um modo de descoberta que ilumina a conduta da vida. Por outras palavras, concorda com Aristóteles que a arte é um modo de descoberta adaptado à produção de obras ou efeitos intramundanos, enquanto a phronesis é um modo de descoberta adaptado à praxis, ou seja, à existência humana. Mas ele reapropria-se desta distinção ontologizando-a em relação ao modo de ser do Dasein. Daí a distinção entre, por um lado, o modo de ser quotidiano e público do Dasein, preocupado com outros objetivos que não ele próprio, que procura alcançar através de utensílios ou meios geralmente manejáveis, um modo de ser informado por uma visão pragmática do meio envolvente, e, por outro lado, um modo de ser que consiste, para o Dasein, em tomar em consideração a sua própria existência mortal, que é, em última análise, para Heidegger, a do Gewissen como conhecimento íntimo de si mesmo e da resolução como assunção decidida do seu ser-para-o-fim.
original
L’ontologie heideggerienne du Dasein se réapproprie, en même temps qu’elle les métamorphose critiquement, ces analyses aristotéliciennes. Heidegger reprend à son compte la distinction aristotélicienne entre la techne, comme mode de découvrement éclairant la production d’artefacts ou d’effets déterminés, et la phronesis, comme mode de découvrement éclairant la conduite de la vie. En d’autres mots, il s’accorde avec Aristote pour penser que l’art est un mode de découvrement adapté à la production d’œuvres ou d’effets intramondains, tandis que la phronesis est un mode de découvrement adapté à la praxis, c’est-à-dire à l’existence humaine. Mais il se réapproprie cette distinction en l’ontologisant eu égard au mode d’être du Dasein. D’où résulte la distinction entre, d’une part, le mode d’être quotidien et public du Dasein, préoccupé par des buts autres que lui-même, qu’il cherche à atteindre par des ustensiles ou des moyens maniables en général, mode d’être éclairé par une vue pragmatique sur des alentours, et, d’autre part, un mode d’être qui consiste pour le Dasein à prendre en vue sa propre existence mortelle, laquelle vue est en définitive, pour Heidegger, celle du Gewissen comme science intime de soi et de la résolution comme assomption décidée de (172) son être-vers-la-fin. Autrement dit, la praktische Umsicht de la quotidienneté est la version heideggerienne de la techne aristotélicienne. De même, le Gewissen et la résolution forment la métamorphose existentiale de la phronesis aristotélicienne. De même enfin, l’Umwillen seiner, l’être-à-dessein-de-soi du Dasein est la version existentiale du hou heneka aristotélicien.
La réappropriation heideggerienne maintient également le privilège aristotélicien de la theoria, mais elle en métamorphose la teneur ontologique. Les cours de Marbourg soulignent que ce qui est en jeu dans le concept aristotélicien de la theoria, plus précisément de la sophia qui en est la forme la plus haute, c’est la science de l’être en tant qu’être. Cependant, soulignent-ils encore, cette science, chez Aristote, tend à se confondre avec la science de l’étant suprême. Il en résulte qu’aux yeux de Heidegger, les analyses aristotéliciennes pâtissent ontologiquement d’une équivoque et d’une indétermination. Équivoque car la science de l’être, l’ontologie, tend à se confondre avec la science du divin, la théologie. A cette équivoque onto-théologique s’ajoute une indétermination quant au sens de « être ». Pour Aristote, lu par Heidegger, le sens de « être » est limité à l’ousia, à la présence au sens de la tenue devant nos mains, la Vorhandenheit, une présence dont le privilège implique qu’un seul mode du temps, le présent, soit pris en considération ontologiquement, et que, par le fait même, le mode d’être du Dasein s’amalgame à celui de la nature.
Le but de l’ontologie fondamentale est de lever à la fois l’équivoque et l’indétermination. Elle prétend lever l’équivoque onto-théologique en montrant, par déconstruction, que le premier moteur divin est un concept dérivé de la quotidienneté préoccupée, au sein de laquelle le savoir-faire du Dasein, sa techne, son art, en tant que dévoilement circonspect et prospectif d’un environnement, requiert la permanence, la stable persistance d’une nature sur laquelle il puisse faire fond. Mais cet intérêt, cette fascination, pour la permanence ne sont rien d’autre, pour le Dasein, selon Heidegger, qu’une manière d’échapper à son être propre, de déchoir de son existence mortelle, du projet de soi dont elle est en souci, et donc de la temporalité existentiale axée sur la possibilité d’être en propre, possibilité qui est à-venir, et non sur l’effectivité qui est (173) actuelle. C’est précisément en accordant statut originaire et authentique à ce temps fini de l’existence que l’ontologie fondamentale entend lever l’indétermination qui grève le sens de l’être lorsqu’il se limite à la pure et simple présence. C’est par rapport à la temporalité ek-statique de l’existence qu’elle entend montrer que les différents sens de « être » — tels vivre, survenir comme événement, subsister, etc. — sont autant de dérivés.