Vezin
Mais au point où est maintenant parvenue l’analyse, c’est à l’être du Dasein, pour qui il y va de lui dans son être même, qu’appartient l’être-avec d’autres. En tant qu’être-avec il appartient donc au Dasein d’« être » essentiellement à dessein d’autres. Cela, il faut l’entendre comme énoncé existential de son essence. Même si le Dasein tel qu’il est factivement à chaque fois ne se tourne pas vers d’autres, quand il pense n’en avoir pas besoin ou encore s’il souffre de leur absence, il est à la manière de l’être-avec. Dans l’être-avec en tant qu’être existential à dessein d’autres, ceux-ci sont déjà découverts dans leur Dasein. Cette ouvertude des autres pré-constituée dans l’être-avec constitue donc elle aussi la significativité, c’est-à-dire la mondéité en tant que celle-ci s’ancre dans l’être existential à dessein de. Par suite, ainsi constituée, la mondéité du monde, où le Dasein est par essence chaque fois déjà, donne à rencontrer l’utilisable dans le monde ambiant de telle manière que la coexistence des autres s’y rencontre et qu’elle n’y fasse qu’un avec l’utilisable dont on se préoccupe avec discernation. La structure de la mondéité du monde implique que les autres ne sont pas d’emblée là-devant comme des sujets lâchés dans le vide au voisinage d’autres choses mais que, dans leur être préoccupé par le monde ambiant, ils se montrent dans le monde à partir de ce qui y est utilisable.
L’ouvertude à la coexistence des autres qui appartient à l’être-avec signifie : dans l’entente de l’être qui caractérise le Dasein se trouve déjà, parce que son être est être-avec, l’entente des autres. Cet entendre, comme l’entendre en général, n’est pas une connaissance grandie à partir d’une reconnaissance, c’est au contraire un genre d’être existential original qui rend avant tout possible reconnaissance et connaissance. Le se-connaître se fonde sur l’être-avec originalement ententif. Conformément au genre d’être immédiat de l’être-au-monde en tant qu’il est être-avec, le se-connaître a son plus proche rayon d’action dans le connaître ententif de ce que le Dasein trouve d’abord et dont il se préoccupe avec les autres au sein du monde ambiant où s’exerce la discernation. Ce n’est qu’à partir de ce qui préoccupe et de l’entendre de celui-ci que s’entend la préoccupation suscitée par le souci mutuel. Ainsi c’est d’abord dans le souci mutuel suscité par la préoccupation que l’autre est découvert. (ETFV:165-166]
Auxenfants
Mais, d’après l’analyse que nous avons conduite jusqu’ici, l’‘être-avec’ en commun avec les autres participe de l’Être du Dasein, Être dont, pour lui, il y va en son ÊtrÊtre lui-même. C’est pourquoi, en tant qu’‘être-avec’, le Dasein, par essence, « est » ‘à-dessein-des’ (umwillen) autres. Ceci, il faut le comprendre comme étant un énoncé existential de sa nature. Même lorsque le Dasein particulier, le Dasein en situation, ne se tourne pas vers les autres, même lorsqu’il présume ne pas avoir besoin d’eux, ou même lorsqu’il est privé d’eux, il est suivant le mode de l’‘être-avec’. Dans l’‘être-avec’ en tant que l’‘être-à-dessein-des’ autres existential, ceux-ci sont déjà ouverts-révélés dans leur Dasein. Par suite, cet ‘être-ouvert-révélé’ des autres, lequel est constitué par avance en même temps que l’‘être-avec’, contribue lui aussi à constituer la significativité (ou référence-signifiante), c’est-à-dire la mondanéité, en tant que celle-ci est ancrée dans l’‘à-dessein-de-quoi’ existential. C’est pourquoi la mondanéité du monde, ainsi constituée, mondanéité dans laquelle le Dasein, par essence, est à chaque fois déjà, ménage la rencontre de l’étant qui est disponible comme l’est ce qui relève du monde ambiant, et elle le fait de telle sorte que, ne faisant qu’un avec lui en tant qu’il s’en préoccupe avec circonspection, l’‘être-là-avec’ des autres vient à rencontre. La structure de la mondanéité du monde est telle que les autres ne sont pas de prime abord subsistants en tant que sujets en suspens dans le vide (freischwebend) à côté d’autres choses, mais elle est telle que, dans leur Être préoccupé, lequel Être relève du monde ambiant, ils se manifestent dans le monde à partir de ce qui, dans celui-ci, est disponible.
Dire que l’‘être-ouvert-révélé’ de l’‘être-là-avec’ des autres participe de l’‘être-avec’, cela veut dire : étant donné que l’Être du Dasein est ‘être-avec’, la compréhension de l’Être qu’a le Dasein inclut déjà la compréhension des autres. Tout comme la Compréhension en général, cette Compréhension n’est pas une connaissance (Kenntnis) née d’un acte cognitif, mais elle est un mode d’être originellement existential, lequel rend pour la première fois possible l’acte cognitif et la connaissance (Kenntnis). Le fait de ‘se connaître’ l’un l’autre (Sichkennen) est fondé dans l’‘être-avec’, lequel, d’origine, comprend. Conformément au mode d’être immédiat de l’‘être-au-monde’, lequel ‘être-au-monde’ ‘est-avec’, ce fait de ‘se connaître’ l’un l’autre se meut de prime abord dans l’acte compréhensif, dans l’acte de connaître les choses sur lesquelles le Dasein, de pair avec les autres, tombe avec circonspection, choses qui relèvent du monde ambiant et dont il se préoccupe. C’est depuis ce dont il se préoccupe, et du fait de la Compréhension qu’il en a, que le Dasein comprend la préoccupation s’attachant à assister l’autre (fürsorgende Besorgen). De sorte que c’est dans la sollicitude consistant à se préoccuper (besorgende Fürsorge) de l’autre que ce dernier est d’emblée ouvert-révélé. (ETJA)