L’entente quotidienne (alltäglich) prend d’abord l’« être-en-dette » au sens d’« être débiteur », « avoir une ardoise chez quelqu’un ». On doit restituer à l’autre quelque chose auquel il prétend. Cet « être-en-dette » au sens d’« avoir des dettes » est une guise de l’être-avec (Mitsein) autrui dans le domaine de la préoccupation (Besorgen) en tant qu’elle pourvoit et fournit. D’autres modes de cette préoccupation (Besorgen) se trouvent dans le fait de soustraire, emprunter, réserver, prendre, dérober, autrement dit de ne pas satisfaire, d’une manière ou d’une autre, à la revendication de propriété des autres. L’être-en-dette pris en ce sens est rapporté à de l’étant dont on peut se (282) préoccuper. EtreTemps58
Laissons de côté la question de savoir comment de telles exigences prennent naissance, et comment, sur la base de cette origine, leur caractère d’exigence et de loi doit être conçu. En tout état de cause, l’être-en-dette au dernier sens cité, en tant qu’entorse à une « exigence éthique », est un mode d’être du Dasein. Autant vaut aussi, bien sûr, de l’être-en-dette au sens de « se rendre passible d’une peine », au sens d’« avoir des dettes », et de toute « responsabilité dans… », puisqu’il s’agit également dans tous ces cas de conduites du Dasein. Si l’on conçoit le fait d’être « chargé d’une dette (faute) éthique » comme une « qualité » du Dasein, cela revient à ne pas dire grand chose ; au contraire, ce qui se manifeste par là, c’est seulement que cette caractérisation ne suffit point pour délimiter ontologiquement ce mode de « déterminité (Bestimmtheit) d’être » du Dasein par rapport aux conduites à l’instant citées. Tout aussi peu le (283) concept de dette (faute) éthique est-il ontologiquement clarifié lorsque sont devenues – et restées – régnantes des explicitations du phénomène qui incluent dans son concept l’idée de culpabilité, quand ce n’est celle d’endettement auprès…, ou même déterminent carrément ce concept à partir de telles idées. Car le « en-dette » s’en trouve derechef refoulé dans le domaine de la préoccupation (Besorgen) au sens d’une estimation conciliatrice de prétentions opposées. EtreTemps58
Dans ce but, l’idée du « en-dette » doit être formalisée jusqu’au degré requis pour que demeurent hors jeu les phénomènes de dette vulgaires, ceux qui sont relatifs à l’être-avec (Mitsein) préoccupé avec autrui. L’idée de dette doit non seulement être haussée au-dessus du domaine de la préoccupation (Besorgen) calculatrice, mais encore dégagée de tout rapport à un devoir et à une loi en infraction auxquels quelqu’un se chargerait d’une dette (faute). Car ici encore, la dette est nécessairement déterminée comme défaut, comme le manque de quelque chose qui doit et qui peut être. Mais manquer signifie ne-pas-être-sous-la-main. Le défaut comme ne-pas-être-sous-la-main d’une chose due est une détermination d’être du sous-la-main. En ce sens, rien ne peut manquer essentiellement à l’existence, non point parce qu’elle serait parfaite, mais parce que son caractère d’être demeure différent de tout sous-la-main. EtreTemps58