être-auprès

Sein bei (SZ)
ser-junto (SZ)
being together with (BT)

L’« être-auprès » du monde, au sens — encore à préciser — de l’identification au monde est un existential fondé dans l’être-à… Comme il y va dans ces analyses du discernement d’une structure d’être originelle du Dasein, dont la teneur phénoménale doit gouverner l’articulation des concepts d’être, et comme cette structure est foncièrement insaisissable à l’aide des catégories ontologiques traditionnelles, il convient donc de (55) considérer de plus près ce phénomène de l’« être-auprès ». Ce que nous ferons en le distinguant à nouveau d’un rapport d’être essentiellement autre ontologiquement c’est-à-dire, catégorial — que nous exprimons linguistiquement de la même manière. De telles différences ontologiques fondamentales, trop aisées à effacer, nous ne devons jamais hésiter à accomplir expressément l’évocation phénoménologique, fût-ce au risque d’élucider des « évidences ». L’état de l’analytique ontologique montre cependant que, bien loin d’avoir réussi à nous « emparer » assez solidement de ces évidences, nous n’en interprétons au contraire que rarement le sens d’être, et en possédons plus rarement encore des concepts structurels assurés et adéquats. (EtreTemps12)

L’« être-auprès » du monde en tant qu’existential ne peut en aucun cas signifier de chose survenantes. Un « être-à-côté » d’un étant nommé Dasein et d’un autre étant nommé « monde », cela n’existe pas. D’ailleurs, nous avons coutume d’exprimer parfois l’être-ensemble de deux choses sous-la-main en disant : « La table est “auprès” de la porte », « la chaise “touche” le mur ». Mais de « contact », il ne saurait ici être question en toute rigueur, non seulement parce qu’un examen plus attentif finit toujours par constater l’existence d’un espace intermédiaire entre la chaise et le mur, mais plutôt parce que la chaise ne peut fondamentalement pas toucher le mur, quand bien même l’espace intermédiaire en question s’annulerait. Pour cela, en effet, il faudrait que le mur puisse faire encontre (begegnen) « à » la chaise. Un étant ne peut toucher un étant sous-la-main à l’intérieur du monde que s’il a nativement le mode d’être de l’être-à… — que si, avec son Da-sein, lui est déjà découvert quelque chose comme un monde à partir duquel de l’étant puisse se manifester dans le contact, pour ainsi devenir accessible en son être-sous-la-main. Deux étants qui sont sous-la-main à l’intérieur du monde et, qui plus est, sont en eux-mêmes sans-monde ne sauraient se « toucher », aucun des deux ne peut « être auprès de » l’autre. Notre ajout : « et qui de surcroît sont sans-monde » ne doit pas être omis, puisque même un étant qui n’est pas sans-monde — par exemple le Dasein lui-même — est sous-la-main « dans » le monde, plus exactement peut être appréhendé avec un certain droit et dans certaines limites comme seulement sous-la-main. Ce qui exige de faire totalement abstraction de, ou ne pas apercevoir du tout la constitution existentiale de l’être-à… Néanmoins, il n’est pas question de confondre cette appréhension possible du « Dasein » comme étant, ou n’étant plus que sous-la-main, avec certain mode d’« être-sous-la-main » propre au Dasein. Ce mode, en effet, n’est plus accessible à qui fait abstraction des structures spécifiques du Dasein, mais au contraire seulement à qui les comprend d’emblée. Le Dasein (56) comprend son être le plus propre au sens d’un certain « être-sous-la-main factuel » NA: Cf. infra, §29 (EtreTemps29), p. 134-140. Et pourtant la « factualité » du fait du Dasein propre est ontologiquement sans commune mesure avec la survenance factuelle d’une espèce minérale. La factualité propre au fait du Dasein, ce mode en lequel tout Dasein est à chaque fois, nous l’appelons sa facticité. La structure compliquée de cette déterminité (Bestimmtheit) d’être ne peut elle-même être saisie comme problème qu’à la lumière d’une élaboration préalable des constituants existentiaux fondamentaux du Dasein. Le concept de facticité inclut ceci : l’être-au-monde (In-der-Welt-sein) d’un étant « intramondain », mais d’un étant capable de se comprendre comme lié en son « destin » à l’être de l’étant qui lui fait encontre à l’intérieur de son propre monde. (EtreTemps12)

