sens temporel

C’est à partir d’elle seulement que la totalité structurelle articulée de l’être du Dasein comme souci devient existentialement intelligible. Néanmoins, l’interprétation du sens d’être du Dasein ne peut s’en tenir à cette indication. L’analyse temporalo-existentiale de cet étant a besoin de confirmation concrète. Les structures ontologiques du Dasein antérieurement conquises doivent être rétrospectivement libérées quant à leur sens temporel. La quotidienneté [Alltäglichkeit] se dévoile comme mode de la temporalité. Mais par cette répétition de l’analyse-fondamentale préparatoire du Dasein, d’autre part, c’est en même temps le phénomène de la temporalité qui [235] devient lui-même plus transparent. À la lumière de celle-ci, il devient ensuite possible de comprendre pourquoi le Dasein est et peut être historial au fond de son être, et pourquoi en tant qu’historial il est capable d’élaborer une enquête historique. EtreTemps45

Le en-avant-de-soi se fonde dans l’avenir. L’être-déjà-dans annonce en lui-même l’être-été. L’être-auprès… est rendu possible dans le présentifier. Néanmoins il nous est ici interdit, d’après ce qui vient d’être dit, de saisir le « avant » du « en-avant » et le « déjà » à partir de la compréhension vulgaire du temps. Le « en-avant » ne désigne pas un « devant » au sens du « maintenant-pas-encore… mais plus tard »; tout aussi peu le « déjà » signifie-t-il un « plus-maintenant… mais plus tôt ». Si les expressions « en-avant » et « déjà » avaient cette signification temporelle – que du reste elles peuvent aussi avoir -, parler de temporalité du souci reviendrait à dire qu’il est quelque chose qui est tout à la fois « plus tôt » et « plus tard », « pas encore » et « plus ». Le souci serait alors conçu comme un étant qui survient et se déroule « dans le temps ». L’être d’un étant avant le caractère du Dasein deviendrait un sous-la-main. Or si c’est là chose impossible, il faut que la signification temporelle des expressions citées soit autre. Le « avant » du « en-avant » indique l’avenir tel qu’il rend en général pour la première fois possible que le Dasein soit de telle manière qu’il y aille pour lui de son pouvoir-être. Le se-projeter, fondé dans l’avenir, vers le « en-vue-de soi-même » est un caractère d’essence de l’existentialité. Le sens primaire de celle-ci est l’avenir. [328] De même, le « déjà » désigne le sens d’être temporel existential de l’étant qui, pour autant qu’il est, est à chaque fois déjà jeté. C’est seulement parce que le souci se fonde dans l’être-été que le Dasein peut exister comme l’étant jeté qu’il est. « Aussi longtemps que » le Dasein existe facticement, il n’est jamais passé, mais il est bel et bien toujours déjà été au sens du «je suis-été ». Et il ne peut être été qu’aussi longtemps qu’il est. Nous qualifions au contraire de passé un étant qui n’est plus sous-la-main. Par suite, le Dasein, tandis qu’il existe, ne peut jamais se constater comme un fait sous-la-main qui naît et passe « avec le temps » et qui est déjà partiellement passé. Le Dasein ne « se trouve » jamais que comme fait jeté. Dans l’affection, le Dasein est assailli par lui-même comme l’étant que, étant encore, il était déjà, c’est-à-dire qui est constamment été. Le sens existential primaire de la facticité réside dans l’être-été. Par les expressions « en-avant » et « déjà », notre formulation de la structure du souci indique le sens temporel de l’existentialité et de la facticité. EtreTemps65

