pré-acquisition

Vorhabe [SZ]

De l’à-portée-de-la-main est toujours déjà compris à partir de la totalité de tournure [Bewandtnis]. Celle-ci n’a pas besoin d’être saisie par une explicitation thématique. Même lorsqu’elle a traversé une telle explicitation, elle s’en retourne vers la compréhension non expresse. Et c’est justement dans cette modalité qu’elle est le fondement essentiel de l’explicitation quotidienne [alltäglich], circon-specte. Celle-ci se fonde à chaque fois dans une pré-acquisition. En tant qu’appropriation compréhensive, elle se meut dans l’être compréhensif pour une totalité de tournure [Bewandtnis] déjà comprise. L’appropriation de l’étant compris, mais encore enveloppé, accomplit toujours le dévoilement sous la direction d’une visée qui fixe ce par rapport à quoi le compris doit être explicité. L’explicitation se fonde toujours dans une pré-vision [Vor-sicht], qui « prépare » à une explicitabilité déterminée ce qui a été pré-acquis. Et ce qui est tenu dans une pré-acquisition et avisé avec « pré-voyance » devient concevable par l’explicitation. L’explicitation peut puiser dans l’étant à expliciter lui-même la conceptualité qui lui appartient, ou au contraire le plier à des concepts auquel cet étant répugne en son mode d’être. Mais quoi qu’il en soit, l’explicitation s’est à chaque fois déjà décidée, définitivement ou avec réserve, pour une conceptualité déterminée ; elle se fonde dans une anti-cipation.
L’explicitation de quelque chose comme quelque chose est essentiellement fondée par la pré-acquisition, la pré-vision [Vor-sicht] et l’anti-cipation. L’explicitation n’est jamais une saisie sans présupposé de quelque chose de prédonné. Même si cette concrétion particulière de l’explicitation qu’est l’interprétation exacte des textes invoque volontiers ce qu’elle a « sous les yeux », la véritable « donnée première » n’est en réalité rien d’autre que l’opinion pré-conçue « évidente » et non discutée de l’interprète, opinion nécessairement présente au point de départ de toute interprétation comme ce qui est préalablement « posé », autrement dit prédonné dans une pré-acquisition, une pré-vision [Vor-sicht] et une anti-cipation, dès lors qu’on entreprend en général d’interpréter. [EtreTemps32]

Si nous rassemblons, dans un regard unitaire sur la plénitude du phénomène, les trois sens analysés de l’« énoncé », sa définition sera donc celle-ci : une mise en évidence communicativement déterminante. La question reste seulement de savoir de quel droit nous prenons en général l’énoncé pour un mode de l’explicitation. S’il est quelque chose de tel, il faut que les structures essentielles de l’explicitation réapparaissent en lui. La mise en évidence de l’énoncé s’accomplit sur la base de l’étant déjà ouvert — ou circon-spectivement découvert — dans le comprendre. L’énoncé n’est pas un comportement flottant en l’air qui pourrait de lui-même et primairement ouvrir de l’étant en général, mais il se tient toujours déjà sur la base de l’être-au-monde [In-der-Welt-sein]. Ce qui a été montré antérieurement [NA: Cf. supra, § 13, p. [59] sq.] au sujet de la connaissance du monde [157] ne vaut pas moins de l’énoncé. Il a besoin d’une pré-acquisition d’un étant en général ouvert, qu’il met en évidence selon la guise du déterminer. En outre, l’attitude déterminatrice implique déjà une prise de perspective orientée sur l’étant à énoncer. Ce vers quoi l’étant prédonné est avisé reçoit dans l’accomplissement de la détermination la fonction de déterminant. L’énoncé a besoin d’une pré-vision [Vor-sicht], où le prédicat à dégager et à assigner est lui-même pour ainsi dire réveillé de son inclusion tacite dans l’étant lui-même. Enfin, à l’énoncé comme communication déterminante appartient à chaque fois une articulation significative de l’étant mis en évidence, l’énoncé se meut dans une conceptualité déterminée ; le marteau est lourd, la gravité advient au marteau, le marteau a la propriété de la gravité. Le plus souvent, l’anti-cipation toujours déjà impliquée elle aussi dans l’énoncer ne s’impose pas, parce que la langue abrite à chaque fois déjà en soi une conceptualité élaborée. L’énoncé, comme l’explicitation en général, a nécessairement ses fondements existentiaux dans la pré-acquisition, la pré-vision [Vor-sicht] et l’anti-cipation. [EtreTemps33]