Si donc le Dasein préoccupé amène quelque chose à sa proximité, cela ne signifie point qu’il le fixe à un emplacement spatial qui serait séparé par la distance minimum d’un point quelconque de son corps. Dans la proximité, cela veut dire : dans l’orbe de ce qui est de prime abord à-portée-de-la-main pour la circon-spection. L’approchement n’est pas orienté vers la chose-Moi munie d’un corps, mais vers l’être-au-monde (In-der-Welt-sein) préoccupé, autrement dit vers ce qui y fait à chaque fois et de prime abord encontre. La spatialité du Dasein ne saurait donc pas non plus être déterminée par l’indication d’un emplacement où une chose corporelle est sous-la-main. Sans doute, nous disons également du Dasein qu’il occupe une place. Mais cette « occupation » doit être absolument dissociée de l’être-sous-la-main à une place issue d’une contrée. Cette occupation de place doit nécessairement être conçue comme l’é-loignement (Entfernung) de l’à-portée-de-la-main du monde ambiant vers une contrée circon-spectivement prédécouverte. Son ici, le Dasein le comprend à partir du là-bas du monde ambiant. L’ici ne désigne pas le « où » d’un sous-la-main, mais le auprès-de-quoi d’un être-auprès… é-loignant, inséparable de cet é-loignement (Entfernung) même. Conformément à sa spatialité propre, le Dasein n’est de prime abord jamais ici, mais là-bas, et c’est depuis ce là-bas qu’il revient vers son ici, et cela derechef seulement dans la mesure où il explicite son être-pour… préoccupé à partir de ce qui est (108) là-bas-à-portée de la main. C’est ce qui achèvera de nous apparaître en considérant une spécificité phénoménale de la structure d’é-loignement (Entfernung) de l’être-à. (EtreTemps23)

Ce pour-quoi (en-vue-de-quoi) NT: Pour-quoi, en effet, c’est ici Worum, c’est-à-dire le « pour » qui se rapporte au Dasein lui-même, non pas Wozu, le pour-quoi constituant l’être de l’outil (Zeug) ou du rapport à l’outil (Zeug). Le français ne peut ici recourir à deux prépositions différentes, mais les contextes, heureusement, interdisent la confusion. la peur a peur, c’est l’étant même qui a peur : le Dasein. Seul un étant pour lequel en son être il y va de cet être même peut prendre-peur. L’avoir-peur ouvre cet étant dans sa précarité, dans son abandon à lui-même. La peur dévoile toujours, même si c’est avec une netteté variable, le Dasein en l’être de son Là. Que nous puissions avoir peur pour notre maison et nos biens, cela ne constitue point une instance contre la détermination donnée à l’instant du pour-quoi de la peur. Car le Dasein en tant qu’être-au-monde (In-der-Welt-sein) est à chaque fois être-auprès préoccupé. De prime abord et le plus souvent, le Dasein est à partir de ce dont il se préoccupe. La mise en péril de celui-ci est menace sur l’être-auprès. La peur ouvre le plus souvent le Dasein selon une guise privative. Elle égare et fait « perdre la tête ». La peur referme l’être-à mis en péril lors même qu’elle le fait voir, de telle sorte que le Dasein, lorsque la peur a reculé, doit commencer par se retrouver. (EtreTemps30)

Mais l’exister factice du Dasein, à son tour, n’est pas seulement et indifféremment un pouvoir-être-au-monde (In-der-Welt-sein) jeté, mais il s’est toujours aussi déjà identifié au monde de sa préoccupation (Besorgen). En cet être-auprès échéant s’annonce, expressément ou non, compris comme tel ou non, la fuite devant l’étrang(èr)eté qui la plupart du temps demeure recouverte avec l’angoisse latente parce que la publicité du On réprime toute non-familiarité. Dans l’être-déjà-en-avant-de-soi-dans-un-monde est essentiellement impliqué l’être échéant auprès de l’à-portée-de-la-main intramondain dans la préoccupation (Besorgen). (EtreTemps41)

