La science apparemment la plus rigoureuse et la plus solidement articulée, la mathématique, est entrée dans une « crise des fondements ». La lutte entre formalisme et intuitionnisme a pour enjeu de conquérir et d’assurer le mode primaire d’accès à ce qui doit être l’objet de cette science. La théorie de la relativité en physique doit sa naissance à la tendance à fixer le contexte propre de la nature, tel qu’il subsiste « en soi ». En tant que théorie des conditions d’accès à la nature elle-même, elle cherche à garantir par la (10) détermination de toutes les relativités l’immutabilité des lois du mouvement, et elle se convoque ainsi devant la question de la structure du domaine qui lui est prédonné, devant le problème de la matière. En biologie se manifeste la tendance à questionner en deçà des déterminations de l’organisme et de la vie fournies par le mécanisme et le vitalisme, et à déterminer à neuf le mode d’être du vivant comme tel. Dans les sciences historiques de l’esprit, la percée vers l’effectivité historique a été encore renforcée par la tradition elle-même, c’est-à-dire par sa formulation et sa transmission : l’histoire littéraire doit devenir histoire des problèmes. La théologie est en quête d’une interprétation plus originelle de l’être de l’homme par rapport à Dieu, qui soit pré-dessinée par le sens même de la foi et qui demeure en lui. Lentement, elle recommence à comprendre l’aperçu de Luther, suivant lequel sa systématique dogmatique repose sur un « fondement » qui n’est point issu d’un questionnement primairement croyant, et dont la conceptualité non seulement ne suffit pas à la problématique théologique, mais encore la recouvre et la dénature. (EtreTemps3)
Et pourtant, dans toutes les sciences quand nous suivons en chacune sa visée la plus propre, nous nous rapportons à l’étant lui-même. Du seul point de vue des sciences, aucun domaine n’a préséance sur l’autre, ni la nature sur l’histoire, ni inversement. Aucune manière de traiter un objet ne l’emporte sur l’autre. La connaissance mathématique n’est pas plus rigoureuse que l’historique ou la philologique. Elle n’a que le caractère de l’”exactitude”, laquelle ne se confond pas avec la rigueur. Exiger de l’histoire l’exactitude serait trahir l’idée de la rigueur spécifique aux sciences de l’esprit. La relation au monde qui gouverne toutes les sciences comme telles les porte à rechercher l’étant lui-même, pour en faire à chaque fois, selon son contenu qualitatif et son mode d’être, l’objet d’une exploration et d’une détermination qui le fonde en raison. Dans les sciences s’accomplit — selon l’idée — un mouvement de venue en la proximité vers l’essentiel de toutes choses. QQMETA Le déploiement d’une interrogation métaphysique