Notre prochaine tâche est, par-delà l’analyse temporelle du pouvoir-être authentique du Dasein et une caractérisation générale de la temporalité du souci, de rendre visible l’inauthenticité du Dasein en sa temporalité spécifique. La temporalité s’est tout d’abord manifestée dans la résolution devançante. Elle est le mode authentique de l’ouverture, qui le plus souvent se tient dans l’inauthenticité de l’auto-explicitation échéante du On. La caractérisation de la temporalité de l’ouverture en général conduit à la compréhension temporelle de l’être-au-monde [In-der-Welt-sein] préoccupé prochain, et, du même coup, de l’indifférence médiocre du Dasein, où l’analytique existentiale avait d’abord pris son point de départ [NA: Cf. supra, §9 [EtreTemps9], p. [43].]. Le [332] mode d’être moyen du Dasein, où il se tient de prime abord et le plus souvent, nous l’avions nommé la quotidienneté [Alltäglichkeit]. Or, grâce à la répétition de l’analyse antérieure, il faut que se dévoile le sens temporel de la quotidienneté [Alltäglichkeit] pour que la problématique incluse dans la temporalité vienne au jour et que l’apparente « évidence » des analyses préparatoires achève de se dissiper. La temporalité, sans doute, doit se confirmer dans toutes les structures essentielles de la constitution fondamentale du Dasein. Toutefois, cette confirmation ne conduit pas pour autant à une re-traversée schématique extérieure des analyses antérieures dans l’ordre où elles ont été accomplies. Le cours de l’analyse temporelle, qui est autrement orienté, doit préciser la cohérence des considérations antérieures et en éliminer le reste de contingence ou d’apparent arbitraire. Par ailleurs, indépendamment de ces nécessités méthodiques, apparaîtront au sein du phénomène lui-même des motifs supplémentaires d’imposer une articulation nouvelle à notre analyse répétitive. EtreTemps66

L’interprétation temporelle du Dasein quotidien [alltäglich] doit prendre pour point de départ les structures où se constitue l’ouverture, à savoir : le comprendre, l’affection, l’échéance et le [335] parler. Les modes de temporalisation de la temporalité à libérer par rapport à ces phénomènes livrent le sol sur lequel déterminer la temporalité de l’être-au-monde [In-der-Welt-sein]. Ce qui ramène de façon nouvelle au phénomène du monde et permet une délimitation de la problématique spécifiquement temporelle de la mondanéité [Weltlichkeit]. Cette problématique doit nécessairement se confirmer grâce à la caractérisation de l’être-au-monde [In-der-Welt-sein] quotidien [alltäglich] prochain, à savoir la préoccupation [Besorgen] échéante-circon-specte. La temporalité de celle-ci rend possible la modification de la circon-spection en accueil a-visant, ainsi qu’en la connaissance théorique qui s’y fonde. La temporalité de l’être-au-monde [In-der-Welt-sein] qui se dégage sous cette figure se manifeste en même temps comme le fondement de la spatialité spécifique du Dasein. La constitution temporelle de l’é-loignement [Entfernung] et de l’orientation doit être mise en évidence. Le tout de ces analyses dévoile une possibilité de temporalisation de la temporalité où se fonde ontologiquement l’inauthenticité du Dasein, et conduit à la question de savoir comment doit être compris le caractère temporel de la quotidienneté [Alltäglichkeit], le sens temporel de ce « de prime abord et le plus souvent » dont il a été fait jusqu’ici un constant usage. La fixation de ce problème met en évidence que et dans quelle mesure la clarification jusqu’ici atteinte du phénomène est insuffisante. EtreTemps67

Le présent chapitre s’articulera donc comme suit : la temporalité de l’ouverture en général (§68 [EtreTemps68]) ; la temporalité de l’être-au-monde [In-der-Welt-sein] et le problème de la transcendance (§69 [EtreTemps69]) ; temporalité de la spatialité propre au Dasein (§70 [EtreTemps70]) ; le sens temporel de la quotidienneté [Alltäglichkeit] du Dasein (§71 [EtreTemps71]). EtreTemps67

La résolution que nous avons caractérisée quant à son sens temporel représente une ouverture authentique du Dasein. Celle-ci constitue un étant de manière telle que, en existant, il peut être lui-même son « Là ». Cependant, le souci n’a été caractérisé en son sens temporel que dans ses traits fondamentaux. Mettre en lumière sa constitution temporelle concrète, cela signifie interpréter temporellement le détail de ses moments structurels, c’est-à-dire le comprendre, l’affection, l’échéance et le parler. Tout comprendre à sa tonalité. Toute affection est compréhensive. Le comprendre affecté a le caractère de l’échéance. Le comprendre intoné de manière échéante s’articule quant à sa compréhensivité dans le parler. La constitution temporelle des phénomènes cités reconduit à chaque fois à cette unique temporalité qui permet de garantir l’unité structurelle possible du comprendre, de l’affection, de l’échéance et du parler. EtreTemps68