L’expression « souci » désigne un phénomène ontologico-existential fondamental, qui néanmoins n’est pas simple en sa structure. La totalité ontologiquement élémentaire de la structure du souci ne peut pas plus être reconduite à un « élément originaire » ontique que l’être, à coup sûr, ne peut être « expliqué » à partir de l’étant. Finalement, il nous apparaîtra que l’idée de l’être en général est tout aussi peu « simple » que l’être du Dasein. La détermination du souci comme être-en-avant-de-soi-dans-l’être-déjà-dans… — comme être-auprès… montre nettement que ce phénomène est lui aussi en soi structurellement articulé. Or n’est-ce pas là l’indice phénoménal que la question ontologique doit être poussée encore plus loin pour dégager un phénomène encore plus originaire, qui porte ontologiquement l’unité et la totalité de la multiplicité structurelle du souci ? Mais avant que la recherche poursuive cette question, il est besoin d’une appropriation rétrospective et plus aiguë de ce qui a été jusqu’ici interprété, du point de vue de la question fondamental-ontologique du sens de l’être en général. Toutefois, nous devons auparavant montrer que ce qui en cette interprétation est ontologiquement « nouveau » est ontiquement tout à fait ancien. Bien loin de le plier à une idée imaginaire, l’explication de l’être du Dasein porte pour nous existentialement au concept ce qui a déjà été ouvert ontico-existentiellement. (EtreTemps41)

Nos considérations sur l’excédent, la fin et la totalité ont mis en évidence la nécessité d’interpréter le phénomène de la mort comme être pour la fin à partir de la constitution fondamentale du Dasein. C’est à cette condition seulement qu’il peut nous apparaître dans quelle mesure est possible dans le Dasein lui-même, conformément à sa structure d’être, un être-tout constitué par l’être pour la fin. Or à titre de constitution fondamentale du Dasein, c’est le souci qui a été manifesté. La signification ontologique de ce terme s’exprimait dans la « définition » suivante : être-déjà-en-avant-de-soi-dans (le monde) comme être-auprès de l’étant faisant encontre (à l’intérieur du monde) (NA: Cf. supra, §41 (EtreTemps41), p. 192.). Ainsi se trouvent exprimés les caractères (250) fondamentaux de l’être du Dasein : dans le en-avant-de-soi, l’existence, dans l’être-déjà-dans…, la facticité, dans l’être-auprès…, l’échéance. Or si la mort appartient en un sens privilégié à l’être du Dasein, il faut qu’elle (ou l’être pour la fin) se laisse déterminer à partir de ces caractères. (EtreTemps50)

L’être pour la fin ne naît pas seulement d’une — et en tant que — disposition temporaire, mais il appartient essentiellement à l’être-jeté du Dasein, lequel se dévoile tel ou tel dans l’affection (la tonalité). Le « savoir » — ou l’« ignorance » — factice qui règne à chaque fois dans le Dasein au sujet de son être le plus propre pour la fin est seulement l’expression de la possibilité existentielle de se tenir selon diverses modalités dans cet être. Que beaucoup d’hommes, de facto, n’aient de prime abord et le plus souvent pas de savoir de la mort ne saurait valoir comme preuve en faveur de l’idée que l’être pour la mort n’appartiendrait pas « universellement » au Dasein, mais uniquement à l’appui du fait que le Dasein, de prime abord et le plus souvent, se recouvre, en fuyant devant lui, l’être le plus propre pour la mort. Le Dasein meurt facticement aussi longtemps qu’il existe, mais de prime (252) abord et le plus souvent selon la guise de l’échéance. Car l’exister factice n’est pas seulement en général et indifféremment un pouvoir-être-au-monde (In-der-Welt-sein) jeté, mais il s’est aussi toujours déjà identifié au « monde » de sa préoccupation (Besorgen). Dans cet être-auprès… échéant s’annonce la fuite hors de l’étrang(èr)eté, c’est-à-dire maintenant devant l’être le plus propre pour la mort. Existence, facticité, échéance caractérisent l’être pour la fin et sont par conséquent constitutives du concept existential de la mort. Le mourir se fonde, quant à sa possibilité ontologique, dans le souci. (EtreTemps50)