Ainsi donc prend naissance la tâche de porter à la pré-acquisition le Dasein comme un tout. Ce qui signifie cependant : déployer en général pour la première fois la question du pouvoir-être-tout de cet étant. Dans le Dasein, aussi longtemps qu’il est, quelque chose qu’il peut être et qu’il sera est à chaque fois encore en excédent (NT: Excédent (Ausstand) : ce concept sera thématiquement analysé – et sa traduction justifiée – au §48 (EtreTemps48)). Or à cet excédent appartient la (234) « fin » elle-même. La « fin » de l’être-au-monde (In-der-Welt-sein) est la mort. Cette fin appartenant au pouvoir-être, c’est-à-dire à l’existence, délimite et détermine la totalité à chaque fois possible du Dasein. Cependant, l’être-en-fin du Dasein dans la mort et, avec lui, l’être-tout de cet étant ne pourra être inclus de manière phénoménalement adéquate dans l’élucidation de son être-tout possible que si est conquis un concept ontologiquement suffisant, c’est-à-dire existential, de la mort. Mais la mort n’est selon la mesure du Dasein que dans un être pour la mort existentiel. La structure existentiale de cet être se révèle comme la constitution ontologique du pouvoir-être-tout du Dasein. Ainsi, tout le Dasein existant se laisse porter à la pré-acquisition. Oui, mais le Dasein peut-il aussi exister totalement de manière authentique ? Comment l’authenticité de l’existence doit-elle en général être déterminée sinon par rapport à un exister authentique ? D’où en tirerons-nous le critère ? Manifestement, c’est le Dasein lui-même qui, en son être, doit pré-donner la possibilité et la guise de son existence authentique, si tant est que celle-ci ne puisse ni lui être ontiquement imposée, ni être ontologiquement inventée. Or l’attestation d’un pouvoir-être authentique, c’est la conscience (Gewissen) qui la donne. Comme la mort, ce phénomène du Dasein exige une interprétation existentiale adéquate. Celle-ci conduit à l’aperçu suivant lequel un pouvoir-être authentique du Dasein réside dans le vouloir-avoir-conscience (Gewissen). Mais cette possibilité existentielle, de par son sens d’être, tend vers la déterminité (Bestimmtheit) existentielle par l’être pour la mort. EtreTemps45
Est recherché un pouvoir-être authentique du Dasein, qui soit attesté par celui-ci même en sa possibilité existentielle. Préalablement, il faut donc que cette attestation même se laisse découvrir. Si elle doit « donner à comprendre » le Dasein à lui-même dans son existence authentique possible, c’est dans l’être du Dasein qu’elle aura sa racine. Par suite, la mise en lumière phénoménologique d’une telle attestation inclut en soi la mise en évidence de son origine à partir de la constitution d’être du Dasein. EtreTemps54
L’interprétation existentiale est nécessairement éloignée de l’entente ontique quotidienne (alltäglich), quand bien même elle dégage les fondements ontologiques de ce que l’explicitation vulgaire de la conscience (Gewissen), dans certaines limites, a toujours compris et, en tant que « théorie » de la conscience (Gewissen), porté à un concept. Aussi l’interprétation existentiale a-t-elle besoin d’une confirmation par une critique de l’explicitation vulgaire de la conscience (Gewissen). À partir du phénomène une fois dégagé peut être fixée la mesure en laquelle il atteste un pouvoir-être authentique du Dasein. À l’appel de la conscience (Gewissen) appartient un entendre possible. La compréhension de l’ad-vocation (An-ruf) se dévoile comme vouloir-avoir-conscience (Gewissen). (270) Mais, dans ce phénomène est contenu le choisir existentiel – que nous cherchons – du choix d’un être-Soi-même, choisir que nous appelons, conformément à sa structure existentiale, la résolution. Du coup, le plan des analyses de ce chapitre nous est prédonné : les fondements ontologico-existentiaux de la conscience (Gewissen) (§55 (EtreTemps55)) ; le caractère d’appel de la conscience (Gewissen) (§56 (EtreTemps56)) ; la conscience (Gewissen) comme appel du souci (§57 (EtreTemps57)) ; compréhension de l’ad-vocation (An-ruf) et dette (§58 (EtreTemps58)) ; l’interprétation existentiale de la conscience (Gewissen) et l’explicitation vulgaire de la conscience (Gewissen) (§59 (EtreTemps59)) ; la structure existentiale du pouvoir-être authentique attesté dans la conscience (Gewissen) (§60 (EtreTemps60)). EtreTemps54
Un pouvoir-être-tout authentique du Dasein a été existentialement projeté. L’explicitation (302) du phénomène a dévoilé l’être authentique pour la mort comme devancement (NA: Cf. supra, §58 (EtreTemps58), p. 280 sq.). Dans son attestation existentielle, le pouvoir-être authentique du Dasein a été mis au jour comme résolution et en même temps interprété existentialement. Comment l’un et l’autre phénomènes doivent-ils être rapprochés ? Le projet ontologique du pouvoir-être-tout authentique n’a-t-il pas conduit dans une dimension du Dasein qui est fort éloignée du phénomène de la résolution ? Qu’est-ce que la mort doit avoir de commun avec la « situation concrète » de l’agir ? La tentative d’accoupler à toute force la résolution et le devancement ne nous égare-t-elle pas dans une construction insoutenable, absolument non-phénoménologique, qui ne peut même plus revendiquer le caractère d’un projet ontologique phénoménalement fondé ? EtreTemps61
Notre prochaine tâche est, par-delà l’analyse temporelle du pouvoir-être authentique du Dasein et une caractérisation générale de la temporalité du souci, de rendre visible l’inauthenticité du Dasein en sa temporalité spécifique. La temporalité s’est tout d’abord manifestée dans la résolution devançante. Elle est le mode authentique de l’ouverture, qui le plus souvent se tient dans l’inauthenticité de l’auto-explicitation échéante du On. La caractérisation de la temporalité de l’ouverture en général conduit à la compréhension temporelle de l’être-au-monde (In-der-Welt-sein) préoccupé prochain, et, du même coup, de l’indifférence médiocre du Dasein, où l’analytique existentiale avait d’abord pris son point de départ (NA: Cf. supra, §9 (EtreTemps9), p. 43.). Le (332) mode d’être moyen du Dasein, où il se tient de prime abord et le plus souvent, nous l’avions nommé la quotidienneté (Alltäglichkeit). Or, grâce à la répétition de l’analyse antérieure, il faut que se dévoile le sens temporel de la quotidienneté (Alltäglichkeit) pour que la problématique incluse dans la temporalité vienne au jour et que l’apparente « évidence » des analyses préparatoires achève de se dissiper. La temporalité, sans doute, doit se confirmer dans toutes les structures essentielles de la constitution fondamentale du Dasein. Toutefois, cette confirmation ne conduit pas pour autant à une re-traversée schématique extérieure des analyses antérieures dans l’ordre où elles ont été accomplies. Le cours de l’analyse temporelle, qui est autrement orienté, doit préciser la cohérence des considérations antérieures et en éliminer le reste de contingence ou d’apparent arbitraire. Par ailleurs, indépendamment de ces nécessités méthodiques, apparaîtront au sein du phénomène lui-même des motifs supplémentaires d’imposer une articulation nouvelle à notre analyse répétitive. EtreTemps66