Le comprendre inauthentique se temporalise comme ce s’attendre présentifiant à l’unité [339] ekstatique duquel doit nécessairement appartenir un être-été correspondant. L’ad-venir à soi authentique de la résolution devançante est en même temps un re-venir au Soi-même le plus propre, jeté dans son isolement. C’est cette ekstase qui rend possible que le Dasein, en se résolvant, assume l’étant qu’il est déjà. Dans le devancement, le Dasein se ramène et se reconduit devant le pouvoir-être le plus propre. Nous appelons l’être-été authentique la répétition. Mais le se-projeter inauthentique vers les possibilités puisées dans l’objet de préoccupation [Besorgen] tandis que celui-ci est présentifié n’est possible qu’autant que le Dasein s’est oublié en son pouvoir-être jeté le plus propre. Un tel oubli n’est pas rien, ni seulement le défaut du souvenir, mais un mode ekstatique propre, « positif » de l’être-été. L’ekstase (échappée) de l’oubli a le caractère d’un désengagement fermé à soi-même devant l’«été » le plus propre, de telle sorte que ce désengagement devant… referme ekstatiquement le devant-quoi et, avec lui, soi-même. L’oubli comme être-été inauthentique se rapporte ainsi à l’être jeté et propre ; il est le sens temporel du mode d’être conformément auquel je suis été de prime abord et le plus souvent. Et c’est seulement sur la base de cet oubli que le présentifier qui se préoccupe et s’attend peut conserver – à savoir conserver l’étant qui n’est pas à la mesure du Dasein [Daseinsmässig], mais fait encontre dans le monde ambiant. À ce conserver correspond une non-conservation, qui représente un « oubli » au sens dérivé. EtreTemps68

Commençons l’analyse par la mise en lumière de la temporalité de la peur [NA: Cf. supra, §30 [EtreTemps30], p.[140] sq.]. Elle a été caractérisée comme une affection inauthentique. Or dans quelle mesure le sens existential qui la rend possible est-il l’être-été ? Quelle modalité de cette ekstase caractérise-t-elle la temporalité spécifique de la peur ? Celle-ci est un prendre-peur devant un redoutable qui, importun pour le pouvoir-être factice du Dasein, fait approche – selon la guise qu’on a décrite – dans l’orbe de l’à-portée-de-la-main dont il se préoccupe et du sous-la-main. Le prendre-peur ouvre, selon la guise de la circon-spection quotidienne [alltäglich], une menace. Un sujet purement intuitionnant serait incapable de découvrir quelque chose de tel. Mais cet ouvrir propre au prendre-peur devant… n’est-il pas un laisser-ad-venir-à-soi ? N’a-t-on pas pu déterminer à bon droit la peur comme l’attente d’un mal à venir (malum futurum) ? Le sens temporel primaire de la peur n’est-il pas l’avenir – et rien moins que l’être-été ? Incontestablement, le prendre-peur ne se « rapporte » pas seulement à « de l’avenir » si l’on prend ce mot au sens de ce qui ne fait qu’advenir « dans le temps », mais ce se-rapporter lui-même est a-venant dans un sens temporel originaire. Manifestement, un s’attendre appartient conjointement à la constitution temporalo-existentiale de la peur. Mais cela signifie d’abord tout au plus que la temporalité de la peur est une temporalité inauthentique. Le prendre-peur devant… n’est-il que l’attente d’une menace qui vient ? Mais l’attente d’une menace qui vient n’a pas besoin d’être déjà de la peur, et elle l’est si peu que le caractère tonal spécifique de la peur lui fait précisément défaut. Car ce caractère consiste en ce que le s’attendre de la peur laisse le menaçant re-venir vers le pouvoir-être facticement préoccupé. Or je ne puis m’attendre au menaçant comme revenant vers l’étant que je suis, autrement dit le Dasein ne peut être menacé que si le vers-quoi de ce retour vers… est déjà en général ekstatiquement ouvert. Que le s’attendre apeuré prenne-peur pour « soi », autrement dit que le prendre-peur de… soit toujours un prendre-peur pour…, cela implique le caractère de tonalité et d’affect de la peur. Son sens temporalo-existential est constitué par un s’oublier : le désengagement égaré devant le pouvoir-être factice propre en lequel l’être-au-monde [In-der-Welt-sein] menacé se préoccupe de [342] l’à-portée-de-la-main. Aristote détermine à juste titre la peur comme lupe tis he tarake, comme un être-oppressé ou un égarement [NA: Cf. Rhet. B 5, 1382 a 21.]. L’être-oppressé ramène de force le Dasein à son être-jeté, mais de telle manière que celui-ci soit précisément refermé. L’égarement se fonde dans un oubli. Le désengagement oublieux devant un pouvoir-être factice, résolu, s’en tient aux possibilités de salut et d’esquive qui, préalablement, ont déjà été découvertes par la circon-spection. La préoccupation [Besorgen] qui prend-peur, parce qu’elle s’oublie et ainsi ne s’empare d’aucune possibilité déterminée, saute du prochain au prochain. Toutes les possibilités « possibles », donc aussi impossibles, s’offrent. Celui qui prend-peur ne se tient à aucune d’elles, le « monde ambiant » ne disparaît pas, mais il fait encontre de telle sorte que l’on ne s’y reconnaît plus. Au s’oublier de la peur appartient ce présentifier égaré du plus proche quelconque. Il est bien connu, par exemple, que les habitants d’une maison en flammes « sauvent » souvent les choses les plus indifférentes, ce qui est immédiatement à-portée-de-leur-main. La présentification oublieuse de soi d’un fouillis de possibilités flottantes rend possible l’égarement qui constitue le caractère de tonalité de la peur. L’oubli de l’égarement modifie aussi le s’attendre, et le caractérise comme ce s’attendre oppressé ou égaré qui se distingue d’une attente pure. EtreTemps68

