Au contraire, dès l’instant que le Dasein « existe » de telle manière qu’en lui absolument plus rien n’est en excédent, alors, et du même coup, il est ainsi devenu un ne-plus-être-Là. La levée de l’excédent d’être signifie l’anéantissement de son être. Aussi longtemps que le Dasein est en tant qu’étant, il n’a pas atteint sa « totalité ». Mais qu’il obtienne celle-ci, et alors ce gain devient la perte pure et simple de l’être-au-monde (In-der-Welt-sein). Il n’est alors plus jamais expérimentable en tant qu’étant. EtreTemps46
Atteindre sa totalité dans la mort, pour le Dasein, c’est en même temps perdre l’être du Là. Le passage au ne-plus-être-Là ôte justement au Dasein la possibilité d’expérimenter ce passage et de le comprendre en tant qu’il l’expérimente. Cependant, quand bien même cela peut demeurer interdit à chaque Dasein par rapport à lui-même, la mort des autres ne s’en impose que plus fortement à lui. Un achèvement du Dasein devient alors « objectivement » accessible. Le Dasein peut, et cela d’autant plus qu’il est essentiellement être-avec (Mitsein) d’autres, obtenir une expérience de la mort. Cette donation « objective » de la mort doit alors nécessairement rendre également possible une délimitation ontologique de la totalité du Dasein. (238) Nous demandons : est-ce que cette solution obvie, puisée dans le mode d’être du Dasein comme être-l’un-avec-l’autre (Miteinandersein), qui consiste à choisir l’achèvement du Dasein d’autrui comme thème de remplacement pour l’analyse de la totalité du Dasein, peut conduire au but qu’on s’est proposé ? EtreTemps47
Le Dasein des autres, avec la totalité qu’il atteint dans la mort, est lui aussi un ne-plus-être-Là au sens d’un ne-plus-être-au-monde (In-der-Welt-sein). Mourir, cela ne signifie-t-il pas quitter le monde, perdre l’être-au-monde (In-der-Welt-sein) ? Néanmoins, le ne-plus-être-au-monde (In-der-Welt-sein) du mort, si on le comprend de manière extrême, est un être au sens de l’être sans plus sous-la-main d’une chose corporelle qui fait encontre. Dans le mourir des autres peut être expérimenté le remarquable phénomène d’être qui se laisse déterminer comme virage d’un étant du mode d’être du Dasein (ou de la vie) au ne-plus-être-Là. La fin de l’étant comme Dasein est le commencement de cet étant comme sous-la-main. EtreTemps47
Plus le ne-plus-être-Là du défunt est saisi de manière phénoménalement adéquate, et plus clairement il apparaît qu’un tel être-avec (Mitsein) avec le mort n’expérimente justement pas le (239) véritable être-venu-à-la-fin du défunt. La mort certes se dévoile comme perte, mais plutôt comme une perte que les survivants éprouvent : dans cette épreuve, ne devient point comme telle accessible la perte d’être « éprouvée », « subie » par le mort lui-même. Nous n’expérimentons pas véritablement le mourir des autres, tout au plus les y « assistons »-nous toujours et seulement. EtreTemps47
De plus, à la faveur de notre caractérisation du passage du Dasein au ne-plus-être-Là en tant que ne-plus-être-au-monde (In-der-Welt-sein), il est apparu que la sortie-du-monde du DASEIN au sens du mourir doit être distinguée d’une sortie-du-monde du seulement vivant. Ce finir propre à un (241) vivant, nous le désignons terminologiquement par le terme périr. La différence citée ne peut être rendue visible que par une délimitation du finir qui est à la mesure du Dasein (Daseinsmässig) par rapport à la fin d’une vie (NA: Cf. supra, §10 (EtreTemps10), p. 45 sq.). Sans doute, il est également possible de concevoir le mourir en termes physiologico-biologiques. Néanmoins, le concept médical d’« exitus » ne coïncide pas avec le concept du périr. EtreTemps47
Les problèmes concernant la mort élucidés jusqu’ici peuvent être formulés en trois thèses : 1. Au Dasein appartient, aussi longtemps qu’il est, un ne-pas-encore qu’il sera – l’excédent constant. 2. Le venir-à-sa-fin de ce-qui-n’est-pas-encore-à-la-fin (la levée ontologique de l’excédent) a le caractère du ne-plus-être-Là. 3. Le venir-à-la-fin renferme en soi un mode d’être purement et simplement ir-représentable NT: Au sens de non-suppléable. pour chaque Dasein. EtreTemps48
Le souci est être pour la mort. Nous avons déterminé la résolution devançante comme l’être authentique pour la possibilité – plus haut caractérisée – de la pure et simple impossibilité du Dasein. Dans un tel être pour la mort, le Dasein existe authentiquement (et) totalement comme l’étant que, « eté dans la mort », il peut être. Il n’a pas une fin où il cesse simplement, mais il existe de manière finie. L’avenir authentique, qui temporalise (330) primairement la temporalité qui constitue le sens de la résolution devançante, se dévoile ainsi lui-même comme fini. Et pourtant, dira-t-on, est-ce que « le temps », malgré le ne-plus-être-Là de moi-même, « ne continue pas » ? Est-ce qu’une infinité de choses ne peut pas se trouver encore « dans l’avenir », advenir depuis l’avenir ? EtreTemps65