possibilité la plus propre

Et le Dasein, derechef, est à chaque fois mien en telle ou telle guise déterminée d’être. Il s’est toujours déjà en quelque façon décidé en quelle guise le Dasein est à chaque fois mien. L’étant pour lequel en son être il y va de cet être même se rapporte à son être comme à sa possibilité la plus propre. Le Dasein est à chaque fois sa possibilité, il ne l’« a » pas sans plus de manière qualitative, comme quelque chose de sous-la-main. Et c’est parce que le Dasein est à chaque fois essentiellement sa possibilité que cet étant peut se « choisir » lui-même en son être, se gagner, ou bien se perdre, ou ne se gagner jamais, ou se gagner seulement « en apparence ». S’être perdu ou ne s’être pas encore gagné, il ne le peut que pour autant que, en son essence, il est un Dasein authentique possible, c’est-à-dire peut être à lui-même en propre. EtreTemps9

La mort, elle, est une possibilité d’être que le Dasein a lui-même à chaque fois à assumer. Avec la mort, le Dasein se pré-cède lui-même en son pouvoir-être le plus propre. Dans cette possibilité, il y va pour le Dasein purement et simplement de son être-au-monde (In-der-Welt-sein). Sa mort est la possibilité du pouvoir-ne-plus-être-Là. Tandis qu’il se pré-cède comme cette possibilité de lui-même, le Dasein est complètement assigné à son pouvoir-être le plus propre. Par cette pré-cédence, tous les rapports à d’autres Dasein sont pour lui dissous. Cette possibilité la plus propre, absolue, est en même temps la possibilité extrême. En tant que pouvoir-être, le Dasein ne peut jamais dépasser la possibilité de la mort. La mort est la possibilité de la pure et simple impossibilité du Dasein. Ainsi la mort se dévoile-t-elle comme la possibilité la plus propre, absolue, indépassable. Comme telle, elle est une pré-cédence (251) insigne. La possibilité existentiale de celle-ci se fonde dans le fait que le Dasein est essentiellement ouvert à lui-même, et cela selon la guise du en-avant-de-soi. Ce moment structurel du souci a dans l’être pour la mort sa concrétion la plus originaire. L’être pour la fin devient phénoménalement plus clair en tant qu’être pour la possibilité insigne du Dasein qui vient d’être caractérisée. EtreTemps50

Sa possibilité la plus propre, absolue et indépassable, le Dasein ne se la procure cependant pas après coup et occasionnellement au cours de son être. Au contraire, si le Dasein existe, il est aussi et déjà jeté dans cette possibilité. Qu’il soit remis à sa mort, que celle-ci appartienne donc à l’être-au-monde (In-der-Welt-sein), c’est là quelque chose dont le Dasein, de prime abord et le plus souvent, n’a nul savoir exprès, ni même théorique. L’être-jeté dans la mort se dévoile à lui plus originellement et instamment dans l’affection de l’angoisse (NA: Cf. supra, §40 (EtreTemps40), p. 184 sq.). L’angoisse de la mort est angoisse « devant » le pouvoir-être le plus propre, absolu et indépassable. Le devant-quoi de cette angoisse est l’être-au-monde (In-der-Welt-sein) lui-même. Le pour-quoi (en-vue-de-quoi) de cette angoisse est le pouvoir-être du Dasein en tant que tel. Il est exclu de confondre l’angoisse de la mort avec une peur de décéder. Elle n’est nullement une tonalité « faible » quelconque et contingente de l’individu, mais, en tant qu’affection fondamentale du Dasein, l’ouverture révélant que le Dasein existe comme être jeté pour sa fin. Ainsi se précise le concept existential du mourir comme être jeté pour le pouvoir-être le plus propre, absolu et indépassable. La délimitation d’un tel mourir par rapport à une pure disparition, et aussi par rapport à un simple périr, et encore par rapport à un « vécu » du décéder, a gagné en acuité. EtreTemps50

