structure d’être

L’être, en tant que thème fondamental de la philosophie, n’est pas un genre d’étant, et pourtant il concerne tout étant. Son « universalité » doit être cherchée plus haut. Être et structure d’être excèdent tout étant et toute déterminité (Bestimmtheit) étante possible d’un étant. L’être est le transcendens par excellence. La transcendance de l’être du Dasein est une transcendance insigne, dans la mesure où en elle réside la possibilité et la nécessité de la plus radicale individuation. Toute mise à jour de l’être comme transcendens est connaissance transcendantale. La vérité phénoménologique (ouverture de l’être) est veritas transcendantalis. EtreTemps7

Dans le Dasein lui-même, au Dasein lui-même cette constitution d’être est toujours déjà en quelque manière « bien connue ». Or à partir du moment où elle doit être effectivement (59) connue, la connaissance expresse – en tant que connaissance du monde – se prend justement elle-même pour relation exemplaire de l’« âme » au monde (NT: Phrase « lourde » dans l’original, et en même temps trop expressive pour qu’on ait cru devoir la « refaire ». Heidegger parle du phénomène de la « connaissance du monde » presque comme d’une personne qui se fait passer pour ou « pose à » (sich nehmen zu… ) – en l’occurrence au « modèle » de tout être-au-monde (In-der-Welt-sein) possible. Comme c’est ici – comme toujours – de la modalité propre du phénomène qu’il s’agit, il est impossible d’affaiblir ce genre d’énoncés dans un sens métaphorique, et, par conséquent, de les traduire de manière autre que littérale.). La connaissance du monde (noein) ou l’advocation et la discussion du « monde » (logos) fonctionne par conséquent comme le mode primaire de l’être-au-monde (In-der-Welt-sein) sans que celui-ci soit conçu comme tel. Or comme cette structure d’être demeure ontologiquement inaccessible, mais qu’elle est expérimentée ontiquement comme « relation » entre un étant (monde) et un autre étant (âme), comme enfin l’être est de prime abord compris grâce au point d’appui ontologique de l’étant en tant qu’intramondain, l’on tentera de concevoir cette relation entre les étants cités sur la base de ces étants et conformément au sens de leur être, bref comme être-sous-la-main. L’être-au-monde (In-der-Welt-sein), bien qu’expérimenté et connu préphénoménologiquement, est rendu invisible par une interprétation ontologiquement inadéquate. On ne connaît plus maintenant cette constitution d’être – non sans la considérer comme quelque chose d’« évident » – que sous l’empreinte à elle imposée par l’interprétation inadéquate. Dès lors, elle deviendra ensuite le point de départ « évident » pour les problèmes de théorie de la connaissance ou de « métaphysique de la connaissance ». Car quoi de plus « évident » qu’un tel rapport d’un « sujet » à un « objet », et inversement ? Ce « rapport sujet-objet » doit nécessairement être présupposé. Néanmoins il demeure une présupposition parfaitement fatale, bien que, ou parce qu’inattaquable en sa facticité tant que sa nécessité ontologique et avant tout son sens ontologique sont laissés dans l’ombre. EtreTemps12

C’est le moment structurel « monde » que, dans l’être-au-monde (In-der-Welt-sein), il convient en premier lieu de manifester. L’exécution de cette tâche paraît facile et si triviale que l’on croit encore et toujours en être dispensé. Qu’est-ce que cela peut bien vouloir dire : décrire « le monde » comme phénomène ? Faire voir ce qui se montre, en fait d’« étant », à l’intérieur du monde. Le premier pas sera donc une énumération de ce qu’il y a « dans » le monde : des maisons, des arbres, des hommes, des montagnes, des astres. Nous pouvons dépeindre l’« aspect » de cet étant et raconter ce qui survient en lui et avec lui. Cependant, tout cela reste à l’évidence une « affaire » pré-phénoménologique, qui ne peut prétendre à aucune pertinence phénoménologique. La description reste attachée à l’étant. Elle est ontique. Mais c’est l’être qui est cherché. Le « phénomène » au sens phénoménologique a été déterminé formellement comme ce qui se montre en tant qu’être et structure d’être. EtreTemps14

