Maldiney (Aîtres:14-16) – Chronos refere-se a “empurrar”

destaque

Chronos refere-se a “empurrar” — como tempus a tensionar. Mas refere-se a impulso ou tensão dirigida para… atuando sobre algo e capaz de mover numa determinada direção aquilo a que é aplicado ou implicado — cineticamente. Este impulso direcional não é tensio, mas intentio.

original

χρόνος se réfère à « pousser » — comme tempus à tendre. Mais il s’agit de poussée ou de tension orientées vers… agissant sur quelque chose et capable de mouvoir dans un sens déterminé ce à quoi elles s’appliquent ou qu’elles impliquent — cinétiquement. Cette poussée directionnelle n’est pas tensio mais intentio. Ce terme est implicitement contenu dans la définition que Bescherelle donne du subjonctif : « Le véritable génie du subjonctif est d’indiquer une action ou une chose comme terme d’une volonté. » L’expression d’un procès comme terme d’une volonté n’est qu’un cas particulier de l’expression modale en général : les modes expriment l’action dans la perspective d’un comportement du sujet. Ils expriment — disent les grammairiens — l’attitude du sujet vis-à-vis du procès exprimé par le verbe. « Vis-à-vis » est inexact. Cette attitude n’est pas réactionnelle. En elle le procès est en endogénèse. La compréhension du procès, telle que l’expression l’articule, et originairement contemporaine de la situation, dont « l’attitude » exprime directement la tonalité. Or c’est au niveau modal que le sujet se trouve et se découvre. Sur l’axe chronogénétique du système verbal, ce sont les modes au sens strict — par exemple en français, le subjonctif — qui constituent le premier niveau où il est fait état de la personne (modes dits personnels). Le sujet engagé dans l’action ou vers la chose l’éprouve selon son propre pathos — que précisément le mode indique. La dimension modale est une dimension pathique. Sous la terminologie ordinaire des grammairiens qui définissent les formes modales comme expressives de volonté, sentiment, doute, incertitude, souhait, regret, ordre, défense, éventualité, concession, but… affleurent en ordre dispersé les catégories — correspondant à autant de moment critiques — que V. von Weizsâcker a mis en évidence au niveau biologique et sans lesquelles, il n’y a pas de compréhension rigoureuse du vivant : « Dessein, attente, surprise, danger, menace, sécurité, arbitraire et liberté, décision et (14) détermination », tous ces termes « expriment la situation du vivant, la manière d’exister que nous nommons pathique » 1; et ce qui vaut pour le vivant vaut également ici pour le sujet qui n’existe qu’à répondre à une mise en demeure d’être ou de n’être pas. Souhait, désir, vouloir impliquent quelqu’un, supposent un sujet qui souhaite, désire ou veut et qui, en cela même, vise à l’appropriation de la chose, du vivant ou de l’autre. Mais cette appropriation ne suppose pas de soi une temporalité divisée en époques. Aussi est-elle parfaitement compatible avec un état du verbe où la catégorie spécifique de temps n’existe pas encore.

« Temps, au sens ultérieur du terme, ne l’étaient ni le primitif ni le parfait que, pour une couche plus ancienne de l’indogermanique, nous avons admis comme unique. Un peuple et une langue qui existent leur présent n’ont pas besoin de l’exprimer par des formes verbales particulières, et l’avenir leur est plus important que le passé. Mais au lieu de la pure expression purement temporelle du futur, ils disposent en abondance du pulsionnel (au moyen de l’impératif, de l’optatif, du désidératif, du subjonctif). » 2 Pulsionnel est pris ici au sens classique renouvelé par Freud et se limite au domaine des désirs et des affects, donc du vecteur central (S-P) de Szondi. L’impératif, l’optatif, le désidératif, le subjonctif situent le procès dans la perspective de situations et de comportements spécifiques où le sujet se trouve engagé dans des rapports à la fois intra- et intersubjectifs. Ils vérifient cette remarque conclusive de von Weizsâcker : « L’application des catégories pathiques nous contraint de les rencontrer en quelqu’un qui se trouve en relation avec un autre. Les catégories biologiques (et linguistiques) ne sont pas seulement subjectives, elles sont aussi sociales. » 3

Au niveau de la parole, comme de l’existence, les pulsions sont exercées par un moi. Aussi la modalité comporte-t-elle en elle une certaine exigence du temps. Quel temps ? Un temps qui est encore sans époques, mais non sans orientation. G. Guillaume esquisse par exemple en ces termes le schème temporel du subjonctif en français : « Le mode subjonctif marque en lui la distinction jusque-là différée — le mode quasi-nominal ne l’opère pas — de deux visualisations cinétiques du temps, la visualisation descendante et la visualisation ascendante mais ne produit pas encore la séparation nette des époques : passé, présent, futur. » 4 En Grec le temps descendant qu’Aristote interprète comme temps destructeur (15) s’allie — à la faveur de l’homonymie — à l’image du dieu Chronos « le père » 5 qu’Hésiode présente dans la Théogonie comme le dévorateur de ses enfants 6. A cette représentation du temps descendant, le subjonctif est le seul des modes grecs à opposer celle d’un temps inverse, efférent à partir du présent. Les formes modales exigent dans les deux cas une temporalité qui est in-tentio. Mais là où l’intentio est assumée par un projet humain (cf. : subjonctif grec), elle remonte le cours entropique de la nature.

  1. V. von Weizsäcker, Der Gestaltkreis, 3e éd., Stuttgart, 1967, p. 183. Trad. Foucault-Rocher, p. 219.[]
  2. Schwyzer, Griechische Grammatik, t. II, p. 253-254.[]
  3. V. von Weizsâcker, ibid., p. 186. Trad. p. 221-222.[]
  4. G. Guillaume, Langage et Science du Langage, p. 195. « Figurativement, la représentation du temps dans le mode subjonctif est ce qui suit :
    Infinitude cinétique du temps descendant
    Subjonctif thématique (imparfait du subjonctif)
    ←————————————————————-
    —————————————————————→
    Infinitude cinétique du temps ascendant
    Subjonctif athématique (présent du subjonctif)[]
  5. Eschyle, Prométhée, v. 909 et sq.[]
  6. Hésiode, Théogonie, v. 459-460.[]