L’installation en tant qu’elle dresse – au lieu de simplement placer, disposer -, est un geste de consacrer et de glorifier. Consacrer signifie rendre sacré en ce sens précis que, dans le mode de dresser propre à l’oeuvre, le sacré est ouvert comme sacré et le dieu entraîné dans l’ouvert de sa présence. À la consécration, appartient la glorification au sens de l’évaluation de la vaillance et de l’éclat du dieu : vaillance et éclat ne sont pas des propriétés à côté et derrière lesquelles se tiendrait de surcroît le dieu, mais c’est dans la vaillance et l’éclat qu’il se rend présent (Hw. 33). OOA1935: II
L’oeuvre – tandis qu’elle surgit dans son monde – se re-plonge dans la massivité et la pesanteur de la pierre, dans la solidité et la souplesse du bois, dans la dureté et l’éclat du métal, dans le lumineux et le sombre de la couleur, dans l’explosion du son et la force nommante du mot. Mais tout cela n’est pas un matériau qui serait tout juste utilisé – et ensuite usé – lors de l’apprêtement, n’est pas un “matériau” qui n’attendrait que d’être dominé et porté à la disparition. Au contraire ! C’est justement dans ce que nous mésinterprétons au titre de “matériau” que vient tout d’abord au paraître le poids du roc, l’éclair et le scintillement des métaux, la haute stature de l’arbre, la lumière du jour, le bruissement des vagues et le silence de la nuit. C’est l’oeuvre qui pour la première fois pro-duit tout cela dans l’ouvert. Et l’ainsi pro-duit, nous le nommions déjà : la terre. Il convient donc maintenant de suggérer brièvement l’essence de celle-ci (Hw. 34-35). OOA1935: II
Se tenant là, l’édifice repose en même temps sur le roc. C’est ainsi seulement que celui-ci manifeste l’obscurité de son sourd portement. Se tenant là, l’édifice tient tête à la tempête qui fait rage sur lui, manifestant par là pour la première fois celle-ci en sa violence. L’éclat et la lueur de la pierre, qui apparemment ne sont eux-mêmes dus qu’à la grâce du soleil, manifestent pourtant justement la clarté du jour, la largeur du ciel et les ténèbres de la nuit. La sûre éminence du temple se dresse contre le déferlement des flots marins, et laisse ainsi le tumulte sauvage venir au paraître en provenance du calme. C’est maintenant seulement que l’arbre et l’herbe, l’aigle et le taureau, le serpent et le grillon parviennent à une figure distincte et se dégagent ainsi en ce qu’ils sont. Ce dégagement, les Grecs le nommèrent physis. Ce mot veut dire : ce qui se lève à partir de soi et entre ainsi dans la lumière. Le nom grec pour la lueur de la lumière, phaos, phôs a la même racine. Une telle levée porte, embrasse et pénètre toutes choses. Elle est le tout sur lequel et dans lequel l’homme fonde son habiter. Celui-ci, nous l’appelons la terre. De ce que ce mot veut nommer, il convient de tenir éloigné aussi bien la représentation d’une masse matérielle sédimentée que celle, purement astronomique, d’une planète (Hw. 31). OOA1935: II