L’in-signifiance du monde ouverte dans l’angoisse dévoile la nullité [Nichtigkeit] de l’étant de la préoccupation [Besorgen], c’est-à-dire l’impossibilité de se projeter vers un pouvoir-être de l’existence qui serait primairement fondé en lui. Mais le dévoilement de cette impossibilité laisse en même temps luire la possibilité d’un pouvoir-être authentique. Or quel sens temporel ce dévoilement a-t-il ? L’angoisse s’angoisse pour le Dasein nu, en tant que jeté dans l’étrang(èr)eté. Elle reporte au pur « que » de l’être-jeté isolé le plus propre. Ce re-port ne présente pas le caractère d’un oubli qui esquive, mais pas non plus celui d’un souvenir. D’autre part, l’angoisse inclut tout aussi peu déjà une assomption répétitrice de l’existence dans la décision. En revanche, l’angoisse re-porte à l’être-jeté comme être-jeté répétable possible. Et de ce fait, elle dévoile conjointement la possibilité d’un pouvoir-être authentique qui, dans la répétition, doit revenir en tant qu’ad-venant vers le Là jeté. Transporter devant la répétabilité, telle est la modalité ekstatique spécifique de l’être-été qui constitue l’affection de l’angoisse. EtreTemps68

Mais cette thèse de la temporalité des tonalités, demandera-t-on, ne vaut-elle pas peut-être seulement des phénomènes que nous avons choisi d’analyser ? Comment, dans l’a-tonie blafarde qui règne dans la « grisaille quotidienne [alltäglich] », pourrait-on découvrir un sens temporel ? Et qu’en est-il de la temporalité de tonalités et d’affects comme l’espoir, la joie, l’enthousiasme, la sérénité radieuse ? Que non seulement la peur et l’angoisse, mais encore d’autres tonalités se fondent existentialement dans un être-été, c’est ce qui apparaît si l’on évoque simplement des phénomènes comme le dégoût, la tristesse, la mélancolie, le désespoir. Leur interprétation, du reste, doit être située sur la base élargie d’une analytique existentiale élaborée du Dasein. Cependant, même un phénomène comme l’espoir, qui semble être entièrement fondé dans l’avenir, doit être analysé de manière analogue à la peur. On a pu caractériser l’espoir, à la différence de la peur, qui se rapporte à un malum futurum, comme l’attente d’un bonum futurum. Cependant, ce qui est décisif pour la structure du phénomène, ce n’est pas tant le caractère « avenant » de ce à quoi l’espoir se rapporte que bien plutôt le sens existential de l’espérer lui-même. Ici aussi, son caractère de tonalité réside en ce qu’il est espérer-pour-soi. Celui qui espère s’emporte pour ainsi dire lui-même dans l’espoir, il se confronte à ce qu’il espère. Or cela suppose qu’il se soit gagné. Que l’espoir, par opposition à l’anxiété oppressante, soulage, cela indique simplement que cette affection demeure elle aussi rapportée à la charge sur le mode de l’être-été. Une tonalité exaltée, ou mieux exaltante, n’est possible ontologiquement qu’en un rapport temporalo-ekstatique du Dasein au fondement jeté de lui-même. EtreTemps68