Le dégagement de l’être quotidien (alltäglich) moyen pour la mort s’orientera sur les structures, plus haut conquises, de la quotidienneté (Alltäglichkeit). Dans l’être pour la mort, le Dasein se rapporte à lui-même comme à un pouvoir-être insigne. Mais le Soi-même de la quotidienneté (Alltäglichkeit) est le On (das Man) (NA: Cf. supra, §27 (EtreTemps27), p. 126 sq.), lequel se constitue dans l’être-explicité public qui s’ex-prime dans le bavardage (Gerede). Celui-ci, par suite, doit manifester en quelle guise le Dasein quotidien (alltäglich) s’explicite son être pour la mort. Le fondement de l’explicitation est toujours formé par un comprendre, lequel est toujours aussi affecté, c’est-à-dire intoné. Il convient donc de demander : comment le comprendre affecté qui se trouve dans le bavardage (Gerede) du On a-t-il ouvert l’être pour la mort ? Comment le On (das Man) se rapporte-t-il compréhensivement à la possibilité la plus propre, absolue et indépassable du Dasein ? Quelle affection ouvre-t-elle au On la remise à la mort, et en quelle guise ? EtreTemps51

L’esquive recouvrante de la mort gouverne si tenacement la quotidienneté (Alltäglichkeit) que, dans l’être-l’un-avec-l’autre (Miteinandersein), les « proches » suggèrent encore souvent justement au « mourant » qu’il échappera à la mort et, par suite, qu’il retournera vers la quotidienneté (Alltäglichkeit) rassurée du monde de la préoccupation (Besorgen). Une telle « sollicitude (Fürsorge) » s’imagine même « consoler » ainsi le « mourant ». Elle veut le ramener au Dasein en l’aidant à voiler encore totalement sa possibilité la plus propre, absolue, d’être. Le On se préoccupe ainsi d’un constant rassurement sur la mort – d’un rassurement qui, au fond, s’adresse non seulement au « mourant », mais (254) tout aussi bien aux « consolateurs ». Plus encore : même en cas de décès (Ableben) (Ableben), il convient que la publicité ne soit point perturbée et inquiétée en son in-curie préoccupée par l’événement : dans le mourir des autres, il n’est pas rare que l’on voie un désagrément social, quand ce n’est un manque de tact dont la publicité doit être préservée1. EtreTemps51

Le plus souvent, le Dasein quotidien (alltäglich) recouvre la possibilité la plus propre, absolue et indépassable de son être. Cette tendance factice au recouvrement confirme la thèse qui dit que le Dasein, en tant que factice, est dans la « non vérité » (NA: Cf. supra, §44 (EtreTemps44), p. 222.). Du coup, la certitude qui appartient à (257) un tel recouvrir de l’être pour la mort doit nécessairement être un tenir-pour-vrai inadéquat, et non pas, par exemple, une incertitude au sens du doute. La certitude inadéquate tient ce dont elle est certaine dans l’être-recouvert. Si l’« on » comprend la mort comme un événement survenant dans le monde ambiant, la certitude relative à lui n’atteint pas l’être pour la fin. EtreTemps52

Dans cette détermination « critique » de la certitude de la mort et de sa pré-cédence se manifeste d’abord de nouveau la méconnaissance – caractéristique de la quotidienneté (Alltäglichkeit) – du mode d’être du Dasein et de l’être pour la mort qui lui appartient. Que le décéder en tant qu’événement survenant ne soit « qu’ » empiriquement certain, cela ne décide rien sur la certitude de la mort. Il est possible que les cas de mort soient pour le Dasein une occasion factice de se rendre d’abord en général attentif à la mort. Cependant, tant qu’il demeure dans la certitude empirique qu’on a caractérisée, le Dasein est absolument incapable de devenir certain de la mort considérée en son mode d’« être ». Bien que le Dasein, dans la publicité du On, ne « parle » apparemment que de cette certitude « empirique » de la mort, il ne s’en tient pourtant pas, au fond, exclusivement et primairement aux cas de mort survenants. Esquivant sa mort, même l’être quotidien (alltäglich) pour la fin est pourtant autrement certain de la mort que lui-(258) même, dans une considération purement théorique, ne voudrait le croire. Cet « autrement » se voile le plus souvent aux yeux de la quotidienneté (Alltäglichkeit), qui n’ose pas s’y rendre translucide. Avec son affection quotidienne (alltäglich) plus haut caractérisée, à savoir la supériorité « anxieusement » préoccupée, apparemment sans angoisse vis-à-vis du « fait » certain de la mort, la quotidienneté (Alltäglichkeit) concède une certitude « plus haute » que la certitude seulement empirique. On sait la mort certaine, et pourtant l’on n’est pas proprement certain d’elle. La quotidienneté (Alltäglichkeit) échéante du Dasein connaît la certitude de la mort et esquive néanmoins l’être-certain. Mais cette esquive atteste phénoménalement par ce devant quoi elle recule que la mort doit être conçue comme la possibilité la plus propre, absolue, indépassable, certaine. EtreTemps52