Notre interprétation provisoire de la structure d’être de l’étant à-portée-de-la-main (des « outils ») a mis en évidence le phénomène du renvoi ; elle l’a fait, cependant, de manière si schématique que nous avions en même temps souligné la nécessité de mettre à découvert ce phénomène, d’abord simplement indiqué, en sa provenance ontologique. De plus, il est apparu que le renvoi et la totalité de renvois devaient en un certain sens être constitutifs de la mondanéité (Weltlichkeit) elle-même. Le monde, en effet, nous ne l’avons vu jusqu’ici que luire dans et pour des guises déterminées de la préoccupation (Besorgen) pour l’étant à-portée-de-la-main dans le monde ambiant, plus précisément avec l’être-à-portée-de-la-main de cet étant. Par suite, plus (77) nous pénétrerons dans la compréhension de l’être de l’étant intramondain, et plus s’élargira et se consolidera le sol phénoménal pour la libération du phénomène du monde. EtreTemps17

Le « renvoyer » comme montrer se fonde bien plutôt dans la structure d’être de l’outil (Zeug), dans son utilité pour… Celle-ci ne fait pas encore d’un étant un signe. L’outil (Zeug) « marteau » est constitué lui aussi par une utilité, mais il ne devient pas pour autant un signe. Le « renvoi » d’ordre monstratif est la concrétion ontique du pour… d’une utilité et destine un outil (Zeug) à celui-ci. Le renvoi « utilité pour… », au contraire, est une déterminité (Bestimmtheit) ontologico-catégoriale de l’outil (Zeug) comme outil (Zeug). Que le pour-quoi de l’utilité trouve dans le montrer sa concrétion, cela est accidentel à la constitution d’outil (Zeug) en tant que telle. Grâce à cet exemple du signe, se manifeste déjà de manière grossière la différence séparant le renvoi comme utilité et le renvoi comme montrer. L’un et l’autre coïncident si peu que c’est seulement dans leur unité qu’ils rendent possible la concrétion d’une espèce déterminée d’outil (Zeug). Mais aussi sûrement le (79) montrer est radicalement différent du renvoyer comme constitution d’outil (Zeug), aussi incontestablement le signe a derechef un rapport spécifique, et même insigne, au mode d’être du complexe d’outils à chaque fois à-portée-de-la-main dans le monde ambiant et à la mondialité (Weltmässigkeit) qui lui est propre. L’outil (Zeug) de monstration a dans l’usage préoccupé un emploi privilégié. Néanmoins, il ne saurait suffire, au point de vue ontologique, de constater simplement ce fait. Le fondement, le sens de ce privilège doivent être éclaircis. EtreTemps17

Le Dasein est un étant pour lequel, en son être, il y va de cet être même. Le « aller de… » s’est clarifié dans la constitution d’être du comprendre comme être qui se projette vers le pouvoir-être le plus propre. C’est en-vue-de celui-ci que le Dasein est à chaque fois comme il est. Le Dasein, en son être, s’est à chaque fois déjà confronté avec une possibilité de lui-même. L’être-libre vers le pouvoir-être le plus propre et, du même coup, vers la possibilité de l’authenticité et de l’inauthenticité se manifeste dans l’angoisse en une concrétion originaire, élémentaire. Or l’être pour le pouvoir-être le plus propre veut dire ontologiquement : le Dasein est, en son être, à chaque fois déjà en avant de lui-même. Le Dasein est toujours déjà (192) « au-delà de soi », non pas en tant que comportement vis-à-vis d’un autre étant qu’il n’est pas, mais en tant qu’être pour le pouvoir-être qu’il est lui-même. Cette structure d’être du « y aller de… » essentiel, nous la saisissons comme l’être-en-avant-de-soi du Dasein. EtreTemps41

Nos considérations sur l’excédent, la fin et la totalité ont mis en évidence la nécessité d’interpréter le phénomène de la mort comme être pour la fin à partir de la constitution fondamentale du Dasein. C’est à cette condition seulement qu’il peut nous apparaître dans quelle mesure est possible dans le Dasein lui-même, conformément à sa structure d’être, un être-tout constitué par l’être pour la fin. Or à titre de constitution fondamentale du Dasein, c’est le souci qui a été manifesté. La signification ontologique de ce terme s’exprimait dans la « définition » suivante : être-déjà-en-avant-de-soi-dans (le monde) comme être-auprès de l’étant faisant encontre (à l’intérieur du monde) (NA: Cf. supra, §41 (EtreTemps41), p. 192.). Ainsi se trouvent exprimés les caractères (250) fondamentaux de l’être du Dasein : dans le en-avant-de-soi, l’existence, dans l’être-déjà-dans…, la facticité, dans l’être-auprès…, l’échéance. Or si la mort appartient en un sens privilégié à l’être du Dasein, il faut qu’elle (ou l’être pour la fin) se laisse déterminer à partir de ces caractères. EtreTemps50