Les caractères de l’échéance qui ont été mis au jour : tentation, rassurement, [348] extranéation et auto-captation, signifient, quant à leur sens temporel, que le présentifier « ré-sultant », conformément à sa tendance ekstatique, cherche à se temporaliser à partir de lui-même. Le Dasein se prend à ses rets – cette détermination a un sens ekstatique. L’échappée de l’existence au sein du présentifier ne signifie assurément pas que le Dasein se délie de son Moi et de son Soi-même. Même dans le présentifier le plus extrême, il demeure temporel, c’est-à-dire s’attendant, oubliant. Même en présentifiant, le Dasein se comprend encore, quand bien même il est extranéé de son pouvoir-être le plus propre, qui se fonde primairement dans l’avenir et l’être-été authentiques. Mais dans la mesure où le présentifier offre du toujours « nouveau », il ne laisse pas le Dasein revenir vers soi, et le rassure constamment de nouveau. Mais ce rassurement renforce derechef la tendance au ré-sulter. Ce qui « produit » la curiosité, ce n’est point l’immensité sans fin de ce qui n’est pas encore vu, mais bien le mode échéant de temporalisation du présent ré-sultant. Même lorsqu’on a tout vu, la curiosité invente justement encore du nouveau. EtreTemps68

L’analyse de la temporalité de la préoccupation [Besorgen] s’en tient de prime abord au mode de l’avoir-à-faire circon-spect avec l’à-portée-de-la-main. Par suite, elle s’attache à la possibilité temporalo-existentiale de la modification de la préoccupation [Besorgen] circon-specte en découverte « sans plus » a-visante de l’étant intramondain au sens de certaines possibilités de la recherche scientifique. L’interprétation de la temporalité de l’être circon-spect, aussi bien que de l’être théoriquement préoccupé auprès de l’à-portée-de-la-main et du sous-la-main intramondain montre en même temps comment cette même temporalité est d’emblée déjà la condition de possibilité de l’être-au-monde [In-der-Welt-sein] où se fonde en général l’être-auprès de l’étant intramondain. L’analyse thématique de la constitution temporelle de l’être-au-monde [In-der-Welt-sein] conduit aux questions suivantes : de quelle manière quelque chose comme le monde est-il en général possible, en quel sens le monde est-il, qu’est-ce que le monde transcende, et comment, comment l’étant intramondain « indépendant » est-il « lié » au monde transcendant ? L’exposition ontologique de ces questions n’équivaut pas encore à leur solution. En revanche, elle apporte la clarification d’emblée nécessaire des structures par rapport auxquelles le problème de la [352] transcendance demande d’être posé. L’interprétation temporalo-existentiale de l’être-au-monde [In-der-Welt-sein] considère les trois points suivants : a) la temporalité de la préoccupation [Besorgen] circon-specte ; b) le sens temporel de la modification de la préoccupation [Besorgen] circon-specte en connaissance théorique du sous-la-main intramondain ; c) le problème temporel de la transcendance du monde. EtreTemps69

b) Le sens temporel de la modification de la préoccupation [Besorgen] circon-specte en découverte théorique du sous-la-main intramondain. EtreTemps69