Le Dasein peut-il aussi comprendre authentiquement sa possibilité la plus propre, absolue et indépassable, certaine et comme telle indéterminée, c’est-à-dire se tenir dans un (260) être authentique pour sa fin ? Aussi longtemps que cet être pour la mort authentique n’est pas dégagé et déterminé ontologiquement, une carence essentielle s’attache à l’interprétation existentiale de l’être pour la fin. EtreTemps52

Le Dasein est constitué par l’ouverture, c’est-à-dire par un comprendre affecté. Un être pour la mort authentique ne peut pas reculer devant la possibilité la plus propre, absolue, ni la recouvrir dans cette fuite, ni la ré-interpréter dans le sens de la compréhensivité du On. Par suite, le projet existential d’un être pour la mort authentique doit nécessairement dégager les moments d’un tel être qui le constituent en tant que comprendre de la mort au sens d’un être non-fuyant et non-recouvrant pour la possibilité qu’on a caractérisée. EtreTemps53

L’être pour la mort est devancement dans un pouvoir-être de l’étant dont le mode d’être est le devancement même. Dans le dévoilement devançant de ce pouvoir-être, le Dasein s’ouvre à lui-même quant à sa possibilité extrême. Mais se projeter vers son pouvoir-être le plus propre veut dire : pouvoir se comprendre soi-même dans l’être de l’étant ainsi dévoilé : (263) exister. Le devancement se manifeste comme possibilité du comprendre du pouvoir-être extrême le plus propre, c’est-à-dire comme possibilité d’existence authentique. La constitution ontologique de celle-ci doit être rendue visible grâce au dégagement de la structure concrète du devancement dans la mort. Comment s’accomplit la délimitation phénoménale de cette structure ? Manifestement, en déterminant les caractères de l’ouvrir devançant qui doivent nécessairement lui appartenir pour qu’il puisse devenir le pur comprendre de la possibilité la plus propre, absolue, indépassable, certaine et comme telle indéterminée. Mais il reste ici à considérer que le comprendre ne signifie pas primairement : fixer du regard un sens, mais se comprendre dans le pouvoir-être qui se dévoile dans le projet (NA: Cf. supra, §31 (EtreTemps31), p. 142 sq.). EtreTemps53

La mort est la possibilité la plus propre du Dasein. L’être pour celle-ci ouvre au Dasein son pouvoir-être le plus propre, où il y va purement et simplement de l’être du Dasein. En ce pouvoir-être, il peut devenir manifeste au Dasein que, dans la possibilité insigne de lui-même, il demeure arraché au On, autrement dit qu’il peut à chaque fois, en devançant, s’y arracher. Mais c’est le comprendre de ce « pouvoir » qui dévoile pour la première fois la perte factice dans la quotidienneté (Alltäglichkeit) du On-même. EtreTemps53

