phénomène de la résolution

La résolution, selon son essence ontologique, est à chaque fois celle d’un Dasein factice. L’essence de cet étant est son existence. La résolution n’« existe » que comme décision qui comprend et se projette. Mais vers quoi le Dasein, dans la résolution, s’ouvre-t-il ? À quoi doit-il se décider ? La réponse ne peut ici ne nous être donnée que par la décision même. Ce serait totalement mécomprendre le phénomène de la résolution que de s’imaginer qu’elle est simplement la re-prise de possibilités proposées et recommandées. La décision, et elle seule, est justement le projeter et le déterminer ouvrant de ce qui est à chaque fois possibilité factice. À la résolution appartient nécessairement l’indétermination qui caractérise tout pouvoir-être facticement jeté du Dasein. Sûre d’elle-même, la résolution ne l’est que comme décision. Néanmoins, l’indétermination existentielle, déterminée à chaque fois dans la seule décision, de la résolution possède sa déterminité [Bestimmtheit] existentiale. EtreTemps60

Un pouvoir-être-tout authentique du Dasein a été existentialement projeté. L’explicitation [302] du phénomène a dévoilé l’être authentique pour la mort comme devancement [NA: Cf. supra, §58 [EtreTemps58], p. [280] sq.]. Dans son attestation existentielle, le pouvoir-être authentique du Dasein a été mis au jour comme résolution et en même temps interprété existentialement. Comment l’un et l’autre phénomènes doivent-ils être rapprochés ? Le projet ontologique du pouvoir-être-tout authentique n’a-t-il pas conduit dans une dimension du Dasein qui est fort éloignée du phénomène de la résolution ? Qu’est-ce que la mort doit avoir de commun avec la « situation concrète » de l’agir ? La tentative d’accoupler à toute force la résolution et le devancement ne nous égare-t-elle pas dans une construction insoutenable, absolument non-phénoménologique, qui ne peut même plus revendiquer le caractère d’un projet ontologique phénoménalement fondé ? EtreTemps61

Une mise en relation extérieure des deux phénomènes s’interdit assurément d’elle-même. Méthodiquement, il ne s’ouvre qu’un seul chemin possible : partir du phénomène de la résolution tel qu’attesté en sa possibilité existentielle, et demander : est-ce que la résolution, en sa tendance d’être existentielle la plus propre, renvoie elle-même à la résolution devançante comme à sa possibilité authentique la plus propre ? Qu’en serait-il si la résolution, suivant son sens propre, ne s’était portée à son authenticité que dès l’instant qu’elle se projette non pas vers des possibilités quelconques et simplement prochaines, mais vers cette possibilité extrême qui est antécédente à tout pouvoir-être factice du Dasein et qui s’engage comme telle, de manière plus ou moins dégagée, dans tout pouvoir-être facticement saisi du Dasein ? Si la résolution comme vérité authentique du Dasein n’atteignait que dans le devancement vers la mort la certitude authentique qui lui appartient ? Si c’était seulement dans le devancement vers la mort qu’était authentiquement comprise, c’est-à-dire existentiellement rejointe, toute « pré-cursivité » factice du décider ? EtreTemps61

Le phénomène du souci ainsi clarifié pour la première fois de manière satisfaisante, c’est lui que nous questionnerons ensuite quant à son sens ontologique. La détermination de ce sens deviendra libération de la temporalité. Cette mise en lumière ne conduit point dans des [304] régions éloignées, particulières du Dasein, elle com-prend seulement la réalité phénoménale totale de la constitution existentiale fondamentale du Dasein dans les fondements derniers de son intelligibilité ontologique propre. La temporalité est expérimentée de manière phénoménalement originaire dans l’être-tout originaire du Dasein – dans le phénomène de la résolution devançante. Si la temporalité s’annonce originairement en celle-ci, alors, selon toute présomption, la temporalité de la résolution devançante est un mode insigne de temporalité. La temporalité peut se temporaliser en diverses possibilités et selon diverses guises. Les possibilités fondamentales de l’existence, authenticité et inauthenticité, se fondent ontologiquement dans des temporalisations possibles de la temporalité. EtreTemps61

Dans quelle mesure la résolution, si elle est « pensée jusqu’au bout » conformément à sa tendance d’être la plus propre, conduit-elle à l’être pour la mort authentique ? Comment la connexion entre le vouloir-avoir-conscience [Gewissen] et le pouvoir-être-tout authentique existentialement projeté du Dasein doit-elle être conçue ? La compénétration des deux produit-elle un nouveau phénomène ? Ou bien nous maintient-elle auprès de la résolution attestée en sa possibilité existentielle, de telle manière toutefois qu’elle puisse éprouver de la part de l’être pour la mort une modalisation existentielle ? Mais qu’est-ce que cela veut dire « penser jusqu’au bout » existentialement le phénomène de la résolution ? EtreTemps62

Avec le phénomène de la résolution, nous avons été conduits devant la vérité originaire de l’existence. Résolu, le Dasein est dévoilé à lui-même dans ce qui lui est à chaque fois son pouvoir-être factice, et cela de telle sorte qu’il est lui-même ce dévoiler et cet être-dévoilé. À la vérité appartient un tenir-pour-vrai qui lui correspond à chaque fois. L’appropriation expresse de ce qui est ouvert ou découvert est l’être-certain. La vérité originaire de l’existence requiert un être-certain cooriginaire en tant que se-tenir dans ce que la résolution ouvre. Celle-ci se donne toute situation factice et se transporte en elle. La situation ne peut être calculée d’avance et prénommée comme un sous-la-main en attente de sa saisie. Elle est seulement ouverte en une auto-décision libre, d’abord indéterminée, mais ouverte à la déterminabilité. Que signifie alors la certitude qui appartient à une telle résolution ? Elle doit se tenir dans ce qui est ouvert par la décision. Or cela revient à dire qu’elle ne peut justement se raidir sur la situation, mais doit nécessairement comprendre que la décision, suivant son sens d’ouverture propre, doit être tenue libre et ouverte pour toute possibilité factice. La certitude de la décision [308] signifie : se tenir libre pour sa re-prise possible et à chaque fois facticement nécessaire. Néanmoins, un tel tenir-pour-vrai de la résolution (en tant que vérité de l’existence) ne se laisse nullement retomber dans l’ir-résolution, au contraire : ce tenir-pour-vrai en tant que se-tenir-libre résolu pour la re-prise est la résolution authentique pour la répétition d’elle-même. Mais par là, la perte dans l’ir-résolution est précisément enterrée existentialement. Le tenir-pour-vrai qui appartient à la résolution tend, selon son sens propre, à se tenir constamment libre, à savoir pour le pouvoir-être total du Dasein. Cette certitude constante n’est garantie à la résolution qu’autant qu’elle se rapporte à la possibilité dont elle peut être purement et simplement certaine. Dans sa mort, le Dasein doit purement et simplement se « reprendre ». Constamment certaine d’elle, c’est-à-dire devançante, la révolution conquiert sa certitude authentique et totale. EtreTemps62