Le projet scientifique de l’étant qui fait à chaque fois déjà encontre d’une manière ou d’une autre fait comprendre son mode d’être expressément, et cela de telle sorte que du même coup deviennent manifestes les voies possibles conduisant à la pure découverte de l’étant intramondain. Le tout de ce projeter, auquel appartiennent l’articulation de la compréhension d’être, la délimitation – guidée par elle – du domaine réal et la pré-esquisse de la conceptualité adéquate à l’étant, nous le nommons la thématisation. Elle vise à une libération de l’étant rencontré à l’intérieur du monde permettant à celui-ci de s’« ob-jeter » à un pur découvrir, c’est-à-dire de devenir objet. La thématisation objective. Elle ne « pose » pas tout d’abord l’étant, mais le libère de telle manière qu’il devient « objectivement » interrogeable et déterminable. L’être objectivant auprès du sous-la-main intramondain a le caractère d’une présentification privilégiée [NA: La thèse selon laquelle toute connaissance tend à l’« intuition » a le sens temporel suivant : tout connaître est présentifier. Toute science, ou même toute connaissance philosophique tend-elle à un présentifier ? La question doit demeurer encore indécise. – HUSSERL utilise l’expression « présentifier » pour caractériser la perception sensible : cf. Recherches logiques, 1ère éd., 1901, t. II, p. 588 et 620. Une telle détermination « temporelle » du phénomène ne pouvait pas ne pas s’imposer à l’analyse intentionnelle de la perception et de l’intuition. Que et comment l’intentionnalité de la « conscience [Gewissen] » se fonde sinon à son tour dans la temporalité ekstatique du Dasein, c’est ce que montrera notre prochaine section.]. Celle-ci se distingue avant tout du présent de la circon-spection en ceci que la découverte de la science concernée est uniquement attentive à l’être-découvert du sous-la-main. Ce s’attendre à l’être-découvert se fonde existentiellement en une résolution du Dasein par laquelle il se projette vers le pouvoir-être dans la « vérité ». Ce projet est possible parce que l’être-dans-la-vérité constitue une détermination d’existence du Dasein. Nous n’avons pas à poursuivre ici plus avant l’origine de la science à partir de l’existence authentique. Tout ce qu’il convient actuellement de comprendre, c’est que, et comment la thématisation de l’étant intramondain a pour présupposition la constitution fondamentale du Dasein, l’être-au-monde [In-der-Welt-sein]. EtreTemps69

[370] §71 [EtreTemps71]-. Le sens temporel de la quotidienneté [Alltäglichkeit] du Dasein. EtreTemps71

Si l’histoire appartient à l’être du Dasein, et si cet être se fonde dans la temporalité, il s’impose naturellement de commencer l’analyse existentiale de l’historialité par les caractères de l’historial qui présentent manifestement un sens temporel. Par suite, il faut qu’une caractérisation plus aiguë de la remarquable primauté du « passé » dans le concept d’histoire prépare l’exposition de la constitution fondamentale de l’historialité. EtreTemps73

Parce que la temporalité de l’être-au-monde [In-der-Welt-sein] factice possibilise originairement l’ouverture de l’espace, et que le Dasein spatial s’est à chaque fois assigné un « ici » à sa mesure à partir d’un « là-bas » découvert, le temps dont le Dasein se préoccupe en sa temporalité est à chaque fois lié, du point de vue de sa databilité, à un lieu du Dasein. Non que le temps soit rattaché à un lieu : bien plutôt la temporalité est-elle la condition de possibilité qui permet que la datation puisse se lier au spatio-local, et cela de telle sorte que celui-ci soit obligeant, à titre de mesure, pour tout un chacun. Loin que le temps soit après coup accouplé à l’espace, cet « espace » soi disant accouplable à lui ne fait encontre que sur la base de la temporalité préoccupée du temps. Conformément à la fondation de l’horloge et du comput du temps dans la temporalité du Dasein qui constitue cet étant comme historial, il est possible de montrer dans quelle mesure l’usage des horloges est lui-même ontologiquement historial, et comment toute l’horloge « a » comme telle une « histoire » [NA: Nous ne pouvons ici nous engager dans le problème de la mesure du temps en théorie de la relativité. L’éclaircissement des fondements ontologiques de cette mesure présuppose déjà une clarification du temps du monde et de l’intratemporalité à partir de la temporalité du Dasein, et tout aussi bien la mise au jour de la constitution temporalo-existentiale de la découverte de la nature et du sens temporel de la mesure en général. Une axiomatique de la technique physique de la mesure repose sur ces recherches, et elle est par elle-même incapable de déployer le problème du temps comme tel.]. EtreTemps80