Dans l’être-intoné, le Dasein est toujours déjà tonalement ouvert comme cet étant à qui le Dasein a été remis en son être comme être [NT: als dem Sein, das… : « être » est ici encore au datif, mais, pour éviter le charabia de BW, je traduis quant au sens. De toute façon, lieu et objet de ladite remise sont identiques.] qu’il a à être en existant. Mais « ouvert » ne signifie pas connu comme tel, et c’est justement dans la quotidienneté [Alltäglichkeit] la plus indifférente et la plus anodine que l’être du Dasein peut percer dans la nudité de [cela] « qu’il est et a à être ». Ce pur « qu’il est » se montre, mais son « d’où » et son « vers où » restent dans l’obscurité. Que le Dasein ne « cède » pas si quotidienne [alltäglich]ment à de telles tonalités, autrement dit qu’il ne [135] suive [NT: En l’occurrence : ne la prenne pas réflexivement en considération (nachgehen)] pas leur ouverture et ne se laisse pas transporter devant ce qu’elles ouvrent, cela n’est nullement une preuve contre l’état-de-fait phénoménal de l’ouverture tonale de l’être du Là en son « que », mais au contraire en sa faveur. La plupart du temps, le Dasein esquive ontico-existentiellement l’être ouvert dans la tonalité ; mais ce que cela signifie ontologico-existentialement, c’est ceci : dans ce vers quoi une telle tonalité ne se tourne pas, le Dasein est dévoilé dans son être-remis au Là. Dans l’esquive elle-même, le Là est en tant qu’ouvert. EtreTemps29
Dans la pure impulsion, le souci n’est pas encore devenu libre, même si c’est lui qui seul rend possible ontologiquement que le Dasein subisse sa propre impulsion. Dans le penchant, au contraire, le souci est toujours déjà lié. Penchant et impulsion sont des possibilités qui s’enracinent dans l’être-jeté du Dasein. Impossible d’anéantir l’impulsion « à vivre », d’extirper le penchant « à se laisser porter » (« vivre ») par le monde. Mais tous deux, parce que et seulement parce qu’ils se fondent ontologiquement dans le souci, peuvent être modifiés ontico-existentiellement par celui-ci en tant qu’authentique. EtreTemps41
L’expression « souci » désigne un phénomène ontologico-existential fondamental, qui néanmoins n’est pas simple en sa structure. La totalité ontologiquement élémentaire de la structure du souci ne peut pas plus être reconduite à un « élément originaire » ontique que l’être, à coup sûr, ne peut être « expliqué » à partir de l’étant. Finalement, il nous apparaîtra que l’idée de l’être en général est tout aussi peu « simple » que l’être du Dasein. La détermination du souci comme être-en-avant-de-soi-dans-l’être-déjà-dans… – comme être-auprès… montre nettement que ce phénomène est lui aussi en soi structurellement articulé. Or n’est-ce pas là l’indice phénoménal que la question ontologique doit être poussée encore plus loin pour dégager un phénomène encore plus originaire, qui porte ontologiquement l’unité et la totalité de la multiplicité structurelle du souci ? Mais avant que la recherche poursuive cette question, il est besoin d’une appropriation rétrospective et plus aiguë de ce qui a été jusqu’ici interprété, du point de vue de la question fondamental-ontologique du sens de l’être en général. Toutefois, nous devons auparavant montrer que ce qui en cette interprétation est ontologiquement « nouveau » est ontiquement tout à fait ancien. Bien loin de le plier à une idée imaginaire, l’explication de l’être du Dasein porte pour nous existentialement au concept ce qui a déjà été ouvert ontico-existentiellement. EtreTemps41