La possibilité la plus propre est absolue. Le devancement fait comprendre au Dasein qu’il a à assumer uniquement à partir de lui-même le pouvoir-être où il y va purement et simplement de son être le plus propre. La mort n’« appartient » pas seulement indifféremment au Dasein propre, mais elle interpelle celui-ci en tant que singulier. L’absoluité de la mort comprise dans le devancement isole le Dasein vers lui-même. Cet isolement est une guise de l’ouvrir du « Là » pour l’existence. Il manifeste que tout être auprès de l’étant offert à la préoccupation (Besorgen) et tout être-avec (Mitsein) avec autrui cesse d’être pertinent à partir du moment où il y va du pouvoir-être le plus propre. Le Dasein ne peut être authentiquement lui-même que s’il s’y dispose à partir de lui-même. Néanmoins, la non-pertinence de la préoccupation (Besorgen) et de la sollicitude (Fürsorge) ne signifie nullement que ces guises du Dasein se trouvent détachées de l’être-Soi-même authentique. En tant que structures essentielles de la constitution du Dasein, elles appartiennent conjointement à la condition de possibilité de l’existence en général. Le Dasein n’est authentiquement lui-même que pour autant qu’il se projette primairement, en tant qu’être préoccupé auprès… et en tant qu’être-avec (Mitsein) éclairé par la sollicitude (Fürsorge), vers son pouvoir-être le plus propre, et non pas vers la possibilité du On-même. Le devancement dans la possibilité absolue force l’étant devançant à la possibilité d’assumer de lui-même et à partir de (264) lui-même son être le plus propre. EtreTemps53

La possibilité la plus propre, absolue, est indépassable. L’être pour elle fait comprendre au Dasein que le précède, à titre de possibilité extrême de l’existence, (la nécessité) de se sacrifier. Mais le devancement n’esquive pas l’indépassabilité comme l’être pour la mort inauthentique, mais il se rend libre pour elle. Le devenir-libre devançant pour la mort propre libère de la perte dans les possibilités qui ne se pressent que de manière contingente, et cela en faisant comprendre et choisir pour la première fois authentiquement les possibilités factices qui sont en deçà de la possibilité indépassable. Le devancement ouvre à l’existence, à titre de possibilité extrême, le sacrifice de soi et brise ainsi tout raidissement sur l’existence à chaque fois atteinte. En devançant, le Dasein se préserve de retomber derrière soi et son pouvoir-être compris, et de « devenir trop vieux pour ses victoires » (Nietzsche). Libre pour les possibilités les plus propres, déterminées à partir de la fin, c’est-à-dire comprises comme finies, le Dasein expulse le danger de méconnaître à partir de sa compréhension finie de l’existence les possibilités d’existence d’autrui qui le dépassent, ou bien, en les mésinterprétant, de les rabattre sur les siennes propres afin de se délivrer ainsi lui-même de son existence factice la plus propre. Mais la mort, en tant que possibilité absolue, n’isole que pour rendre, indépassable qu’elle est, le Dasein comme être-avec (Mitsein) compréhensif pour le pouvoir-être des autres. Parce que le devancement dans la possibilité indépassable ouvre conjointement toutes les possibilités antérieures à elle, il inclut la possibilité d’une anticipation existentielle de tout le Dasein, c’est-à-dire la possibilité d’exister comme pouvoir-être total. EtreTemps53

La possibilité la plus propre, absolue et indépassable est certaine. Le mode d’être certain d’elle se détermine à partir de la vérité (ouverture) qui lui correspond. Mais la possibilité certaine de la mort n’ouvre le Dasein comme possibilité qu’en tant que celui-ci, devançant vers elle, possibilise pour soi cette possibilité comme pouvoir-être le plus propre. EtreTemps53

