entspringen [SZ]
La curiosité est une tendance d’être privilégiée du Dasein, conformément à laquelle il se préoccupe d’un pouvoir-voir [NA: Cf. supra, §36 [EtreTemps36], p. [170] sq.]. « Voir » n’est pas ici restreint, pas plus que le concept de vue, au percevoir par les « yeux du corps ». L’accueillir, pris au sens large, laisse l’à-portée-de-la-main et le sous-la-main faire encontre [begegnen] en lui-même « en chair et en os » du point de vue de son a-spect. Ce laisser-faire-encontre se fonde dans un présent. Celui-ci donne en général l’horizon ekstatique à l’intérieur duquel de l’étant peut être présent en chair et en os. Si la curiosité, cependant, présentifie le sous-la-main, ce n’est pas pour le comprendre en séjournant auprès de lui, mais c’est en cherchant à voir seulement pour voir et pour avoir vu. Sous la figure de cette présentification prise à ses propres rets, la curiosité se tient dans une unité ekstatique avec un avenir et un être-été correspondants. L’avidité de nouveauté est sans doute une percée vers un non-encore-vu, mais de telle manière que le présentifier cherche à se [347] soustraire au s’attendre à… Si la curiosité est avenante, c’est de façon absolument inauthentique, et, si elle est telle, ce n’est pas non plus en s’attendant à une possibilité, mais en ne désirant déjà plus celle-ci, en son avidité, que comme quelque chose d’effectif. La curiosité est constituée par un présentifier sans retenue, qui, purement présentifiant, cherche ainsi constamment à se dérober au s’attendre à… où il est tout de même « tenu » sans retenue. Le présent « ré-sulte » du s’attendre à… correspondant au sens accentué d’un échapper à… Mais ce présentifier « ré-sultant » de la curiosité est si peu adonné à la « chose » qu’à peine une vue obtenue sur elle, il s’en détourne au profit de l’autre chose la plus proche. Ce présentifier qui « résulte » ainsi constamment du s’attendre à… une possibilité déterminée saisie rend ontologiquement possible le non-séjour qui caractérise la curiosité. Le présentifier ne « ré-sulte » pas du s’attendre à… en ce sens qu’il s’en détacherait pour ainsi dire ontiquement et le laisserait à lui-même. Le « ré-sulter » est une modification ekstatique du s’attendre à…, mais de telle manière que celui-ci sautille derrière le présentifier. Le s’attendre à… se sacrifie pour ainsi dire lui-même, et il ne laisse plus non plus des possibilités inauthentiques de préoccupation [Besorgen] ad-venir vers soi à partir de l’étant dont il se préoccupe, à moins qu’il ne s’agisse de possibilités offertes à un présentifier sans retenue. La modification ekstatique du s’attendre à… par le présentifier ré-sultant en un présentifier sautillant est la condition temporalo-existentiale de possibilité de la distraction. EtreTemps68
Plus le présent est inauthentique, c’est-à-dire plus le présentifier vient vers lui-« même », et plus il fuit, en le refermant, devant un pouvoir-être déterminé – mais moins l’avenir peut alors revenir vers l’étant jeté. Dans le « ré-sulter » du présent, il y a en même temps un oubli croissant. Que la curiosité se tienne toujours déjà auprès de ce qui est prochain et ait oublié l’avant, ce n’est pas là un résultat qui se dégagerait seulement de la curiosité, mais bien la condition ontologique de celle-ci même. EtreTemps68
Les caractères de l’échéance qui ont été mis au jour : tentation, rassurement, [348] extranéation et auto-captation, signifient, quant à leur sens temporel, que le présentifier « ré-sultant », conformément à sa tendance ekstatique, cherche à se temporaliser à partir de lui-même. Le Dasein se prend à ses rets – cette détermination a un sens ekstatique. L’échappée de l’existence au sein du présentifier ne signifie assurément pas que le Dasein se délie de son Moi et de son Soi-même. Même dans le présentifier le plus extrême, il demeure temporel, c’est-à-dire s’attendant, oubliant. Même en présentifiant, le Dasein se comprend encore, quand bien même il est extranéé de son pouvoir-être le plus propre, qui se fonde primairement dans l’avenir et l’être-été authentiques. Mais dans la mesure où le présentifier offre du toujours « nouveau », il ne laisse pas le Dasein revenir vers soi, et le rassure constamment de nouveau. Mais ce rassurement renforce derechef la tendance au ré-sulter. Ce qui « produit » la curiosité, ce n’est point l’immensité sans fin de ce qui n’est pas encore vu, mais bien le mode échéant de temporalisation du présent ré-sultant. Même lorsqu’on a tout vu, la curiosité invente justement encore du nouveau. EtreTemps68
Le mode de temporalisation du « ré-sulter » du présent se fonde dans l’essence de la temporalité, qui est finie. Jeté dans l’être pour la mort, le Dasein fuit de prime abord et le plus souvent devant cet être-jeté dévoilé de manière plus ou moins expresse. Le présent ré-sulte de son avenir et de son être-été authentiques, pour ne faire advenir le Dasein à l’existence authentique qu’au prix d’un détour par soi. L’origine du « ré-sulter » du présent, c’est-à-dire de l’échéance dans la perte, est la temporalité originaire, authentique elle-même, qui rend possible l’être jeté pour la mort. EtreTemps68