durée

Dauer [SZ]

L’é-loigner n’implique pas nécessairement une évaluation explicite du lointain d’un à-portée-de-la-main par rapport au Dasein. Surtout, l’être-éloigné n’est jamais saisi comme écart. Si le lointain doit être évalué, cela ne se produit jamais que relativement à des é-loignement [Entfernung]s où le Dasein quotidien [alltäglich] se tient. Du point de vue de leur calcul, ces évaluations peuvent être imprécises et flottantes, elles n’en ont pas moins dans la quotidienneté [Alltäglichkeit] du Dasein leur déterminité [Bestimmtheit] propre et de part en part compréhensible. Nous disons par exemple : jusque là-bas, il y a l’espace d’une promenade, un « saut de puce », un « jet de pierre ». Ce que ces mesures indiquent, c’est non seulement qu’elles ne prétendent pas « métrer », mais encore que [106] l’être-éloigné ainsi évalué, appartient en propre à un étant que l’on aborde avec la circon-spection propre à la préoccupation [Besorgen]. Même lorsque nous nous servons d’une mesure précise, en disant : « il y a une demi-heure d’ici à la maison », cette mesure doit encore être considérée comme une évaluation. Une « demi-heure », cela ne veut pas dire trente minutes, mais une durée qui n’a absolument aucune « longueur » au sens d’une extension quantitative. Cette durée est à chaque fois explicitée à partir des « préoccupation [Besorgen]s » quotidiennes [alltäglich] habituelles. De prime abord, et même lorsque sont en usage des mesures « officiellement » fixées, les éloignements sont évalués par une circon-spection. L’é-loigné, étant à-portée-de-la-main dans de telles évaluations, conserve son caractère spécifiquement intramondain. Et cela implique même que les chemins praticables conduisant à l’étant éloigné présentent chaque jour une longueur différente. L’à-portée-de-la-main du monde ambiant n’est nullement sous-la-main pour un observateur intemporel, dégagé du Dasein, mais il vient à l’encontre de la quotidienneté [Alltäglichkeit] préoccupée et circon-specte du Dasein. Sur ses chemins propres, le Dasein ne prend pas la mesure d’une portion d’espace comme d’une chose corporelle sous-la-main, il ne « dévore » pas « des kilomètres », au contraire son approchement et son é-loignement [Entfernung] est toujours un être préoccupé vis-à-vis de l’approché et de l’é-loigné. Un chemin « objectivement » long peut être plus court qu’un chemin « objectivement » très court, lequel est peut-être un « calvaire » qui paraîtra infiniment long à qui l’emprunte. Mais c’est en un tel « paraître », justement, que le monde est à chaque fois et pour la première fois proprement à-portée-de-la-main. Les distances objectives de choses sous-la-main ne coïncident pas avec l’éloignement et la proximité propres à l’a-portée-de-la-main intramondain. Celles-là peuvent bien être sues avec exactitude, un tel savoir cependant demeure aveugle, il n’a pas la fonction de l’approchement qui découvre le monde ambiant avec circon-spection ; de ce savoir, il peut sans doute être fait usage, mais il est alors au service d’un être préoccupé du monde le « concernant », qui ne se soucie point de mesurer des écarts. [EtreTemps23]