La possibilité la plus propre, absolue, indépassable et certaine est indéterminée en sa certitude. Comment le devancement ouvre-t-il ce caractère de la possibilité insigne du Dasein ? Comment le comprendre devançant se projette-t-il vers un pouvoir-être certain qui est constamment possible, mais de telle manière que le quand où devient possible la pure et simple impossibilité de l’existence demeure constamment indéterminé ? Dans le devancement vers la mort indéterminément certaine, le Dasein s’ouvre à une menace jaillissant de son Là lui-même, constante. L’être pour la fin doit se tenir en elle, et il peut si peu l’aveugler qu’il doit au contraire nécessairement configurer l’indéterminité (Bestimmtheit) de la certitude. Comment l’ouvrir natif de cette menace constante est-il existentialement possible ? Tout comprendre est affecté. La tonalité transporte le Dasein devant l’être-jeté de son « qu’il-est-Là » (NA: Cf. supra, §29 (EtreTemps29), p. 134 sq.). Mais l’affection qui est en mesure de tenir ouverte la menace constante et pure et simple qui monte de l’être isolé le plus propre du Dasein, c’est l’angoisse (NA: Cf. supra, §40 (EtreTemps40), p. 184 sq.). C’est en elle que le Dasein se trouve devant le rien (266) de la possible impossibilité de son existence. L’angoisse s’angoisse pour le pouvoir-être de l’étant ainsi déterminé, et elle ouvre ainsi la possibilité extrême. Comme le devancement isole purement et simplement le Dasein et, dans cet isolement de lui-même, le fait devenir certain de la totalité de son pouvoir-être, à cette auto-compréhension du Dasein à partir de son fond appartient l’affection fondamentale de l’angoisse. L’être pour la mort est essentiellement angoisse. L’attestation univoque, quoique « seulement » indirecte en est donnée par l’être pour la mort qu’on a caractérisé, lorsqu’il pervertît l’angoisse en peur lâche et annonce, avec le surmontement de celle-ci, la lâcheté devant l’angoisse. EtreTemps53

Dès lors, l’entendre correct de l’appel équivaut à un se-comprendre en son pouvoir-être le plus propre, c’est-à-dire au se-projeter vers le pouvoir-devenir-en-dette authentique le plus propre. Le se-laisser-pro-voquer compréhensif à cette possibilité inclut en soi le devenir-libre du Dasein pour l’appel : la disposition au pouvoir-être-ad-voqué. Le Dasein, comprenant l’appel, est obédient à sa possibilité la plus propre d’existence. Il s’est lui-même choisi. EtreTemps58

À partir de quoi l’absence d’une teneur « positive » de ce qui est « crié » se laisse-t-elle regretter ? Réponse : à partir de l’attente de l’indication – à chaque fois utilisable – de sûres possibilités disponibles et calculables d’« action ». Cette attente se fonde dans l’horizon d’explicitation de la préoccupation (Besorgen) d’entendement, horizon qui soumet l’exister du Dasein à l’idée d’une économie réglable. Mais la conscience (Gewissen) s’empresse de décevoir de telles attentes, qui, pour partie, ne sont pas moins au fondement de l’exigence d’une éthique matériale des valeurs opposée à une éthique « seulement » formelle. Et si l’appel de la conscience (Gewissen) ne donne point de telles consignes « pratiques », c’est uniquement parce qu’il con-voque le Dasein à l’existence, au pouvoir-être-Soi-même le plus propre. Du reste, si elle délivrait ces maximes attendues, univoquement calculables, la conscience (Gewissen) ne refuserait rien de moins à l’existence que – la possibilité d’agir. Cependant, que la conscience (Gewissen) ne puisse manifestement être « positive » de cette manière, ne signifie pas qu’elle « ne » fonctionne – de la même manière – « que négativement ». L’appel n’ouvre rien qui puisse être positif ou négatif pour la préoccupation (Besorgen), parce qu’il vise un être ontologiquement tout à fait autre, l’existence. Au sens existential, en revanche, l’appel bien compris livre « ce qu’il y a de plus positif », à savoir la possibilité la plus propre que le Dasein puisse se proposer, en tant que rappel pro-vocant à ce qui est à chaque fois le pouvoir-être-Soi-même factice. Entendre authentiquement l’appel, cela veut dire se transporter dans l’agir factice. Toutefois, nous ne pourrons conquérir une interprétation absolument satisfaisante de ce qui est crié dans l’appel que si nous dégageons la structure existentiale qui se trouve dans la compréhension où l’ad-vocation (An-ruf) est authentiquement entendue. EtreTemps59

Le comprendre de l’appel de la conscience (Gewissen) dévoile la perte dans le On (das Man). La résolution (307) ramène le Dasein vers son pouvoir-être-Soi-même le plus propre. Le pouvoir-être propre devient authentiquement et totalement translucide dans l’être compréhensif pour la mort comme possibilité la plus propre. EtreTemps62

(309) Notre analyse a successivement dévoilé les moments – issus de l’être pour la mort authentique en tant que possibilité la plus propre, absolue, indépassable, certaine et pourtant indéterminée – de la modalisation à laquelle la résolution tend à partir d’elle-même. Elle n’est authentiquement et totalement ce qu’elle peut être que comme résolution devançante. EtreTemps62

Le projeté du projet existential originaire de l’existence s’est dévoilé comme résolution devançante. Qu’est-ce qui rend possible cet être-tout authentique du Dasein quant à l’unité de son tout structurel articulé ? Si on la saisit de manière formellement existentiale, et sans désigner maintenant constamment sa teneur structurelle pleine, la résolution devançante est l’être pour le pouvoir-être insigne le plus propre. Or cela n’est possible qu’autant que le Dasein peut en général advenir à soi en sa possibilité la plus propre, et que, en ce se-laisser-advenir-à-soi, il soutient la possibilité comme possibilité – c’est-à-dire existe. Or le se-laisser-advenir-à-soi dans la possibilité qui soutient celle-ci est le phénomène originaire de l’avenir. Si à l’être du Dasein appartient l’être authentique ou inauthentique pour la mort, celui-ci n’est possible que comme avenant au sens qu’on vient d’indiquer, et qui reste à déterminer de plus près. L’« avenir », ici, ne désigne pas un « maintenant » qui n’est pas encore devenu « effectif » et qui ne le sera qu’un jour, mais la venue en laquelle le Dasein advient à soi en son pouvoir-être le plus propre. Le devancement rend le Dasein authentiquement avenant, de telle manière cependant que le devancement n’est lui-même possible que pour autant que le Dasein en tant qu’étant advient en général toujours déjà à soi, c’est-à-dire est en général avenant en son être. EtreTemps65

La résolution où le Dasein revient vers lui-même ouvre les possibilités à chaque fois factices d’exister authentique à partir de l’héritage qu’elle assume en tant que jetée. Le retour résolu vers l’être-jeté abrite en soi un se-délivrer de (NT: Ce « de » est ici un génitif.) possibilités traditionnelles, quoique non pas nécessairement en tant que traditionnelles. Si tout « bien » est héritage et si le caractère de la « bonté » se trouve dans la possibilisation d’existence authentique, alors se constitue à chaque fois dans la résolution la délivrance d’un héritage. Plus authentiquement le Dasein se (384) résout, c’est-à-dire se comprend sans équivoque à partir de sa possibilité la plus propre, insigne dans le devancement vers la mort, et plus univoque et nécessaire est la trouvaille élective de la possibilité de son existence. Seul le devancement dans la mort expulse toute possibilité arbitraire et « provisoire » ; seul l’être-libre pour la mort donne au Dasein son but pur et simple et rejette l’existence dans sa finitude (Endlichkeit). La finitude (Endlichkeit) saisie de l’existence arrache à la multiplicité sans fin des possibilités immédiatement offertes de la complaisance, de la légèreté, de la dérobade et transporte le Dasein dans la simplicité de son destin. Par ce terme, nous désignons le provenir originaire du Dasein, inclus dans la résolution authentique, où, libre pour la mort, il se délivre à lui-même en une possibilité héritée et néanmoins choisie. EtreTemps74

Si l’enquête historique s’enracine ainsi dans l’historialité, il doit être également possible de déterminer à partir de là ce qui est « à proprement parler » objet de cette enquête. La délimitation du thème originaire de l’enquête historique devra s’accomplir en prenant mesure sur l’historialité authentique et le mode à elle propre d’ouverture de ce qui a été Là, la répétition. Celle-ci comprend le Dasein qui a été Là en sa possibilité authentique étant-été. La « naissance » de l’enquête historique à partir de l’historialité authentique signifiera donc ceci : la thématisation primaire de l’objet historique projette le Dasein ayant-été-Là vers sa possibilité la plus propre d’existence. Serait-ce alors que l’enquête historique doit avoir le possible pour thème ? Et toute son « intention » n’est-elle pas au contraire tournée vers les « faits », vers ce qui a été en tant qu’il a été factuellement ? EtreTemps76